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AZERTY, AZERTY amélioré, Bépo : le point sur ces normes qui régissent les claviers

07 avril 2019
Par Thomas Estimbre

L’Association française de normalisation (AFNOR) a dévoilé une nouvelle norme pour les claviers. Elle vise à faciliter l’écriture du français et propose deux nouveaux modèles : l’AZERTY amélioré et le Bépo. L’occasion pour nous de revenir sur les différents formats de claviers et leur histoire.

Logitech Craft clavier

© Thomas Estimbre / LaboFnac

Interface homme-machine munie de touches, le clavier reste incontournable. Qu’il soit physique ou tactile, destiné à être utilisé avec un ordinateur ou un smartphone, le clavier est présent sur la plupart de nos appareils et a su évoluer au fil des années. Sur le plan esthétique, les claviers informatiques ont pris différentes formes depuis leur apparition au début des années 60 tandis que la disposition des touches ne doit rien au hasard.

Supplantée par le clavier d’ordinateur et les logiciels de traitement de texte, la machine à écrire a laissé derrière elle un héritage important : la disposition de ses touches. Si des ajustements ont été nécessaires pour s’adapter aux machines modernes, la base vient des premières machines à écrire Remington (l’ancêtre de la machine à écrire moderne). Elles doivent leur succès à Christopher Latham Sholes, l’inventeur du clavier QWERTY. Inventé il y a plus de 150 ans, celui-ci est devenu la norme sur les machines à écrire des pays anglophones, puis sur les ordinateurs.

Machine à écrire AZERTY

Plus jeune que le QWERTY, l’AZERTY a 130 ans © Creative Commons

La disposition « azerty » est une variante francophone de la disposition « qwerty »

Toujours utilisé dans les pays anglo-saxons, scandinaves ainsi qu’en Italie ou en Espagne, le clavier QWERTY ne s’est toutefois pas imposé en France qui lui a très vite préféré l’AZERTY. Le passage du QWERTY à l’AZERTY dans l’Hexagone conserve sa part de mystère, mais cette disposition s’est imposée au cours de la dernière décennie du XIXe siècle. Proposée depuis plus de 130 ans, la disposition AZERTY est donc dérivée du QWERTY. Dans les deux cas, ces dispositions tirent leur nom des six premières touches alphabétiques du clavier. Ils existent aujourd’hui de nombreuses variantes nationales, chaque clavier doit en effet composer avec les caractères les plus utilisés par la langue locale.

Et le Bépo ?

Crée en 2003, le Bépo est une disposition des touches de clavier beaucoup plus récente. Comme l’explique le site bepo.fr, elle a été conçue « pour les claviers d’ordinateur afin de faciliter la saisie du français, des éléments typographiques, sans oublier les symboles de programmation ». Le Bépo est inspiré de la disposition Dvorak anglophone établie par August Dvorak. Dans les deux cas, la méthode  » respecte plusieurs principes, notamment de placer les lettres les plus utilisées sur les touches les plus accessibles, divisant par deux les déplacements des doigts sur le clavier par rapport à la disposition azerty ».

Pourquoi l’AFNOR présent-t-elle deux nouveaux claviers ?

Le poids des années se fait parfois sentir pour le clavier français AZERTY. S’il a connu des changements, l’Association française de normalisation explique que « les modèles « azerty » actuels ne permettent pas d’écrire facilement des caractères accentués en majuscule, d’utiliser des « doubles chevrons », des deux ligatures du français que sont les « æ » (e dans l’a) et « œ » (e dans l’o) et leurs équivalents en capitales « Æ » et « Œ », pour ne citer que les plus récurrentes ». L’écriture des guillemets français nécessite par exemple de maintenir la touche ALT enfoncée puis de taper 174 et 175 sur un pavé numérique.

Sollicitée en 2015 par le ministère de la Culture, l’AFNOR travaille depuis plusieurs années sur un projet de norme sur le clavier français avec un double objectif : « gagner en ergonomie et permettre d’écrire plus facilement le français, les langues régionales et européennes ». Elle a dévoilé les résultats de sa mission avec la publication d’une nouvelle norme (NF Z71‐300) « qui propose une nouvelle disposition des caractères sur les touches d’un clavier d’ordinateur ». Elle vise à permettre à l’utilisateur d’écrire plus facilement, sans devoir nécessairement utiliser des logiciels sous licence qui compensent ces failles, précise l’AFNOR sur son site, et s’accompagne de deux nouveaux modèles de clavier.

Les nouveaux claviers : AZERTY amélioré et Bépo

Ces nouveaux claviers offrent « les mêmes possibilités d’écriture tout en répondant à des usages différents », comme l’expliquent les membres de la commission de normalisation. D’un côté, on retrouve un modèle d’azerty optimisée, plus communément appelé AZERTY amélioré, qui offre une évolution en douceur en mettant davantage l’accent sur les caractères spéciaux. L’AFNOR indique que les 26 lettres de l’alphabet et les chiffres ne changent pas de place par rapport aux principaux modèles « azerty » que nous utilisions au quotidien, contrairement à certains autres signes. Certaines voyelles accentuées, l’arobase, la ponctuation, le dièse (hashtag), les symboles monétaires ou les accolades profitent d’ajustements. Le fait de rendre les @ et # plus accessibles témoigne notamment de l’évolution des usages.

clavier azerty amélioré

© AFNOR

De l’autre, on retrouve le clavier Bépo qui fête cette année ses 16 ans (créé en 2003). Reconnu « comme proposant la disposition la plus ergonomique et efficace possible pour la saisie du français […] mais aussi pour la programmation », le Bépo connaît des changements plus importants avec une nouvelle disposition des touches.

clavier bépo

© AFNOR

Qu’est-ce qui change ?

Le plus attendu est le nouveau AZERTY et ce dernier propose plusieurs modifications. Outre la décision de déplacer « certains autres signes tels que certaines voyelles accentuées, l’arobase et les accolades » tout en conservant le socle de base (les 26 lettres de l’alphabet et les chiffres ne changent pas de place ), on observe l’apparition des ligatures.  Le « œ » se trouve sur la touche O et le « æ » sur la touche A pendant que les lettres accentuées profitent d’un regroupement. L’accent grave (`) et la lettre (è) glissent de la touche 7 à la touche 3 pour se rapprocher de l’accent aigu (´) et de la lettre é (touche 2). Le « ê » ne nécessite plus une combinaison de touche et fait son apparition en touche 4.

nouveau AZERTY

© AFNOR

Toujours dans un esprit logique, le c cédille (ç) se rapproche de la lettre C tandis que le (ù) se voit associé à la lettre U. La lettre P gagne quant à elle le symbole pourcentage (%) pendant que l’arobase (@) et le croisillon (#) prennent la place de la touche utilisée pour le symbole (²). Ce dernier choix ne perturbera pas les utilisateurs de Mac, les machines d’Apple proposant déjà cette configuration. Le clavier AZERTY amélioré rapproche aussi le C et ç tandis que le ù se retrouve associé à la lettre U. Autre changement notable, le tiret court ou tiret quart de cadratin perd son nom « tiret du 6 » puisqu’il se retrouve à la droite de la lettre P. Vous pouvez comparer le nouveau clavier AZERTY à l’ancien en cliquant ici.

Faut-il changer son clavier AZERTY ?

Cette norme n’est pas obligatoire et ne peut donc pas être imposée aux fabricants de claviers. Ces derniers peuvent décider de s’y conformer et de proposer de nouveaux modèles s’ils le souhaitent. À la question de savoir s’il faut dès maintenant changer de clavier sous peine de se retrouver avec un modèle obsolète, l’AFNOR répond : « Pas du tout ». En effet, la norme ayant été publiée début avril 2019, il faudra du temps avant de voir si les fabricants décident de se l’approprier. Les claviers actuels restent quoi qu’il en soit fonctionnels.

Les utilisateurs intéressés sont invités par l’AFNOR à prendre « prendre les devants » en s’adressant aux constructeurs de claviers ou aux fabricants d’ordinateurs, pour leur signaler leurs souhaits. En attendant, le clavier tactile pourrait être le premier à proposer le nouvel AZERTY sur les smartphones, tablettes et PC.

Qu’en est-il des claviers virtuels ?

Concernant ces claviers virtuels qui sont massivement utilisés sur les terminaux mobiles et tactiles, l’AFNOR indique que « la France porte un projet de norme internationale sur les interfaces des claviers virtuels, dont une des recommandations serait de suivre, pour chaque pays, la disposition usuelle des claviers physiques des touches alphabétiques, quand cela est possible ».

Pour l’heure, l’organisation française insiste sur le fait que les claviers virtuels « sont loin » de remplacer les claviers bureautiques « classiques », en particulier dans le monde professionnel. En revanche, l’AFNOR est consciente que les appareils mobiles tendent à remplacer progressivement l’ordinateur domestique dans la sphère personnelle. Le changement pourrait venir de là, mais il faudra sans doute du temps avant de voir le clavier AZERTY « standard » disparaître.

Article rédigé par
Thomas Estimbre
Thomas Estimbre
Journaliste