Article

À l’origine : Susan Kare, la graphiste iconique d’Apple

06 juin 2023
Par Marion Piasecki
À l'origine : Susan Kare, la graphiste iconique d'Apple
©DR

Dans sa série « À l’origine », L’Éclaireur revient sur les débuts des technologies. Ce mois-ci, portrait de la graphiste pionnière Susan Kare.

Son nom ne vous dit peut-être rien, mais vous avez forcément déjà vu son travail et son influence sur les interfaces de nos ordinateurs, tablettes et smartphones aujourd’hui. Le visage souriant du Finder sur Mac ? C’est elle. L’icône disquette pour enregistrer ? C’est elle aussi. La corbeille pour supprimer ? C’est encore elle. En créant ces icônes pour Apple dans les années 1980, Susan Kare a posé les bases du design numérique et du pixel art.

Des beaux-arts au pixel art

Diplômée d’un doctorat en beaux-arts en 1978, Susan Kare n’a pas du tout prévu une carrière de graphiste et ne montre pas d’intérêt particulier pour l’informatique à ses débuts. Cependant, son expérience dans plusieurs pratiques artistiques lui donne les clés pour créer les icônes que nous connaissons aujourd’hui : elle s’inspire en particulier du pointillisme, de la mosaïque et du point de croix. Ce style de broderie a en effet en commun avec le pixel art le fait de créer des dessins avec des petits carrés.

Les premières icônes créées par Susan Kare pour le Macintosh sorti en 1984.

En 1982, un ami lui propose d’abord de créer trois icônes pour le premier Macintosh : elle sera finalement embauchée chez Apple comme graphiste à part entière. Elle se prend vite au jeu et son enthousiasme communicatif la mène même à faire partie de la campagne promotionnelle du Macintosh, dans des publicités et des émissions de télé. Cela avec deux objectifs : montrer que ce nouvel ordinateur est accessible à tous, même aux novices, et qu’il est un formidable outil pour les artistes.

Une œuvre variée

Susan Kare ne s’est cependant pas arrêtée à ce coup d’éclat. Par la suite, elle s’est également distinguée par les nombreuses typographies qu’elle a dessinées, apportant notamment des écritures calligraphiées ou manuscrites sur ces premiers ordinateurs grand public. Après Apple, elle a aussi travaillé pour Microsoft et est notamment à l’origine du design du célèbre jeu de cartes Solitaire pour Windows 95.

Le jeu Solitaire pour Windows 95.

Elle a ensuite pris le virage des réseaux sociaux à la fin des années 2000 en créant toute une série de cadeaux virtuels pour Facebook, puis en travaillant à temps plein pour Pinterest dans les années 2010. Aujourd’hui, elle est designer pour Niantic, entreprise de métavers avant tout connue pour le succès planétaire de son application Pokémon Go.

Une influence encore visible

S’il y a une preuve que ses travaux ont non seulement marqué leur époque mais les traversent aisément, c’est que beaucoup de ses designs influencent encore les interfaces d’aujourd’hui, même quand l’objet de référence est devenu complètement obscur : les adolescents qui cliquent aujourd’hui sur l’icône disquette pour enregistrer un fichier n’ont probablement jamais vu une vraie disquette et ne savent donc pas forcément pourquoi l’icône ressemble à ça !

De plus, elle est également considérée par certains comme l’inventrice des emojis. En effet, en 1984 elle a créé une police un peu particulière pour le Macintosh : Cairo. Cette police d’écriture est ce que les anglophones appellent un dingbats, c’est-à-dire qu’au lieu d’être composée de lettres, il s’agit de divers pictogrammes comme un chien, une balle ou un cornet de glace. Les utilisateurs pouvaient ainsi personnaliser facilement leurs textes.

Alors que de nombreuses femmes de l’histoire de l’informatique sont trop peu visibles, Susan Kare est reconnue à sa juste valeur : plusieurs expositions ont été consacrées à son travail, y compris en France, et certains de ses dessins préparatoires pour Apple figurent même dans l’exposition permanente du Museum of Modern Arts (MoMA) de New York. Une vraie icône.

À lire aussi

Article rédigé par
Marion Piasecki
Marion Piasecki
Journaliste