Certains ont fait l’actualité récemment, d’autres sont devenus des classiques du genre. Tour d’horizon des essais de développement personnel à dévorer d’urgence pour affronter sereinement le « blue monday ».
1 Assumer ses émotions avec Petit manuel philosophique à l’intention des grands émotifs, d’Ilaria Gaspari
Ancienne élève de l’École normale supérieure de Pise, helléniste confirmée, docteure en philosophie diplômée de la Sorbonne, journaliste, romancière et militante féministe, le parcours d’Ilaria Gaspari détonne dans le microcosme du « Feel Good ». Avec son Petit manuel philosophique à l’intention des grands émotifs, elle donne un sublime coup de pied dans la fourmilière du développement personnel. Son livre propose un mélange décalé et bourré d’humour, entre réflexions sur sa vie personnelle, histoire de la philosophie et portrait critique de nos sociétés contemporaines. Nostalgie, anxiété, colère, jalousie : il éclaire notre quotidien, analyse nos sentiments et déconstruit toutes les fragilités banales qui font le sel de nos vies chahutées. Une merveille.
Petit Manuel philosophique à l’intention des grands émotifs, d’Ilaria Gaspari, PUF, 2022, 240 p., 18 €.
2 Lâcher prise avec L’Art subtil de s’en foutre, de Mark Manson
Avec plus de dix millions d’exemplaires vendus dans le monde et une traduction dans près de 30 pays, L’Art subtil de s’en foutre de l’Américain Mark Manson est considérée comme la bible du développement personnel. Le blogueur star renverse la table et sonne le glas de la sacrosainte pensée positive, du « soyons heureux à tout prix ». Mêlant recherches académiques et saillies drolatiques, il avance le fait que notre bonheur dépend non pas de notre capacité à tout faire comme il le faut, mais à encaisser au mieux les coups et à appréhender quand la mécanique se dérègle. Se confronter aux douloureuses vérités, à nos peurs et à nos incertitudes, les balayer pour les assumer, voilà le chemin vers la vérité.
L’Art subtil de s’en foutre, de Mark Manson, Eyrolles, 2017, 188 p., 14,90 €.
3 Trouver sa place avec Être à sa place, de Claire Marin
Après l’immense succès de son précédent ouvrage, Rupture(s), essai philosophique passionnant et touchant sur les inéluctables moments de bascule qui rythment notre existence, Claire Marin dissèque un concept philosophique devenu omniprésent sans pourtant qu’on en saisisse tous les enjeux. Que cache cette quête perpétuelle pour « trouver sa place » ? Quel sens affectif, social, géographique ou encore politique revêt ce terme ? Pourquoi avons-nous si souvent le sentiment de ne pas être au bon endroit ? Avec sa plume virevoltante, bourrée de références littéraires, qui mêle l’intime et l’universel, elle réussit à rendre accessibles et divertissants ces questionnements vertigineux et rassure toutes celles et ceux qui sont pris au piège de la lutte des places.
Être à sa place, de Claire Marin, Éditions de L’Observatoire, collection « La Relève », 2022, 240 p., 18 €.
4 Arrêter de jouer au gros dur avec La Force du mou, de Géraldine Mosna-Savoye
Géraldine Mosna-Savoye, productrice et animatrice de l’émission de culture générale Sans oser le demander sur France Culture se lance avec cet essai pop et savoureux dans une périlleuse opération de réhabilitation. Dans un monde encore marqué par les idéaux virils de robustesse, de dureté ou de solidité, elle entend rendre ses lettres de noblesse au mou et en faire un nouvel idéal. La morve, les tentacules d’une pieuvre, la mozarella et même l’impuissance sexuelle, elle dissèque avec un humour décapant l’image dégoutante, presque dégénérée renvoyée par les objets mous qui nous entourent.
Elle s’attaque également aux images d’Épinal comme celle de l’ado léthargique ou du politique incapable d’agir. Elle déconstruit surtout une à une les nombreuses réflexions philosophiques et littéraires, de Tocqueville à Barthes en passant par Sartre, qui ont fait de cet état le pire des défauts. Et si, parce qu’il est aussi synonyme de souplesse, de fluidité et de douceur, parce qu’il est insaisissable et dissident, le mou devenait le moteur d’une nouvelle révolution sociétale ?
La Force du mou, de Géraldine Mosna-Savoye, Éditions de L’Observatoire, collection « La Relève », 2022, 160 p., 17 €.
5 Confronter les regards avec Trois amis en quête de sagesse, de Christophe André, Alexandre Jollien et Matthieu Ricard
Le psychiatre et psychothérapeute Christophe André, le philosophe Alexandre Jollien et le moine bouddhiste tibétain Matthieu Ricard partagent depuis des années une amitié qui dépasse les frontières, faite d’échanges et d’ouverture au monde. Avec Trois amis en quête de sagesse, ce trio pas comme les autres nous ouvre les portes de son salon philosophique et se livre sans fard sur tout ce qui fait le sel de la périlleuse condition humaine.
Livre précieux parce simple, mais pas simpliste, parce que solaire, mais pas naïf, parce qu’apaisant dans un monde qui ne l’est plus, ce dialogue platonicien confronte les visions, les regards et célèbre l’ouverture à l’autre comme moteur d’un monde meilleur. En plus de nos trois compagnons de route et de leurs expériences personnelles, Spinoza, Descartes, Platon, Kant viennent se mêler à la fête et alimentent ce passionnant bouillon de culture destinée à nous montrer la voie vers un bonheur qui nous est propre.
Trois amis en quête de sagesse, de Christophe André, Alexandre Jollien et Matthieu Ricard, J’ai lu, 2018, 480 p., 8,90 €.
6 Se reconnecter au vivant avec Manières d’être vivant, de Baptiste Morizot
Philosophe spécialisé dans la question écologique et enseignant à l’Université d’Aix-Marseille le jour, pisteur de loup dans le Vercors, L’Ontario ou le Montana la nuit, Baptiste Morizot a développé sa pensée du vivant sur le terrain, au cœur des forêts et des montagnes enneigées. Dans ce manifeste éblouissant, il invite à redéfinir notre rapport aux animaux et à tout ce qui vit autour de nous. Il pourfend surtout l’ignoble fable qui nous berce depuis trop longtemps, nous les humains qui avons eu un jour l’arrogance folle de déclarer que nous étions la seule espèce planétaire digne d’être actrice de ce monde et que les dix millions d’autres espèces n’étaient qu’un décor, qu’une ressource qu’on regrouperait sous le terme de « nature ». Manières d’être vivant est un texte fort qui invite à refaire connaissance, à se réconcilier avec tous ceux qui peuplent la Terre et à remettre l’humain à sa place. Il en va de notre survie.
Manières d’être vivant, de Baptiste Morizot, Babel, 2022, 336 p., 9,90 €.
7 Prendre un shot de nature avec La Vie secrète des arbres, de Peter Wohlleben
C’est l’un des succès éditoriaux les plus surprenants de ces dernières années. Après avoir exercé pendant 20 ans le métier de forestier en Allemagne, Peter Wohlleben a écrit avec La Vie secrète des arbres un best-seller inattendu qui a fasciné les lecteurs du monde entier. Phénomène de librairie aux États-Unis, plus de 700 000 lectrices et lecteurs en France, une traduction dans 32 langues… C’est ce qu’on appelle faire sensation. Promenons-nous dans les bois… Cet essai surprenant qui se lit comme un conte nous plonge au cœur de la société des arbres. Le cycle de leur existence, les odeurs qu’ils émettent pour communiquer, les secrets qu’abritent leurs racines : Peter Wohlleben recense les dernières théories scientifiques et les confronte à son expérience personnelle pour percer le mystère de ces géants terrestres qui sont bien plus vivants qu’il n’y paraît.
La Vie secrète des arbres, de Peter Wohlleben, Les Arènes, 2017, 260 p., 20,90 €.
8 S’essayer à la méditation avec Comment rester serein quand tout s’effondre, de Fabrice Midal
Fondateur de l’École occidentale de méditation, chantre de la pensée positive, Fabrice Midal est une des figures emblématiques du bien-être en France. Avec cet essai au titre évocateur, il nous invite sur les chemins de la sérénité et donne ses conseils pour prendre de la hauteur face au chaos du monde. Petit traité de méditation moderne, cette quête de sagesse bouddhiste en appelle également à l’action comme vecteur de bonheur. Se jeter à l’eau, oser, risquer en sachant qu’on peut et qu’on va échouer : un seul credo pour nous guider dans une existence chahutée.
Comment rester serein quand tout s’effondre, de Fabrice Midal, Pocket, 2020, 144 p., 7,30 €.
9 Se faire un bon thé avec L’Usage du thé, de Lucie Azema
En 2021, la journaliste globe-trotteuse Lucie Azema nous avait enchanté avec Les Femmes aussi sont du voyage, un essai qui entendait déconstruire la vision masculiniste de l’aventure et en finir avec le Syndrome de Pénélope. Elle récidive aujourd’hui avec un récit captivant qui retourne aux sources d’une boisson millénaire originaire de Chine : le thé. Sa culture complexe, les caravanes marchandes du bout du monde, le poids de la colonisation, les violences qui l’ont toujours accompagné, elle explore toutes les facettes de ce breuvage synonyme à la fois de voyage, d’exotisme et de confort, de sédentarité. Un récit brillant placé sous le saint patronage d’Alexandra David-Neel, aventurière emblématique et première femme occidentale à avoir atteint Lhassa, la capitale du Tibet, en 1924.
L’Usage du thé, de Lucie Azema, Flammarion, 2022, 240 p., 25 €.
10 S’émerveiller avec D’images et d’eau fraîches de Mona Chollet
Loin de la virulence salutaire des essais féministes qui ont fait son succès – comme Beauté fatale : les nouveaux visages d’une aliénation féminine (2012) et surtout Sorcières : la puissance invaincue des femmes (2018) –, Mona Chollet nous invite à la douceur avec un ouvrage à part. Depuis plusieurs années, la journaliste collectionne tableaux, photos et illustrations sur le réseau social Pinterest, un havre de paix numérique qui propose simplement de s’émerveiller face à la beauté des images. On prend part avec elle à une déambulation apaisante dans les galeries du musée de sa vie. On savoure ce moment littéraire hors du temps, ce texte contemplatif et ressourçant qui se propose de parler simplement des choses qui nous rendent heureux et heureuses.
D’images et d’eau fraîche, de Mona Chollet, Flammarion, 2022, 192 p., 19,90 €.