Qui aurait cru que Winnie l’Ourson, personnage emblématique de la littérature jeunesse, serait un jour au coeur d’un film d’horreur de série Z au nez et à la barbe de Disney, pour qui le petit ourson au t-shirt rouge constitue une licence extrêmement lucrative ? La raison de cette « anomalie » cinématographique : le personnage créé en 1926 par Alan Alexander Milne relève aujourd’hui du domaine public.
Winnie l’Ourson, psychopathe et tueur en série ? C’est improbable, sans doute risible, mais c’est aujourd’hui possible, en témoigne la première bande-annonce de l’inattendu Winnie the Pooh : Blood and Honey, un slasher réalisé dans la plus pure tradition du genre, avec les moyens du bord, par Rhys Waterfield, aux abords de la forêt d’Ashdown (Angleterre), cette même forêt qui aurait inspiré à Alan Alexander Milne la forêt des rêves bleus où se déroule les aventures de Winnie l’Ourson.
Ce film d’horreur de série Z, produit par la société londonienne Jagged Edge Production, ne restera certainement pas les annales du cinéma et sortira probablement en VOD. Ce qu’il faut retenir, c’est que sa raison d’être tient entièrement à une nouvelle salve d’oeuvres tombées dans le domaine public début 2022.
En effet, au 1er janvier 2022, des romans de William Faulkner, T.E. Lawrence, Ernest Hemingway ou encore Agatha Christie (ainsi que quelque 400 000 enregistrements sonores) sont entrés dans le domaine public en même temps que le premier livre d’Alan Alexander Milne mettant en scène le personnage Winnie l’Ourson, publié en 1926. Aux États-Unis, c’est le sort réservé à toutes les oeuvres datées de plus de 95 ans. C’est en vertu de cette loi qu’a pu être réalisé, dans des délais aussi courts, ce film d’horreur dans lequel le personnage Jean-Christophe – personnage inspiré par le propre fils de l’auteur, Christopher Robin – abandonne Winnie et Porcinet, qui renouent alors avec leurs instincts meurtriers…
La production n’a vraisemblablement pas eu à s’en expliquer avec Disney, bien que Winnie l’Ourson constitue une marque déposée de la firme aux grandes oreilles.
L’ourson qui valait 80 milliards
En effet, cette entrée dans le domaine public ne concerne que la première histoire (et ses personnages) publiée par Milne en 1926 et non ses adaptations ultérieures par la firme américaine – l’emblématique t-shirt rouge était par exemple absent du premier livre – qui conserve entre autres les droits d’adaptation des livres publiés après 1926. Au même titre que Mickey Mouse, dont la première occurrence doit à son tour tomber le domaine public en 2024 (après des années d’intense lobbying auprès du Congrès américain pour rallonger la durée du copyright), la marque déposée Winnie l’Ourson, qui aurait rapporté à Disney pas moins de 80 milliards de dollars à ce jour, est toujours protégée par le droit d’auteur et la firme veillera sans doute à la moindre adaptation litigieuse.
Disney a d’ailleurs produit en 2018 un nouveau film autour de la franchise, Jean-Christophe & Winnie, avec Ewan McGregor. L’année précédente sortait également Goodbye Christopher Robin (avec Domhnall Gleeson et Margot Robbie), centré sur la relation entre l’auteur de Winnie l’Ourson et son fils, Christopher. Le film, produit par Searchlights Pictures (filiale de la 20th Century Fox, depuis rachetée par la maison-mère de Mickey Mouse), fait à présent partie du catalogue de Disney…