Ces deux dernières décennies, de nouveaux codes et comédien·ne·s ont émergé, renouvelant le genre de la comédie américaine. Toutefois, entre propositions décalées et perte de vitesse, l’âge d’or des années 2000 semble révolu. Explications.
Bros est attendu ce mercredi 19 octobre dans les salles obscures françaises. Réalisée par Nicholas Stoller et produite par Judd Apatow, cette comédie signe le retour en force du maître de l’humour, à qui l’on doit les mythiques 40 ans toujours puceau (2005) et 40 ans mode d’emploi (2012). Avant lui, de nombreux cinéastes ont offert au 7e art plusieurs comédies aussi hilarantes que variées. Après les années 1970 et les comédies de mœurs à la Mel Brook, les années 1980 ont été celles des comédies familiales et parodiques, avant que les comédies romantiques ne dominent les années 1990.
Les années 2000 : Le renouveau des comédies américaines
Avec les années 2000, une nouvelle vague de comédies est arrivée. On s’éloigne en effet des films cyniques de Woody Allen, des aventures loufoques de Ferris Bueller (1986), ou encore des péripéties romantiques de Quand Harry rencontre Sally (1989) pour donner la parole à un nouveau type de personnages. Là où des protagonistes comme la bande des Blues Brothers (1980), et celle des SOS Fantômes (1984) vivaient des aventures extraordinaires, avec les comédies des années 2000, le focus change.
Les cinéastes se concentrent davantage sur des microcosmes de la vie ordinaire, comme l’adolescence (American Pie, Super Grave), la première rencontre avec sa belle-famille (Mon beau-père et moi), ou bien la crise de la quarantaine (40 ans mode d’emploi), afin de faire vivre à leurs personnages des situations complètement déjantées. Par ailleurs, dans ce genre de situations, les protagonistes sont souvent des personnes ridicules, timides, peu confiantes, qui vont finir par se découvrir.
Arrive alors une nouvelle génération de comédiens et comédiennes. Passé·e·s par la case SNL (Saturday Night Live), Jim Carrey, Will Ferrell, Kristen Wiig, Maya Rudolph, Amy Poehler ou encore Tina Fey forment la dynastie de l’humour à l’américaine. On fait aussi la rencontre du mythique Ben Stiller, de son acolyte Owen Wilson et, plus tard, de Seth Rogen et Jonah Hill.
Dirigées par des réalisateurs tels que Paul Feig, Jay Roach ou encore Judd Apatow, les comédies des années 2000 prennent un nouvel élan. Elles réinventent le genre avec un humour aussi brut que trash, sans hésiter à placer des personnages ordinaires dans des situations extraordinaires. Arrivera également un terme original : celui des comédies stoner. Hérités de la grande époque portée par les sagas American Pie (1999) ou Scary Movie (2000), les stoners sont nés aux États-Unis sous l’égide d’un nouveau type d’humour dont le thème attrait souvent à l’utilisation de cannabis.
On pense alors à Eh mec ! Elle est où ma caisse ? (2000) avec Ashton Kutcher et plus tard à En cloque mode d’emploi (2007). Le terme évoluera cependant pour définir la comédie américaine plus générale, celle aux sketchs et répliques graveleuses, portées sur le sexe, la drogue et les vices des personnages. 40 ans toujours puceau (2005), Mes meilleures amies (2011), et même Very Bad Trip (2009) sont quelques-uns des porte-étendard de la comédie stoner et deviennent les références inédites d’une nouvelle génération d’artistes.
Un genre entre hommage et révolution
Malgré ces nouveaux codes, les comédies américaines made in USA n’en oublient pas ceux des sous-genres qu’elles utilisent ni la résolution classique d’un schéma narratif déjà tout tracé. Entre hommage et réinvention, les comédies des années 2000-2015 ont en effet marqué l’histoire du cinéma de par leur unicité, mais aussi leur mélange des genres.
Encore aujourd’hui, ces codes évoluent. Là où les comédies se sont souvent concentrées sur des situations hétéronormées, sans hésiter parfois à se moquer des minorités, la sortie de Bros, comédie américaine mettant en scène deux personnages principaux homosexuels dans une comédie romantique est une première. Les personnages utilisent les références des comédies stoner, tout en existant à travers de nouveaux codes, ce qui permet d’inscrire le film de Nicholas Stoller en tant que vestige revisité des comédies américaines des années 2000.
La comédie américaine aujourd’hui : un genre en perte de vitesse
Néanmoins, ce genre est aujourd’hui en perte de vitesse. En témoigne l’accueil très mitigé de Bros aux États-Unis et l’offre décroissante du genre. Ce constat est issu de plusieurs facteurs. D’abord, car comme dans tous les genres, les codes des comédies américaines brutes de décoffrage sont difficilement renouvelables.
Par ailleurs, certains films sont allés jusqu’à être interdits dans certains pays, ceci ralentissant leur diffusion. On pense par exemple aux aventures de Borat (2006) ou du Dictator (2012), mises en scène par Sacha Baron Cohen. Par ailleurs, la société évolue et laisse moins de marge de manœuvre pour des discours perçus comme discriminants. On ne rit plus de la même façon et cela repousse les frontières de ce qui est accessible et acceptable en comédie.
Ceci force alors les réalisateurs et les acteurs à se replier sur les plateformes pour espérer convaincre le public d’autrefois. En témoigne le contrat d’exclusivité entre Adam Sandler, un autre ténor des comédies américaines des années 2000, et Netflix, ou encore la sortie de La Bulle (2022) de Judd Apatow chez le géant du streaming. Par ailleurs, la pure comédie a tendance, de nos jours, à être croisée avec un autre genre. Les longs-métrages d’aventure façon Jumanji (2017) et les comédies de zombies comme Bienvenue à Zombieland (2019) ou The Dead Don’t Die (2019) semblent désormais dominer les propositions humoristiques.
Ceci étant dit, l’âge d’or de la comédie américaine des années 2000 semble révolu. Le genre tend à être concurrencé par de nouvelles propositions de cinéma, aussi drôles que dramatiques, venues d’autres pays. De plus, le 7e art grand public outre-Atlantique semble se concentrer sur des genres nouveaux, comme les blockbusters, et plus particulièrement les films de super-héros. Un constat pas si étonnant que cela étant donné les facteurs artistiques et commerciaux actuels. Comme quoi, les États-Unis n’ont plus le monopole du rire.