L’incomparable famille Addams est de retour avec ce teen drama horrifique centré sur le personnage de l’adolescente gothique, Wednesday. Malgré l’interprétation glaciale à souhait de Jenna Ortega, le résultat ne nous fait frissonner ni de peur, ni de plaisir.
Bienvenue à la Nevermore Academy, l’école pour lycéens « pas comme les autres » qui accueille vampires, loups-garous, sirènes, gorgones… Mais, surtout, une élève affublée de tresses enfantines trompeuses : Wednesday Addams (Jenna Ortega) et son sens de la répartie aussi tranchant qu’une guillotine. La fille de Morticia et Gomez (joués par Catherine Zeta-Jones et Luis Guzmán) a été inscrite, contre son gré, dans ce pensionnat strict après un fâcheux incident impliquant des piranhas et l’équipe de water-polo de son ancien lycée.
Un pot-pourri d’inspirations macabres
C’est à Nevermore que les Addams sont tombés amoureux et ils espèrent que leur fille s’y épanouira telle une fleur fanée. Mais Wednesday a d’autres préoccupations que l’intégration parmi ses pairs : la pratique du violoncelle, l’écriture de son premier roman (noir, évidemment) et la solitude régénératrice. Pas de chance, elle se coltine une colocataire dont la joie de vivre lui donne de l’urticaire et plusieurs prétendants tenaces façon sangsues.
Si cela ne suffisait pas, elle manque dès le premier épisode de se faire tuer par un camarade de classe possédé, puis se retrouve au cœur d’un épais mystère impliquant un monstre meurtrier dans la forêt avoisinante. Dans sa quête de vérité, Wednesday est aidée par La Chose (la plus célèbre des mains baladeuses) et assaillie de prémonitions effrayantes qui lui fournissent des indices.
Le sang vous monte-t-il déjà à la tête ? C’est normal. Mercredi est une série qui cumule jusqu’à l’excès les influences et les genres, sans pour autant totalement nous satisfaire. Créée par Alfred Gough et Miles Millar (collaborateurs sur un autre récit d’apprentissage fantastique, Smallville), cette production bénéficie du cachet de l’un des maîtres de la poésie cauchemardesque : Tim Burton.
Le cinéaste qui vient d’être célébré à Lyon à l’occasion du festival Lumière est producteur exécutif et réalise les quatre premiers épisodes (sur huit). Si Mercredi est pour lui l’aboutissement d’un long chassé-croisé avec la famille Addams (il a failli réaliser le film de 1991 dans lequel Christina Ricci tient le rôle de Wednesday, puis une version animée en stop motion abandonnée en 2013), son style inimitable peine à prévaloir. Cela peut paraître surprenant, mais entre Netflix et Tim Burton, le spectateur ressent plus l’influence de l’algorithme robotique que celle de l’auteur génial.
Un manque d’audace mortel
Mercredi coche en effet toutes les cases des programmes qui plaisent aux abonnés en ce moment : un humour morbide à la Rick and Morty, un triangle amoureux adolescent comme dans Shadow and Bone, la cohabitation entre personnes « normales » et celles dotées de pouvoirs magiques (Les Nouvelles Aventures de Sabrina), et, plus largement, la dynamique de groupe feel-good de Harry Potter. Malheureusement, le cœur de l’intrigue est une énigme à tiroirs qui s’éternise comme une partie de Cluedo où les suspects sont laborieusement exonérés un à un, sans le second degré déjanté de La Femme qui habitait en face de la fille à la fenêtre.
Le résultat est cohérent, mais malgré l’esthétique gothique léchée, la musique de Danny Elfman et la présence de Christina Ricci dans le rôle d’une professeure qui prend Wednesday sous son aile, il manque le grain de folie burtonesque. La singularité du réalisateur de Batman et Sleepy Hollow – un habitué, donc, des adaptations de propriétés intellectuelles déjà existantes – semble avoir été neutralisée telle Méduse qui se transforme en pierre pour devenir une catégorie de streaming standardisée de plus…
Mercredi n’apporte rien de fraîchement rance au corpus de la franchise Addams qui prolifère depuis 1938 sous forme de dessins humoristiques publiés dans le New Yorker, de sitcom, cartoon, comédie musicale, long-métrage en images de synthèse, jeux vidéo et bien sûr la paire de comédies familiales cultes sorties dans les années 1990.
On ne peut pas s’empêcher de les comparer à la série, puisque Wednesday y crevait déjà l’écran. D’ailleurs, la version 2022 en remet une couche sur leurs similarités avec plusieurs clins d’œil appuyés : les claquements de doigts iconiques, une scène de danse mémorable, le penchant marqué de l’héroïne pour la torture… Paresse ou hommage ? Une chose est certaine, même si l’identité des films de Barry Sonnenfeld reste bien ancrée dans les nineties, ils ne se sont pas démodés avec l’âge. Difficile d’en dire autant pour Mercredi, qui dominera probablement le top ten de la plateforme quelques jours, puis sera engloutie dans les entrailles de la Peak TV, faute d’originalité.
Il ne suffit pas, en effet, que l’actrice principale (néanmoins bien choisie) arbore une moue austère d’épisode en épisode pour honorer la plus grande qualité de la famille Addams : son anticonformisme. C’est l’autre problème majeur de la série : le postulat de départ selon lequel Wednesday est une outcast (une paria) est rendu caduc par le fait que la plupart des élèves qui l’entourent le sont aussi. La série s’évertue pourtant à accentuer ce contraste artificiel, et cela devient vite lassant. La profondeur émotionnelle que l’ado rebelle finit par manifester est peut-être ce qu’il y a de plus étrange dans la série.
La thématique « poisson hors de l’eau » fonctionnait beaucoup mieux dans Les Valeurs de la famille Addams, quand une Wednesday prépubère était envoyée en camp de vacances parmi une horde de têtes blondes biberonnées au politiquement correct qu’elle prenait un malin plaisir à terroriser. En gage de punition, elle était condamnée par les G.O. à regarder des films Disney. Ironie du sort, en tant que série Y.A. (young adult) inoffensive, Mercredi a sans doute plus à voir avec ce genre de contenus qu’avec les histoires de serial killers produites par Netflix qui passionneraient certainement Mademoiselle Addams à ses heures perdues. Amateurs de frissons d’horreur sérieux, passez votre chemin.