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D’Android à HarmonyOS : que faut-il attendre du système d’exploitation de Huawei ?

04 février 2021
Par Thomas Estimbre
D'Android à HarmonyOS : que faut-il attendre du système d'exploitation de Huawei ?

Critiqué pour sa ressemblance avec Android, HarmonyOS se rêve en alternative de l’OS de Google. Retour sur la polémique qui entoure le système d’exploitation de Huawei et les promesses du constructeur chinois.

Un véritable coup de tonnerre s’est abattu sur Huawei il y a bientôt deux ans. Sujet de discorde entre Pékin et Washington, le fabricant chinois ne peut plus collaborer avec de nombreuses entreprises américaines. Cet embargo américain le prive notamment de sa licence Android et des services Google sur ses appareils. Une décision qui perturbe les plans de Huawei et l’oblige à développer des alternatives. Outre ses Huawei Mobile Services et applications maisons (AppGallery, Petal Search, Petal Maps …) le constructeur a très vite évoqué le développement de son propre système d’exploitation. Appelé HarmonyOS (ou HongmengOS en Chine), il a été officialisé dès 2019 et espère tenir un rôle essentiel dans l’écosystème de Huawei. Universel, l’OS a fait ses débuts sur des téléviseurs tandis que la deuxième mouture prend en charge les smartphones et montres connectées. HarmonyOS 2.0 est pour l’heure disponible en bêta et devra attendre sa version finale pour prendre son envol.

 Le Mate 40 Pro sous Android avec les HMS © LaboFnac
Le Mate 40 Pro sous Android avec les HMS © LaboFnac

Le site Ars Technica, qui a pu tester le système d’exploitation de Huawei, ne se montre pas tendre avec HarmonyOS. Le journaliste Ron Amadeo s’est plongé dans le futur OS des smartphones de Huawei et relate son expérience dans un long article. Il évoque dans un premier temps les difficultés pour obtenir une copie et les méthodes très particulières du constructeur. Uniquement disponible en Chine, l’accès à HarmonyOS a imposé au journaliste de prouver son identité par le biais d’une photocopie de son passeport, d’informations personnelles (nom, adresse, e-mail, numéro de téléphone…) ainsi que d’une photo de sa carte de crédit. Ces documents sont examinés manuellement par Huawei au cours d’un processus prenant jusqu’à deux jours.

Cette étape passée, notre confrère a pu découvrir HarmonyOS ou plutôt une « copie » d’Android 10. Captures d’écrans à l’appui, il explique que le système d’exploitation ressemble en tous points – ou presque – à EMUI, l’interface Android que Huawei utilise sur ses smartphones. Pour Ars Technica, HarmonyOS est « bien trop complet » pour une version bêta et conserve d’ailleurs de nombreuses références aux processus d’Android (« Android Services Library », « Android Shared Library », « com.Android.systemui.overlay » ou encore « Androidhwext »). Le système dispose même des fonctionnalités d’Android 10 comme le mode sombre et la navigation par gestes. En l’état, l’OS maison et Huawei a tout d’une version dérivée d’Android et ce n’est ni grave ni une surprise.

 L’interface d’HarmonyOS 2.0 © Ron Amadeo / Ars Technica
L’interface d’HarmonyOS 2.0 © Ron Amadeo / Ars Technica

Huawei a-t-il « copié » Android ?

Suite à la publication de Ars Technica, Huawei est accusé d’avoir « copié » Android. Ce terme – volontairement entre guillemets – est mal choisi et l’on parlera plus volontiers de « fork ». Un « fork » fait référence aux systèmes d’exploitation créés à partir du code source d’Android, une pratique légale et courante chez les fabricants. En effet, Android est un logiciel open-source et chacun peut télécharger son code source (appelé AOSP pour Android Open Source Project) afin d’y apporter des modifications. L’AOSP correspond à la version la plus pure d’Android que l’on peut trouver sur les Pixels, Google y ajoutant dans ce cas ses services (les GMS pour Google Mobile Services). Dans le cas de Huawei, le géant chinois semble avoir décidé d’utiliser cette base existante pour son système d’exploitation et ce ne serait, là encore, pas une surprise. En effet, la situation délicate dans laquelle se trouve Huawei l’empêche de repartir de zéro pour tenter de faire de l’ombre à Android (Google) et iOS (Apple) qui dominent le secteur depuis environ quinze ans. On peut toutefois s’interroger sur la promesse de Richard Yu, le directeur exécutif de Huawei, qui avait présenté HarmonyOS comme un système « complètement différent d’Android et d’iOS ».

De EMUI 11 à Harmony OS

Face au début de polémique, Huawei n’a pas tardé à réagir et s’est fendu d’un communiqué que voici dans son intégralité :

« Conçu à partir de la technologie distribuée de Huawei, HarmonyOS est un tout nouveau système d’exploitation spécialement pensé pour répondre aux nouveaux besoins d’un avenir où des objets connectés variés seront massivement interconnectés. Ce système d’exploitation peut être déployé à la demande sur une grande variété d’appareils et s’adapter avec une grande flexibilité à différentes ressources logicielles et applicatives.

Tout en garantissant le strict respect de toutes les règles applicables aux ressources libres de droits, HarmonyOS tire parti d’un grand nombre de ressources libres de droits tierces, dont Linux, pour accélérer le développement d’une architecture complète.

Bien que certains éléments de l’interface utilisateur EMUI 11 soient conservés dans la version bêta actuellement proposée aux développeurs, HarmonyOS sera lancé avec une toute nouvelle interface utilisateur en même temps que les prochains smartphones Huawei. Le programme de développement bêta est toujours en cours et nous sommes heureux de recevoir les commentaires des développeurs et des partenaires qui travaillent à nos côtés pour donner vie à notre vision « Tous scénarios ».

 HarmonyOS est actuellement disponible en bête © Huawei
HarmonyOS est actuellement disponible en bête © Huawei

Huawei confirme dans un premier temps le caractère universel de son système d’exploitation et sa décision d’utiliser un grand nombre de ressources libres de droits tierces. Un choix logique – comme nous l’expliquons ci-dessus – qui doit permettre au fabricant de lancer des appareils sous HarmonyOS dès cette année. Avec une base Android – qu’il se garde néanmoins de citer dans sa communication -, la marque s’assure de ne pas complètement perturber ses utilisateurs et de tenir la comparaison en termes de performances. Le dernier paragraphe fait référence à l’article d’Ars Technica et Huawei confirme que la version finale de HarmonyOS proposera une « toute nouvelle interface », différente donc de celle que notre confrère a pu tester. Le système étant encore en bêta, le fabricant se laisse le temps de peaufiner l’apparence de son futur OS. Dans un premier temps, il est donc probable que HarmonyOS se distingue d’Emotion UI au niveau de l’interface tout en reprenant le « cœur » d’Android. Espérons que ce point soit rapidement éclairci par la marque.

Article rédigé par
Thomas Estimbre
Thomas Estimbre
Journaliste
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