Tout est si brillant est le premier livre jeunesse publié par Shed Publishing, sur un texte de Tarek Lakhrissi illustré par Jehane Yazami. Il raconte l’histoire d’Amir, un enfant qui découvre sa passion pour le chant et dont l’entourage l’aide à réaliser son rêve : devenir un chanteur.
Amir adore chanter ! Lorsque ses proches découvrent sa voix, tout le monde l’encourage à poursuivre son rêve : briller ! Un peu de maquillage, quelques accessoires, une grande dose de courage et d’amour, voilà les ingrédients qui transformeront peut-être le rêve d’Amir en réalité. L’histoire du petit Amir est une exploration poétique et sensible de la confiance en soi, de l’héritage culturel arabe, du soutien des proches et des premiers pas d’une affirmation joyeuse et libre.
Le poète franco-marocain Tarek Lakhrissi a imaginé un petit garçon fier, confiant et très attaché à l’héritage de sa famille. Les illustrations sont de l’artiste franco-marocaine Jehane Yazami, qui a conçu l’univers dans lequel évolue Amir avec un trait réaliste et poétique. Elle a aussi dessiné chaque personnage de l’histoire et réfléchit à chaque détail : les couleurs du ciel, les expressions des visages, la décoration de la chambre d’Amir…
Le livre est pensé pour les 4 ans et plus. Comme tout bon livre pour enfants, Tout est si brillant est un ouvrage qui fera la joie des jeunes et des adultes, un album que tout le monde aura plaisir à feuilleter, fédérateur et émouvant.
Tarek Lakhrissi et Jehane Yazami nous ont accordé un entretien et nous dévoilent la genèse d’un livre pour enfant.
Comment vous est venue l’idée de ce livre et de cette histoire ?
Tarek Lakhrissi : Avec Jehane, nous nous connaissons depuis quelques années et c’est une conversation qui est arrivée très tôt. Un désir de réaliser ensemble un livre pour enfants. Lydia [fondatrice de Shed Publishing, ndlr] est intervenue quelques années plus tard, avec une proposition ouverte, un peu comme si les étoiles s’alignaient. Le projet vient plus précisément d’un désir d’écrire une histoire que j’aurais aimé lire plus petit. Cela répond à une forme de vide, une frustration, une envie de raconter une histoire avec des personnes qui me ressemblent et qui a un potentiel transformateur.
Jehane Yazami : Avant de déménager à Paris, je faisais partie d’un collectif qui est né autour de la question de la représentation des personnes issues de la diaspora. Nos conversations m’ont permis de ressentir un enjeu incroyable dans le monde de la littérature jeunesse : la possibilité de créer des univers magiques, tout en ayant l’envie profonde de représenter des personnes invisibilisées. Un engagement qui cherche le changement à travers les imaginaires collectifs. Quand j’ai rencontré Tarek, nous avons naturellement continué la conversation. En reprenant les mots de Tarek, “C’est comme si les étoiles s’étaient alignées” quand Lydia nous a proposé de collaborer sur le premier album jeunesse de Shed.
Est-il difficile de penser un livre pour enfants quand on ne l’est plus ?
T. L. : C’est une grande question de ne pas créer autant de hiérarchies entre les adultes et les enfants. On a autant à apprendre d’elleux et le présupposé inverse m’a toujours embarrassé. Et, dans le fond, ce n’est pas tant la difficulté d’imaginer une histoire que de se demander quelle responsabilité j’ai à écrire cette histoire ? Et est-ce que je le fais de la manière la plus juste ?
J. Y. : Cette question était au cœur du développement du livre. Je pense que les enfants ont des connaissances intuitives que nous avons perdues au fil des années. Je sais que mon regard d’adulte est biaisé, mais j’ai adoré avoir l’opportunité d’essayer de me reconnecter à mes propres yeux d’enfants. J’ai cherché à me souvenir de ce qui me touchait quand j’étais petite et à comprendre pourquoi certaines choses sont restées avec moi à travers les années plus que d’autres.
Quelles sont les plus belles étapes de ce processus ?
T. L. : C’est un peu attendu, mais je dirais les échanges et le travail d’équipe. Partager ce temps et ce processus de façon très intime avec Jehane et Lydia a été pour moi une vraie source d’inspiration. Et, finalement, j’ai aussi voulu intégrer le point de vue de ma sœur, mais aussi d’amies proches qui sont mères. Et c’était passionnant. Aussi, je dirais qu’il y avait quelque chose, de mon côté, de très émouvant à découvrir les premiers traits d’Amir imaginés par Jehane. Il y a quelque chose de magique là-dedans. Nous avons fait un premier lancement à la librairie Les Mots à la bouche, à Paris, en octobre. C’était beau de nous découvrir tous les trois, avec nos spécificités, devant un public, en train de défendre le livre. Ça a été un moment très émouvant parce que, d’une certaine manière tout devenait réel. Tout est si brillant était enfin sorti !
J. Y. : J’ai beaucoup aimé la complicité que nous avons eue dans nos réflexions collectives avec Tarek et Lydia. C’est une expérience puissante de faire confiance aux personnes avec lesquelles on collabore et de pouvoir traverser les questions qui émergent avec sensibilité et attention. C’était aussi, bien sûr, une réelle joie de pouvoir plonger dans l’univers d’Amir, d’imaginer et illustrer son histoire.
Une fois le pitch de l’histoire déterminé, comment travaille-t-on ? Le travail d’écriture et de dessin se font-il ensemble, séparément, parallèlement… ?
J. Y. : Tarek a d’abord écrit l’histoire, puis Lydia et moi avons commencé à réfléchir aux aspects matériels et structurels du livre : son format, le type de papier, le nombre de pages, la répartition du texte… J’ai seulement commencé le travail d’illustration une fois que toutes ces étapes étaient plus ou moins terminées.
Combien de temps la réalisation d’un tel livre demande-t-il ?
Tarek et Jehane : Le projet a été réalisé en plus ou moins un an et demi.
Jehane, peux-tu nous parler de tes références en termes de style de dessin ?
J. Y. : Mon travail de réflexion visuelle pour Tout est si brillant à commencé avec un très grand document de références, non seulement d’illustrations, mais aussi de gravures, de textures, de photos, d’associations colorimétriques. Pour citer quelques illustrateur·rice·s, qui ne sont pas forcément spécialisés dans l’illustration jeunesse, j’aime beaucoup le travail de Maria Medem, Azzurro Velluto, Pauline Mauruschat, Malwine Strauss, Melek Zertal, Victoria Dorche et Anna Degnbol.
Tarek, quel message espères-tu donner aux enfants qui liront votre livre ?
T. L. : Derrière ce livre il y a à la fois un message d’acceptation et d’émancipation : accepter son héritage familial, en faire une fierté, parce qu’on nous somme un peu trop souvent d’effacer cet héritage histoire de mieux “correspondre” à une certaine idée de ce qu’est être français par exemple. De plus, il y a quelque chose de très important à ce que le personnage d’Amir soit un symbole d’amour, de joie, de fierté à nouveau, et aussi de volonté. Le fil conducteur du livre est de suivre ses rêves quoiqu’il arrive. Un peu comme j’ai suivi les miens, sans négocier et malgré quelques déroutes. Cela a l’air assez anodin ou simple comme message, mais il y a une grande puissance radicale dans le droit à rêver, surtout pour des jeunes enfants qui ont la même couleur de peau que moi. On a le droit de rêver, on a le droit de devenir ce que l’on veut. On a le droit de briller.
Pouvez-vous nous conseiller des livres pour enfants que vous avez particulièrement aimés et qui vous ont inspiré·e·s ?
T. L. : Je pense à Julian est une sirène de Jessica Love, Antiracist Baby d’Ibram X. Kendi, In the Half Room de Carson Ellis. Mais aussi le livre Toi aussi tu comptes de Christian Robinson, qui est un coup de cœur récent. Enfin, ce ne sont pas des livres, mais je conseillerais les deux séries d’animation Steven Universe de Rebecca Sugar et Avdenture Time de Pendleton Ward.
J. Y. : En premier, comme Tarek, Julian est une sirène de Jessica Love. Mais aussi La Demeure du ciel de Laura Nsafou, illustré par Olga Guillaud ; L’Amoureuse de Simone d’Elsa Kedadouche, illustré par Amélie-Anne Calmo ; The Proudest Blue écrit par Ibtihaj Muhammad et S.K. Ali, et illustré par Hatem Aly ; Sulve de Lupita Nyong’o et illustré par Vashti Harrison.