Ils s’inspirent du crabe, d’une abeille, d’une plante ou reprennent les caractéristiques de cellules de grenouilles africaines. Ces minirobots, mesurant souvent moins d’un millimètre, pourraient révolutionner la manière de soigner les humains… ou réparer votre smartphone.
En 1989, Rodney Brooks et Anita Flynn, deux chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology), avaient fait une prédiction assez sinistre : « D’ici quelques années, il sera possible, à un coût modeste, d’envahir une planète avec des millions de minuscules robots. » Si l’on attend toujours cette invasion, leur vision de « robots moucherons » autonomes suffisamment bon marché et capables de résoudre des problèmes en masse est en passe de devenir réalité.
De plus en plus de prototypes de minuscules robots voient le jour. Certains – mécaniques – ne sont pas plus gros qu’une mouche. D’autres – constitués d’organismes vivants – mesurent moins de 1 mm de large. Leur objectif n’est pas de conquérir Mars ou même la Lune. Bien souvent, ils ont vocation à pénétrer le corps humain pour le soigner ou entrer dans les entrailles d’une machine afin de la réparer. Cet avènement des minirobots, des « animatroniques » – car ils s’inspirent bien souvent d’animaux –, semble donc bien moins funeste qu’annoncé il y a un peu plus de 30 ans.
Un robot crabe en alliage à mémoire de forme
Dernièrement, des ingénieurs de l’université américaine de Northwestern ont mis au point une minuscule machine. C’est le plus petit robot marcheur télécommandé jamais créé. Et il se présente sous la forme d’un adorable petit crabe. Mesurant seulement un demi-millimètre de large, il peut se plier, se tordre, ramper, marcher, tourner et même sauter. Concrètement, les chercheurs ont utilisé un alliage à mémoire de forme. Le simple fait de se contracter puis de retrouver son état initial lui permet de se déplacer.
Il suffit de diriger un laser dans un sens précis sur lui pour l’orienter dans la direction souhaitée. Par exemple, un scan de gauche à droite le fait bouger de droite à gauche. « Ces structures sont si petites que le refroidissement va très vite. En fait, plus on crée un robot de petite taille, plus il se déplacera vite », souligne John A. Rogers, qui a dirigé les travaux expérimentaux qui ont fait l’objet d’une publication dans la revue Science Robotics en mai 2022.
Des minirobots capables d’aller déboucher des artères obstruées
Dans leur exploration biomimétique (qui s’inspire de la faune et de la flore), ces chercheurs ont également développé des robots de taille millimétrique ressemblant à des chenilles, des grillons ou encore des coléoptères. Le but de ces microrobots est de créer des outils capables d’effectuer des tâches pratiques dans des espaces très confinés : s’insérer à l’intérieur d’un ordinateur ou d’un smartphone et le réparer sans avoir à le désosser, par exemple.
Mais ce n’est pas tout : « Vous pourriez imaginer des microrobots comme des agents servant à réparer ou assembler de petites structures ou des machines dans l’industrie, ou comme des assistants chirurgicaux pour nettoyer les artères obstruées, pour arrêter les saignements internes ou pour éliminer les tumeurs cancéreuses – le tout dans des procédures peu invasives », explique John A. Rogers. En 2021, la même équipe avait mis au point un minirobot, de la taille d’un grain de sable, capable de voler. Contrairement au RoboBee inspiré de l’abeille, celui-ci a trouvé son inspiration dans les samares d’érables (des graines autogires avec une surface portante en forme d’aile).
Pour quel usage ? La surveillance d’un lieu contaminé, des niveaux de pollution de l’air ou la détection de la diffusion d’une maladie aéroportée (toute ressemblance avec le Covid…). Plus inquiétant, ce minirobot pourrait aussi servir à surveiller une population.
Les xénobots, des robots vivants
Il n’y a pas que les robots mécaniques dans la vie ! Si la plupart des robots imaginés font preuve de biomimétisme pour se déplacer et évoluer dans un espace donné, les chercheurs ont eu aussi l’idée de pousser la proximité avec le vivant un degré au-dessus en créant des xénobots. Nommés d’après la grenouille africaine à griffes (Xenopus laevis), il s’agit de microrobots autoréparateurs. Ils font partie de la catégorie des robots biologiques.
En effet, bien qu’étant des organismes synthétiques, leurs cellules sont empruntées aux grenouilles. Des scientifiques de l’Université du Vermont, de l’Université Tufts et du Wyss Institute for Biologically Inspired Engineering de l’Université de Harvard sont parvenus à transformer des cellules souches prélevées sur des embryons de grenouilles africaines en minuscules créatures appelées xénobots. Créées en 2020, elles peuvent se déplacer seules, communiquer entre elles et se guérir d’une blessure sans intervention extérieure. Les chercheurs sont parvenus, à l’aide d’une intelligence artificielle, à faire en sorte que ces robots deviennent aussi autoreproducteurs.
Les xénobots, qui ne sont concrètement qu’un amas de cellules d’un millimètre de diamètre, sont capables de s’agréger à d’autres cellules libres pour donner naissance à un « bébé xénobot » en seulement cinq jours. Mais ceux-ci, trop petits et trop faibles, ne peuvent à l’heure actuelle pas se reproduire sur une nouvelle génération, mais les biologistes ont bon espoir de trouver la solution. Avec encore et toujours le même but in fine : pouvoir guider ces robots vivants dans des interstices minuscules pour voyager dans notre corps ou s’introduire dans une machine.