Jusqu’au 8 janvier 2023, le Théâtre Libre, à Paris, accueille pour la première fois la troupe de hip-hop de renommée internationale E.L Squad pour un show inédit mêlant performances, technologie et pop culture. Lights in the Dark nous invite, plongés dans l’obscurité la plus totale, à une expérience à la fois collective et immersive. Un spectacle hautement réjouissant.
Voilà une dizaine d’années que la troupe de hip-hop japonaise E.L Squad, emmenée par le danseur et chorégraphe Yokoi, cumule sur le Web des dizaines de millions de vues grâce à ses vidéos de danse mêlant hip-hop et breakdance. Leur nouveau spectacle, Lights in the Dark, diffère de tous les autres shows du genre grâce à l’ingéniosité de son concept : toute la troupe d’E.L Squad est en effet équipée de combinaisons électroluminescentes grâce auxquelles les différents personnages et objets s’animent soudainement devant les yeux des spectateurs, pour l’occasion plongés dans le noir afin de vivre au mieux ce spectacle futuriste qui défie les sens.
Un trip sensoriel
La troupe, qui s’était notamment illustrée à La Villette il y a quelques années dans le cadre du Golden Stage Tour, s’est donc installée pour les mois à venir au Théâtre Libre (anciennement théâtre Comédia), en plein coeur de la capitale, pour présenter au public parisien une version augmentée de Play the Darkness, son spectacle initialement créé au Japon et à présent rebaptisé Lights in the Dark. Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que le show, présenté en avant-première mondiale lors de la dernière Japan Expo, est une nouvelle fois au rendez-vous.
« L’influence des mangas et des jeux vidéos, dans lesquels est souvent dépeint un Japon futuriste, y est très présente. »
Dans une ambiance électrique, Yokoi et ses acolytes – dans l’ombre pour la plupart du spectacle, mais qui ne brillent pas moins pour autant – nous offrent un voyage à travers le temps et l’espace, dans lequel les danses lumineuses s’amusent de notre perception, déployant un large spectre d’émotions d’une séquence à l’autre grâce à la magie du dispositif lumineux dessinant les silhouettes des interprètes sur scène. Leurs mouvements sont comme sublimés par ce ballet lumineux digne d’un film de science-fiction et dans lequel se croisent créatures fantastiques et personnages intemporels.
Yokoi, danseur et chorégraphe japonais de renommée internationale à la tête de la compagnie Wrecking Crew Orchestra, est à l’origine du projet E.L Squad (« E.L » pour électroluminescence). Il est aussi celui qui fait le lien entre chaque séquence en étant le seul danseur, pendant la majeure partie du spectacle, à dévoiler son visage au grand jour. Comme sources d’inspiration, Yokoi cite abondamment les Daft Punk ou le film pionnier Tron (1982) – dont les Daft Punk ont d’ailleurs signé la bande-originale de la suite sortie en 2010 –, ce qu’on ressent immédiatement en voyant les costumes, ou encore un manga iconique comme Akira.
L’artiste japonais nous confie avoir puisé à la fois son inspiration dans le hip-hop des années 2010 (Kanye West, MIA, etc.), mais également d’autres genres musicaux (house, dubstep, électro, funk, etc.). La culture japonaise dans son ensemble joue un rôle important dans Lights in the Dark : l’influence des mangas et des jeux vidéos, dans lesquels est souvent dépeint un Japon futuriste (dans son côté néo-Tokyo à la fois dark et underground), y est très présente.
La technologie au service de l’art
L’idée de départ était de créer quelque chose de différent. La troupe a commencé par acheter des LED et a accouché d’une première performance beaucoup moins élaborée que Lights in the Dark, avec tout simplement des boutons à actionner soi-même. Une fois diffusé sur YouTube, le phénomène a pris de l’ampleur et la troupe a pu commencer à réfléchir à des améliorations. Car c’est avant tout un travail d’équipe, où chacun des dix membres de la troupe a la responsabilité de son costume et de ses accessoires.
« Ce sont vraiment de longues heures de travail. Je les vois souvent faire eux-mêmes des soudures, de la couture, etc. C’est impressionnant à voir, même en coulisses. Tout est calculé, répété des centaines de fois. L’exécution est parfaite, se réjouit Gilles Mattana, le producteur du spectacle, qui avait pris contact avec la compagnie il y a dix ans après avoir découvert Tron Dance, leur vidéo phare. Notre premier projet n’a pas pu aboutir, mais on est resté en contact. Il y a eu l’opportunité du Golden Stage à La Villette en 2018, pour lequel a été créé une partie du spectacle. On a ensuite décidé de poursuivre l’aventure avec la version enrichie que le public peut voir aujourd’hui. »
La troupe est désormais bien rodée. Plus rien n’est manuel et tout est programmé à distance grâce à des récepteurs présents sur les costumes. D’un point de vue technique, Yokoi évoque sa rencontre décisive avec le hacker japonais Akiba, fondateur de Hackerfarm – un hackerspace installé au beau milieu de la campagne japonaise, sorte de ferme collective et autonome accueillant des hackers en résidence et œuvrant à un avenir durable en conciliant agriculture et nouvelles technologies. Lui aussi imprégné d’un esprit « hippie » et « antisystème », Akiba, ancien danseur, a rapidement su trouver la même énergie que Yokoi. On lui doit ainsi toute l’ingénierie qui se cache dans les costumes d’E.L Squad, lesquels seront certainement mis à jour l’année prochaine. Loin d’être figée dans le marbre, la performance d’E.L Squad est ainsi appelée à évoluer au fil du temps et à se renouveler grâce à sa couche technologique.
De son côté, Gilles Mattana espère attirer des promoteurs étrangers afin de pouvoir faire circuler le spectacle dans le monde entier. « Les gens ont envie de voir le spectacle parce qu’ils trouvent ça déjà génial en vidéo, or, la valeur ajoutée de l’exercice de scène est tellement forte qu’ils en ressortent totalement ébahis, précise-t-il. En France, on a un public éduqué avec une forte culture théâtrale. La performance seule ne suffit pas, il faut qu’il y ait autre chose. C’est ce qu’ils amènent. Leur univers est très riche, chaque tableau est différent et on ne s’ennuie jamais. » Une tournée en France ainsi qu’à l’étranger est d’ores et déjà prévue en 2023 et le spectacle reviendra également à Paris la saison prochaine.
Infos pratiques
Lights in the Dark, de E.L Squad, Théâtre Libre (Paris 10e), jusqu’au 8 janvier 2023, du mercredi au samedi à 21h et le dimanche à 16h. Billetterie par ici.