Critique

Money Heist Korea : braquage manqué pour Netflix ?

24 juin 2022
Par Lisa Muratore
“Money Heist Korea” est un remake de “La Casa de Papel”, disponible à partir du 24 juin sur Netflix.
“Money Heist Korea” est un remake de “La Casa de Papel”, disponible à partir du 24 juin sur Netflix. ©Netflix

Les braqueurs du Professeur sont de retour ce vendredi 24 juin avec le remake coréen de La Casa de Papel. Intitulée Money Heist Korea, cette nouvelle création signe-t-elle le nouveau hold-up de Netflix ? Pas sûr.

L’année passée, les abonnés Netflix ont découvert l’ultime saison de La Casa de Papel. La série importée d’Espagne, devenue un véritable phénomène mondial, a en effet terminé sa diffusion en décembre 2021, au grand dam de la plateforme.

Mais, à l’image des braqueurs d’El Professor, Netflix ne compte pas s’arrêter à son premier coup. Il propose donc, depuis ce vendredi 24 juin, un remake de La Casa de Papel, intitulé Money Heist Korea. On quitte la Banque d’Espagne pour la Corée. La plateforme est en effet bien décidée à conquérir le marché asiatique, après le carton des séries hispaniques comme Elite (2018), Sky Rojo (2021) ou encore Qui a Tué Sara (2021), impulsé par la saga d’Álex Pina.

Un casse qui échoue

Netflix entend ici s’attaquer au marché coréen, un atout indéniable dans la stratégie de la plateforme depuis le mastodonte Squid Game (2021). Avec Money Heist Korea, la plateforme souhaite surfer sur le soft power de Séoul, ainsi que sur le succès de la série créée par Hwang Dong-hyeok, tout en reproduisant le schéma de l’un des programmes les plus mythiques de son catalogue.

Yoo Ji-tae incarne Le Professeur dans Money Heist Korea.©Netflix

Pour autant, le coup de Netflix est-il réussi ? Pas vraiment. Si El Professor est un fin stratège, force est de constater que la plateforme, quant à elle, n’a pas élaboré le plan le plus efficace pour espérer berner ses abonnés. Ceux qui ont déjà découvert la série originale n’auront aucun mal à y voir une pâle copie de celle-ci.

Des noms des personnages à leurs arcs narratifs, en passant par les péripéties qui rythment le casse, tout est identique jusqu’au moindre détail : Le Professeur relève timidement ses lunettes, Kim Yoon-jin, la future Lisbonne, attache ses cheveux avant chaque négociation, et Berlin est toujours aussi instable. Même Kim Ji-Hun tente parfois d’imiter le rire singulier de Jaime Lorente (Denver), sans succès.

Kim Ji-Hun incarne Denver dans le remake de La Casa de Papel. ©Netflix

Il en ressort un sentiment d’inachevé, malgré la liberté qu’aurait pu prendre le créateur de la série, Ryu Yong-jae. En conséquence, cette mise en scène calibrée sur le modèle original a du mal à exister par elle-même et ne propose rien d’innovant. C’est finalement davantage le reflet d’une stratégie financière de la part de Netflix, plutôt qu’un réel investissement créatif. Après tout, avait-on réellement envie de replonger dans le braquage de la Maison de la Monnaie, alors que la version espagnole tirait déjà en longueur, après 5 saisons ?

Quelques stratagèmes fonctionnent

Une question légitime, d’autant plus que Money Heist Korea transpose le scénario original. Or, fidélité et imitation sont à distinguer concernant le remake, et on tombe rapidement dans le surdosage de La Casa de Papel. Ce constat est d’autant plus malheureux que la culture coréenne tend à proposer, depuis quelques années, des œuvres sérielles et cinématographiques aussi originales que percutantes. Bien que l’intention ou le format ne soient pas les mêmes, le divertissement sud-coréen passionne de plus en plus les spectateurs, de Parasite (2019) à Decision to Leave (2022) en passant par Hellbound (2021).

Les braqueurs dans Money Heist Korea.©Netflix

Fort heureusement, par moments, Money Heist Korea s’essaie à des propositions intéressantes, notamment dans son premier épisode. D’abord vis-à-vis de sa violence, plus accrue que dans La Casa de Papel. Le pilote est aussi l’occasion pour le showrunner d’offrir un cadre inédit au casse des braqueurs, dans une Corée unifiée, en 2025.

Ce changement apporte une dimension politique et économique passionnante à la série. La dénonciation du système capitaliste est toujours aussi présente, mais Money Heist Korea a réussi à l’adapter aux considérations géopolitiques actuelles.

Jang Yoon-Ju incarne Nairobi dans Money Heist Korea. ©Netflix

La série se désolidarise aussi de façon importante vis-à-vis de Tokyo. On s’attache davantage au personnage incarné par Yoo Ji-tae (Le Professeur). Si l’histoire est toujours racontée de son point de vue, elle laisse davantage de place aux autres protagonistes.

Notamment à Berlin, interprété par Park Hae-Soo, découvert dans Squid Game. L’acteur dévoile ici une facette de jeu plus rude et perverse, loin de son interprétation de Cho Sang-Woo. Netflix a également misé sur le visage familier de Kim Yoon-jin, l’interprète de Sun Kwon dans la série culte Lost : les disparus (2004) pour espérer attirer les abonnés.

Un choix amusant, bien que la direction d’acteurs peine à convaincre. C’est d’ailleurs le sentiment général concernant la série. Par instants, on sent que le show a voulu s’inspirer de La Casa de Papel, tout en insufflant ses propres codes et sa culture. Pour autant, cela ne suffit pas à en faire un remake original, capable d’exister indépendamment du format initial. De quoi se demander si les abonnés seront au rendez-vous, seulement six mois après le final de la série initiale, mais surtout si Netflix a su monter le casse du siècle.

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Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste