Critique

Heat 2 : une suite en roman pour le monument de Michael Mann

07 juin 2023
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Heat 2 : une suite en roman pour le monument de Michael Mann
©Warner Bros.

Vingt-sept ans après la sortie de son film culte en France, Michael Mann fait paraître en roman la suite de ce chef-d’œuvre total. Avant, on l’espère, d’en tourner lui-même l’adaptation. Hommage à un monument du polar.

« Si je suis là-bas et que je dois te neutraliser, ça ne me plaira pas, mais je le ferais. Si j’ai à choisir entre toi et un pauvre malheureux qui a une femme dont tu t’apprêtes à faire une veuve, mon pote, je serai forcé de te descendre.

Mais il y a le revers de la médaille, comme toujours. Parce qu’admettons que je me retrouve coincé et que moi je doive te descendre, quoi qu’il arrive, jamais je ne te laisserais me barrer la route. On s’est vu face à face, c’est vrai, mais crois pas que j’hésiterai, pas l’ombre d’une seconde. »

Le plus grand polar contemporain ?

On s’en souvient comme si c’était hier. En plein âge d’or de la VF, porté par les voix inoubliables de José Luccioni et Jacques Frantz, le lieutenant de police Vincent Hanna, interprété par Al Pacino, et le braqueur de Banque Neil McCauley, alias Robert de Niro, sont attablés dans la nuit scintillante de Los Angeles et nous offrent l’un, si ce n’est le plus grand face à face de l’histoire du cinéma. Comme un hommage au western, Michael Mann façonne une parenthèse magique, un moment de calme relatif au cœur d’un polar endiablé.

À l’ancienne, un flic et un truand définissent les règles du jeu auquel ils vont jouer. Un code d’honneur bourré de respect, mais aussi la promesse d’une fin tragique pour l’un, pour l’autre ou pour les deux. Les dialogues ciselés, le champ-contrechamp, l’interprétation magistrale, la première confrontation à l’écran de deux légendes d’Hollywood : ce moment de grâce est le climax d’un film qui enchaîne, plan après plan, les scènes iconiques et qui inscrit son nom, minute après minute, un peu plus haut au panthéon du septième art.

C’est peut-être le propre des bons films. Leur histoire tient sur un bout de papier. Heat raconte le duel que se livrent un lieutenant de police implacable et un braqueur redoutable et rusé, qui s’apprête à faire le coup de sa vie.

Tout le reste n’est que magie de cinéma. Le rythme lancinant et le grain de l’image pour capter l’atmosphère d’un Los Angeles crépusculaire, cette manière de concevoir le film en miroir entre deux univers, deux hommes, entre le bien et le mal, l’intrigue et les dialogues au cordeau, l’interprétation majuscule d’Al Pacino et De Niro, mais aussi des seconds rôles Val Kilmer, Tom Sizemore ou Ashley Judd : Michael Mann fabrique avec une obsession presque maladive les détails d’un bijou d’orfèvrerie qui mêle noirceur et mélancolie, amour et violence, cruauté et humanité. Un chef-d’œuvre maîtrisé de bout en bout, qui relègue les autres films de braquage au rang de divertissements mineurs.

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Une suite romanesque éblouissante…

Alors, quand les premières rumeurs d’un Heat 2 jaillissent des entrailles d’Internet, stupeur et méfiance sont de mises. Comment imaginer une suite à un film à la conclusion si magistrale, si définitive ? Quand, en plus, ce nouvel opus est annoncé sous la forme d’un roman signé par Michael Mann himself, les doutes gagnent du terrain. Le réalisateur se serait-il improvisé romancier parce que personne ne voulait le financer ?

©Harper Collins

Il suffit de quelques pages pour gifler les oiseaux de mauvais augure. Co-écrit avec Meg Gardiner, grande prêtresse du polar américain, autrice du sublime China Lake, Heat 2 vous prend instantanément à la gorge et vous replonge au moment exact où le récit a dégénéré dans une frénésie incontrôlable. 7 septembre 1995, 11h32, Neil McCauley et sa bande braquent la Far East national Bank, mais tombent sur les forces de police du lieutenant Hanna. C’est le début d’un affrontement effréné qui verra toute la bande y laisser sa peau. Toute la bande, sauf Chris Shiherlis (Val Kilmer dans le film), qui échappe in extremis à la police grâce au léger signe de main de Charlene, sa femme, qu’il ne reverra jamais. C’est lui que nous allons suivre dans sa fuite.

Et puis, tout à coup, le roman bascule et nous prend à contrepied. Un flashback, en 1988. La même construction en miroir. D’un côté, un Neil McCauley plus jeune, plus impétueux et son équipe de choc s’attaquent aux lignes de ravitaillement de l’un des plus gros cartels de la drogue. De l’autre, Vincent Hanna, toujours aussi opiniâtre, doit faire face à une bande de psychopathes qui entrent par effraction chez les gens pour les voler, les violer, les tuer.

Dès lors, le roman alterne entre sequel et prequel. Pour rien au monde, Michael Mann n’aurait abandonné ses héros légendaires. Il décide au contraire de les étoffer et de leur forger un passé. Dans le même temps, il donne une tout autre dimension au personnage passionnant de Chris et lui offre le rôle-titre dans une épopée sombre et violente aux premières lueurs du nouveau millénaire. Roman noir à l’atmosphère poisseuse, thriller au cordeau qui multiplie les scènes d’anthologie, western contemporain, petit théâtre de l’humanité poétique et cruel : Heat 2 est sans conteste l’un des polars de l’année, le scénario d’un film qu’on rêverait de voir mis en scène.

… Avant un film ?

Et si le rêve devenait réalité ? Discret au cinéma depuis l’échec malheureux du pourtant très réussi Hacker (2015), Michael Mann prépare depuis quelques mois un retour en fanfare au pays du septième art. Au printemps dernier, il signait à la surprise générale le premier épisode de la série Tokyo Vice avec Ansel Elgort. En parallèle, il tournait un biopic consacré à Enzo Ferrari avec Adam Driver, Penelope Cruz et Shailene Woodley, qui devrait bientôt voir le jour sur nos écrans.

Mais le projet qui l’obsède en secret, le Graal qu’il pourchasse depuis 20 ans, c’est bien la suite de son monument. Devenu un best-seller aux États-Unis, son roman a prouvé au public qu’une autre histoire était possible et a montré aux studios que la flamme Heat était loin de s’éteindre. Alors, Michael Mann avance ses pions. Lors d’un entretien avec Empire en 2022, il affirme vouloir adapter cette suite au cinéma, alimentant les rêves les plus fous des cinéphiles. Il y a quelques semaines, le très informé Deadline révélait même que le réalisateur était entré en négociations directes avec Warner Bros. Si, à ce jour, rien n’est officiel, tout le monde s’accorde à dire que Heat 2 est sur les bons rails et qu’une confirmation pourrait arriver dans les mois à venir. De quoi frémir de plaisir.

Adam Driver dans la peau d’Enzo Ferrari.©Forward Pass

Côté casting en tout cas, les rumeurs ont déjà commencé et la machine à fantasmes tourne à plein régime. Adam Driver serait en discussion pour interpréter le rôle-titre, celui de Neil McCauley jeune, et Ana de Armas incarnerait sa petite amie. Al Pacino fera-t-il son grand retour dans la peau d’un Vincent Hanna vieillissant ? Le doute est permis, mais l’espoir fait vivre. Qui pour incarner son personnage dans ses plus jeunes années ? Interrogé lors du festival de Tribeca en 2022, Al Pacino affirmait que seul Timothée Chalamet avait les épaules pour assurer la relève. Un sacré compliment. Une déclaration surprenante aussi. Mais une idée sacrément alléchante. On tourne quand ?

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