Plusieurs projets de loi imposant de nouvelles règles aux secteurs du numérique viennent d’être adoptés dans cet État américain, déjà pionnier dans ce domaine.
Abritant la Silicon Valley et ses géants de la tech, la Californie est aussi connue pour ses lois réglementant divers secteurs du numérique. La semaine dernière, cet État a justement fait parler de lui avec une série de projets de loi adoptés par les parlementaires dans cet objectif. Parmi eux en figure par exemple un qui obligerait les réseaux sociaux à mieux protéger les enfants en Californie, les forçant à faire passer l’intérêt des mineurs avant leurs profits.
Ce serait la première loi de ce genre aux États-Unis si elle était promulguée par le gouverneur Gavin Newsom. « Nous espérons que ce modèle sera imité par d’autres États américains et d’autres pays à travers le monde », a déclaré la démocrate Buffy Wicks, principale autrice de ce texte. Et ce n’est pas la seule fois que la Californie fait figure de pionnière en termes de régulation du numérique. Petit tour de ces lois (ou éventuelles futures lois) permettant de protéger les consommateurs à bien des égards.
Protéger les utilisateurs des réseaux sociaux
Outre le projet de loi sur les réseaux sociaux susmentionné, les parlementaires en ont adopté un autre visant ces plateformes la semaine dernière. Ce texte obligerait celles-ci à divulguer leurs dispositions au sujet de la haine, de la désinformation, de l’extrémisme, du cyberharcèlement et des ingérences politiques étrangères. Plus précisément, elles seraient tenues de présenter des rapports sur leurs conditions d’utilisation au procureur général, qui incluraient « toute politique existante destinée à traiter » ces catégories de contenu. Elles devraient également y expliquer la manière dont leurs systèmes de modération automatique font respecter ces conditions et lorsqu’ils impliquent une vérification de la part d’un modérateur humain.
Cependant, les tentatives de régulation des réseaux sociaux par la Californie ne sont pas toujours un succès. En août, un texte qui aurait permis de sanctionner financièrement certaines plateformes – dont celles générant plus de 100 millions de dollars de revenus par an – pour l’utilisation de fonctionnalités dont elles savent qu’elles peuvent nuire aux enfants, en provoquant leur addiction, a été rejeté par les parlementaires. Bien que la raison de ce rejet soit inconnue, ce projet de loi avait fait l’objet de critiques, y compris de la part d’experts en politique Internet comme Eric Goldman, qui estime que les réseaux sociaux auraient pu, si le projet avait été adopté, retirer les mineurs de leurs plateformes, les privant alors de précieux lieux sociaux et de ressources éducatives. Selon lui, il aurait aussi nui aux enfants et aux adultes en exigeant un contrôle de l’âge et probablement de l’identité de la part de ces plateformes pour les distinguer, les exposant « à de plus grands risques pour la vie privée et la sécurité ».
Éviter la confusion avec les voitures autonomes
Permettant à des entreprises de tester des voitures autonomes et à d’autres d’en commercialiser, la Californie projette aussi d’imposer des règles à ce secteur. Plus précisément, elle prévoit de rendre obligatoire pour un concessionnaire ou un fabricant d’informer les consommateurs lorsqu’ils achètent un véhicule disposant d’une fonctionnalité d’automatisation partielle de la conduite avec un avis en détaillant son rôle et ses limites. Cela serait aussi obligatoire pour une mise à jour logicielle ou une mise à niveau de la voiture ajoutant une telle fonctionnalité. Ce projet de loi interdirait en outre à un fabricant ou à un concessionnaire de nommer ou de commercialiser ce type de caractéristiques de façon trompeuse.
Ces mesures rappellent la situation actuelle de Tesla en Californie. Accusé d’avoir faussement promu les capacités de conduite autonome de ses véhicules, le constructeur pourrait se voir interdire la vente de ses voitures dans l’État. Le département californien des véhicules à moteur, à l’origine de deux plaintes déposées fin juillet à ce sujet, estime en effet que les termes « Autopilot » et « Full-Self Driving » ainsi que leurs descriptions suggèrent que les véhicules qui en sont équipés fonctionnent comme une voiture autonome alors qu’ils constituent uniquement des fonctions d’aide à la conduite. L’agence pourrait ainsi décider de ne pas renouveler la licence de Tesla qui lui permet d’en vendre et arrive à expiration le 31 octobre prochain.
De futures règles pour le secteur des cryptomonnaies
En France, les entreprises spécialisées dans les cryptomonnaies comme Binance sont obligées d’obtenir une autorisation de l’Autorité des marchés financiers pour proposer directement leurs services dans le pays. Cela pourrait être le cas en Californie dès 2025, avec un projet de loi selon lequel ces entreprises seraient tenues d’obtenir une licence auprès du Département de la protection financière et de l’innovation de l’État (DPFI). Autrement dit, il serait interdit pour une telle société de se livrer à une activité commerciale de ces actifs numériques, « avec ou au nom d’un résident » sans cette licence.
La Californie ne compte pas seulement sur ce texte pour réguler les cryptomonnaies. En mai, a été signé un décret exécutif sur la blockchain pour stimuler l’innovation tout en protégeant les consommateurs, qui s’exposent à des risques en investissant dans ces actifs numériques (arnaques, volatilité…). Des contenus pédagogiques seront ainsi produits par le DPFI afin de sensibiliser les Californiens aux avantages et aux risques associés. Avec ce texte, l’État suit les traces des États-Unis. Il s’inspire en effet d’un décret signé par le président Joe Biden qui a abouti à la remise d’un rapport en juillet dans lequel plusieurs agences donnent des pistes pour garantir un développement responsable des cryptomonnaies dans le pays.
Un État avec des lois pionnières
Outre ces projets, des lois concernant le numérique sont déjà en place en Californie. Depuis 2020, un équivalent du RGPD européen – le California Consumer Privacy Act – permet aux consommateurs d’avoir plus de contrôle sur les informations personnelles collectées par les entreprises à leur sujet, en garantissant de nouveaux droits à la vie privée. Ils peuvent, entre autres, refuser que leurs données soient vendues ou exiger que celles collectées soient supprimées. Fin août, c’est par le biais de cette loi que Sephora a été condamné à une amende de 1,2 millions d’euros, notamment pour ne pas avoir révélé aux consommateurs qu’il vendait leurs informations personnelles. Les États-Unis accusent, eux, un sérieux retard, avec l’autorité nationale de protection des consommateurs qui a eu son projet de RGPD seulement le mois dernier.
La Californie est également le seul État américain à obliger les concepteurs de chatbots à révéler le statut de ceux-ci lorsqu’une personne communique avec, mais seulement dans deux cas. Ils doivent en effet les en informer lorsque ces agents conversationnels sont utilisés pour « inciter à l’achat ou à la vente de biens ou de services dans le cadre d’une transaction commerciale ou influencer un vote lors d’une élection ». Une obligation similaire pourrait d’ailleurs être incluse dans le futur règlement européen sur l’intelligence artificielle.