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25 ans après sa sortie, Titanic est de nouveau à flot

08 février 2023
Par Félix Tardieu
“Titanic” ressort dans les salles de cinéma à l'occasion de son 25e anniversaire.
“Titanic” ressort dans les salles de cinéma à l'occasion de son 25e anniversaire. ©Walt Disney Company

James Cameron n’est pas du genre à se reposer sur ses lauriers. Le roi du box-office mondial, auteur de trois des quatre plus gros succès de tous les temps, est connu pour travailler d’arrache-pied au perfectionnement de ses films antérieurs. Titanic, que d’aucuns considèrent comme son chef-d’œuvre, ressort ces jours-ci dans une version poussant à fond les curseurs de la technologie.

James Cameron a remporté son pari haut la main. Sortie en décembre dernier, la suite d’Avatar (2009) a essuyé toutes les incertitudes en se hissant tranquillement au sommet du box-office, approchant les 2,2 milliards de dollars de recettes à l’heure où nous écrivons ces lignes. Le réalisateur d’Aliens (1986) et Terminator (1984) peut aujourd’hui se targuer d’être l’auteur de trois des quatre plus gros succès au box-office mondial, dont le premier Avatar et Titanic (1998). 

La Voie de l’eau (en lice pour l’Oscar du meilleur film) poursuit ainsi sa course folle au box-office et devrait très prochainement dépasser les recettes de Titanic, premier film de l’histoire à avoir franchi la barre du milliard de dollars de recettes. À moins que cette ressortie de Titanic ne vienne creuser l’écart entre les deux longs-métrages. En effet, le film aux 11 Oscars (dont meilleur film, meilleur réalisateur ou encore meilleure bande originale pour la musique intemporelle du regretté James Horner) s’offre aujourd’hui une remasterisation dans un format spectaculaire, en 4K et en 3D – le film avait déjà bénéficié d’une première conversion en 3D pour sa ressortie en 2012, à l’occasion du centenaire du naufrage du célèbre paquebot.

Kate Winslet et Leonardo DiCaprio dans Titanic. ©Walt Disney Company

Un film qui a failli “tomber à l’eau

Ressorties après ressorties, Titanic n’en finit plus de réaffirmer son statut de film culte ayant marqué un tournant dans l’industrie cinématographique de la fin du XXe siècle. Tout le monde garde en mémoire le triomphe du film, la mise en scène redoutablement efficace de Cameron – son sens accru de la composition du cadre, sa maîtrise de la profondeur de champ, son orchestration magistrale des séquences, la portée universelle de ses scénarios, etc. –, tout comme la bande originale devenue iconique, la reconstitution à la fois épique et minutieuse d’un navire mythique et de la tragédie de son naufrage.

Le tout conjugué à la romance inespérée – car enjambant l’écart criant entre les différentes classes sociales au début du XXe siècle, reflété par la structure même du paquebot britannique – entre Rose DeWitt (Kate Winslet), jeune aristocrate emprisonnée dans la perspective d’un mariage de raison, et Jack Dawson (Leonardo DiCaprio), artiste fauché ayant gagné sa place sur le Titanic lors d’une partie de cartes. En somme, une recette qui avait tout pour fonctionner…

… Et pourtant, avant le raz-de-marée provoqué au box-office mondial, le réalisateur canadien n’en menait pas large. David Fakrikian, spécialiste de Cameron depuis de nombreuses années (il lui a consacré l’ouvrage James Cameron, l’Odyssée d’un cinéaste), s’en souvient. « Cameron a tout dépassé. Il savait qu’il allait trop loin. Il a poussé les curseurs à fond pour aboutir au meilleur film qui soit dans sa tête. » Aux yeux du réalisateur, le long-métrage représentait ainsi un nouveau défi technique répondant à sa passion pour l’exploration sous-marine. « C’est principalement pour ça qu’il s’est lancé, explique-t-il. Il a fait Titanic parce qu’il voulait plonger pour filmer son épave et que le studio paie ! Ensuite, il s’est lancé des défis de caméra, de figuration, de reconstitution, etc. Cameron aime la difficulté. C’est en cela qu’il est différent des autres. »

Kate Winslet et Leonardo DiCaprio dans Titanic. ©Walt Disney Company

Le film n’aurait sans doute pas eu un tel impact sans l’entêtement de son auteur face à la frilosité des studios. Plus d’une fois, Titanic a failli sombrer et ne jamais voir le jour, entre dépassements de budget (estimé à 200 millions de dollars, un record pour l’époque), scènes coupées, délais intenables (la sortie du film était initialement programmée à l’été 1997) et un tournage démentiel à tous points de vue : le navire reproduit quasiment à taille réelle pour les besoins du film, la construction d’un bassin artificiel d’une capacité de 85 millions de litres, des plongées sous-marines pour étudier l’épave du Titanic, ou encore une affaire d’empoisonnement au PCP – potentiellement du fait d’un technicien excédé –, un puissant psychotrope qui envoya une bonne partie de l’équipe du film aux urgences.

Un capitaine sombre toujours avec son navire 

À vrai dire, James Cameron traînait avec lui une certaine réputation ; réalisateur tyrannique pour certains, en tout cas un perfectionniste prêt à tout pour réaliser sa vision, ce parfois au détriment de la santé, mentale comme physique, de ses équipes – à l’instar du tournage infernal d’Abyss (1989). « Ce n’est pas de la mégalomanie : l’ego, c’est le film lui-même. Si tu mets en danger son film, tu risques de passer par-dessus bord. Cameron a une mission : faire le film, et tout ce qui peut mettre en danger sa réussite doit être réglé. »

Dans le cas de Titanic, le cinéaste est passé à deux doigts du licenciement et songea même à quitter son poste face aux demandes incessantes du studio de raccourcir son film. Mais Cameron a préféré renoncer à ses royalties plutôt que d’abandonner le navire. « C’est devenu une obsession pour lui de réussir le film. Il était incontrôlable. Lorsqu’il a quelque chose en vue, il se comporte en véritable chef de chantier. J’ai 60 jours pour construire cet immeuble, on ne va jamais y arriver, mais on va le faire quand même, explique David Fakrikian. Titanic l’a épuisé psychologiquement, il avait constamment des bâtons dans les roues. C’est sans doute pour cela qu’il n’a pas voulu refaire de film tout de suite et ne refera sans doute plus jamais de film à l’ancienne. »

James Cameron sur le tournage de Titanic.©Twentieth Century Fox France

L’histoire retiendra que le réalisateur de Terminator a miraculeusement tenu la barre. Malgré les craintes répétées des studios – certains exécutifs de la 20th Century Fox ont démissionné pendant la production du film, pressentant un désastre –, Titanic emporta tout sur son passage et incarne encore aujourd’hui la forme ultime du blockbuster mélodramatique. « Il y a eu un phénomène de ruissellement : étant donné que les salles étaient pleines, les films d’à côté (Starship Troopers, Demain ne meurt jamais, etc.) récupéraient des entrées ! Le premier week-end, les gens pensaient qu’il ne recouperait jamais son budget. Mais, au lieu de décroître, les entrées ont augmenté » – ce qui se reproduira ensuite avec Avatar.

« On continue à penser qu’un film doit cartonner lors de son premier week-end d’exploitation. Ce qu’a fait Titanic, c’est casser ce paradigme que seuls certains réalisateurs sont capables de perturber, comme George Miller ou Clint Eastwood », d’après David Fakrikian. James Cameron, freiné par les avancées technologiques en matière d’effets visuels, rêvait certes d’Avatar bien avant de réaliser Titanic. Mais il n’aurait sans doute jamais pu convaincre la Fox de produire le film de ses rêves sans le succès monstre de son précédent film. « J’ai fait Titanic« , a-t-il rétorqué tout simplement au studio lorsque son projet de science-fiction était enfin devenu envisageable grâce au progrès des CGI et de la motion capture.

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La voie de la remasterisation

À la pointe de la technologie de l’image, cette nouvelle version de Titanic (qui, rappelons-le, demeure le film le plus vu dans les salles françaises avec pas moins de 21,7 millions d’entrées) reflète l’obsession de Cameron pour la restauration de ses propres films – à l’instar de Terminator 2 : le jugement dernier (1991), remastérisé il y a quelques années en 4K dans une version qui avait divisé les puristes (perte totale du grain de la pellicule, étalonnage discutable, effet « soap-opéra » malvenu, etc.). Plus largement, celle-ci s’inscrit dans le sillage du travail titanesque de James Cameron sur Avatar et ses suites, puisqu’elle tire parti de la technologie HDR (high dynamic range), offrant une image immensément plus détaillée et des couleurs multipliées par milliards, ainsi que le fameux high frame rate (HFR). 

©Walt Disney Company

Cette technique permettant d’augmenter la vitesse de défilement des images et de s’affranchir du traditionnel ratio de 24 images par seconde – expérimentée ces dernières années, sans trop de succès, par Peter Jackson et Ang Lee – a beaucoup fait parler d’elle lors de la sortie de La Voie de l’eau. Certains y ont décelé un tournant dans la manière de faire et de regarder des films, quand d’autres se sont montrés plus sceptiques quant au rendu de certaines séquences (et au choix de l’appliquer à certaines scènes seulement et non à l’intégralité du long-métrage). Mais, étant donné l’indéniable fluidité apportée par le HFR dans La Voie de l’eau, notamment pour les scènes se déroulant dans les eaux de Pandora, Titanic semble être le film idéal pour accueillir cette technologie. 

Si ce dernier n’a pas pris une ride, pourquoi le ressortir à nouveau ? La remasterisation des films répond d’abord à une logique du marché, la 4K étant l’évolution « naturelle » de l’imagerie numérique. Mais ce n’est pas tout, puisque « James Cameron pense à la postérité de ses films », selon David Fakrikian. En implémentant le HFR – entre autres – sur un film réputé indémodable, le réalisateur prolonge son goût de l’expérimentation et précise son obsession pour le rapport même du spectateur au cinéma, l’évolution de la technologie allant de pair avec notre propre relation aux images.

On peut ainsi se réjouir de voir ou revoir Titanic aujourd’hui avec la même qualité d’image qu’Avatar, dont le premier volet est ressorti en septembre dernier. Un classique du cinéma moderne qui est parvenu à encapsuler le XXe siècle là où le naufrage même du célèbre paquebot transatlantique l’avait inauguré. Sans l’expérience folle et éprouvante de Titanic, qui fonctionne tout aussi parfaitement en 2023 que lors de sa sortie il y a maintenant 25 ans, James Cameron ne serait sans doute pas devenu le cinéaste averti qu’il est aujourd’hui – et désormais seul maître à bord de son cinéma.

Bande-annonce de Titanic à l’occasion de son 25e anniversaire.

Titanic de James Cameron, 3h14, avec Leonardo DiCaprio, Kate Winslet, Billy Zane, Kathy Bates, Bill Paxton. Ressortie le 8 février 2023.

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Article rédigé par
Félix Tardieu
Félix Tardieu
Journaliste