Dans Trouver refuge, Christophe Ono-Dit-Biot imagine un monde qui bascule dans le nationalisme et l’intolérance. Contraint de fuir, un couple de jeunes parents fait alors face au délitement de croyances et célèbre, en contrepoint, la puissance de l’amour et de la culture, quelles que soient leurs formes.
« Comment préserve-t-on cette flamme d’humanité qui brûle encore en nous quand les bourrasques de l’époque cherchent à l’éteindre ? Qu’est-ce qu’on transmet à son enfant quand le temps vient à manquer ? », soulève Christophe Ono-Dit-Biot dans un entretien accordé à Gallimard à l’occasion de la sortie de son septième roman : Trouver refuge. À l’infinitif, ce titre se décline au fil de l’ouvrage. Le refuge – un mot que l’auteur affectionne tout particulièrement – est ici polymorphe, sensible et intelligible. Il s’agit là d’ « un refuge plein de lumière, de nature, de parfums, d’eau, de sensations. Un refuge que vont chercher un père, une mère, et leur petite fille, en France, dans quelques années, quand brusquement leur vie bascule ».
Notre humanité et son histoire
Alors que le pays sombre peu à peu dans les travers du nationalisme, Sacha et Mina n’ont d’autre choix que de partir en exil avec Irène, leur fille. À la suite de révélations compromettantes, des hommes du nouveau président en fonction sont aux trousses de la petite famille. Pour se sauver, ils décident alors de gagner le mont Athos, situé au nord de la Grèce. Là-bas culmine une vingtaine de monastères fortifiés au sein desquels les règles byzantines vieilles d’un millénaire sont toujours de rigueur. Interdit aux femmes, la mère abandonne mari et enfant aux mains de ceux qui de tout temps ont œuvré à la protection des voyageurs qui venaient la chercher. Elle rejoint ensuite la capitale et résiste en leurs noms.
Lieu physique, ce sanctuaire romanesque hors du temps se présente finalement comme l’espace nécessaire qui, loin de tout, libère l’esprit. Comme nul autre endroit, il permet de prendre un mouvement de recul face au monde qui semble s’écrouler pour s’attarder sur l’essentiel, ce qui fait notre humanité et son histoire, collective et individuelle. Au cœur du récit, la transmission qui découle d’un amour familial, amical, fraternel ou religieux s’entremêle à sa dimension politique.
« J’ai commencé ce livre il y a cinq ans, très inquiet par les forces qui agitaient à nouveau une Europe abandonnant peu à peu son humanisme pour embrasser un populisme de plus en plus décomplexé malgré ce que ce populisme a fait à notre histoire européenne. Et plus le temps a passé, plus ces mouvements ont gagné en force, en vigueur, se sont peu à peu normalisés y compris en France, rejoignant ce que j’écrivais en pensant exagérer ! Trouver refuge s’est nourri de ces observations, de ce ressenti et a été écrit comme une invitation à s’interroger, à réagir », conclut l’auteur.
Trouver refuge, de Christophe Ono-Dit-Biot, Gallimard, 416 p, 20 €. Disponible depuis le 18/08/2022.