Avec « GNX », le rappeur le plus en vue de ces quinze dernières années fait son retour dans les bacs. Un album où l’ancien protégé de Dr Dre, devenu symbole de la Great Black Music, apparaît une nouvelle fois au sommet. Signe de son apogée ? Kendrick Lamar était la star du show monumental de la mi-temps du Super Bowl 2025 le 9 février. Voici dix titres pour retracer l’ascension de ce génie du rap à l’occasion de ses deux concerts événements en France.
Une affiche XXL pour célébrer le retour en grâce de Kendrick Lamar, qui aura marqué 2025 de son empreinte. Après la sortie surprise fin 2024 de GNX, un album dense et introspectif, salué pour sa puissance artistique, le rappeur a mis le monde à ses pieds. Le 9 février dernier, il était la tête d’affiche du show de la mi-temps du Super Bowl 2025, livrant une performance mémorable.
Et pour sa tournée mondiale, Kendrick a choisi de partager l’affiche avec SZA, figure majeure de la scène R’n’B, et complice artistique depuis l’inoubliable All the Stars. À l’occasion de leur passage en France pour deux dates événements à la Paris Defense Arena, retour sur dix titres essentiels pour comprendre l’ascension fulgurante de l’un des rappeurs les plus brillants et novateurs du hip-hop contemporain.
Rigamortus (2011)
Dans les années 2000, un jeune rappeur de Compton, ville située dans le comté de Los Angeles, commence à faire parler de lui au sein du collectif Black Hippy. Kendrick Lamar également appelé « K.Dot », figure, aux côtés d’Ab-Soul, de Jay Rock et de Schoolboy Q, parmi les nouveaux noms d’un rap « West Coast » alors très underground. Dans l’ombre, ces MC sortent leurs premières mixtapes sur Internet puis chez Top Dawg Entertainment, label indé du sud californien, et sont reconnus par leurs illustres prédécesseurs, dont Dr Dre et Snoop Dogg. Avec son premier album, Section.80, sorti en 2011, Kendrick Lamar confirme qu’il est l’un des rookies (comprendre « petit nouveau ») les plus inventifs de l’écurie Top Dawg.
Rigamortus, illustré d’un clip à succès, déploie, sur une instru jazzy, toute l’étendue de son talent. À la fois par son écriture nerveuse et son flow très emblématique, détaché et rapide, improbable croisement entre Snoop Dogg et Q-Tip, le jeune homme apparaît comme un killer au mic, ce que confirme bien vite la suite de sa carrière.
Swimming Pool (Drank) (2012)
Annoncé en 2012 comme l’un des futurs participants de Detox (le fameux troisième album de Dr Dre qui n’est jamais sorti sous cette forme), Kendrick Lamar décide de peaufiner sa carte de visite avec un disque ample et personnel, l’autobiographique Good Kid, M.A.A.D. City, son premier album en major. Swimming Pools (Drank), qui promeut le LP à l’été 2012, impressionne la planète hip-hop. Avec son instrumental sombre, ses déformations vocales et son propos sur l’alcoolisme et la pression sociale d’une célébrité naissante, le titre figure parmi les moments d’acmé d’un album conçu comme un film réalisé au plus près du rappeur et de son quartier de Compton.
Money Trees (2012)
Au début des années 2010, la tendance à mêler indie rock et rap se fait de plus en plus prégnante. Après les expérimentations de Kanye West Kanye West sur My Beautiful Dark Twisted Fantasy dans ce registre, Kendrick Lamar livre son propre crossover, le temps de Money Trees (présent sur l’album Good Kid, MAAD City), une chanson sur l’amour et la criminalité qui utilise un sample du groupe de dream pop Beach House. Kendrick y partage le micro avec son ami Jay Rock, dont le couplet halluciné truste depuis les classements des meilleurs featurings de l’histoire récente du rap.
i (2014)
Très en amont de la sortie de son album To Pimp A Butterfly, Kendrick Lamar effectuait son retour en 2014 avec i, un titre d’autocélébration (factice) rythmé par un superbe sample funky des Isley Brothers. Explorant les thématiques de la rédemption et de la confiance en son propre jugement, la chanson, couronnée de deux Grammy Awards, annonçait la quête spirituelle et l’évolution personnelle qui allaient être les fils rouges du troisième disque du natif de Compton.
Alright (2015)
Parfois, l’actualité rejoint la création artistique, par coïncidence. En mettant en chantier To Pimp A Butterfly, Kendrick Lamar avait l’ambition d’exprimer, à travers ses chansons, la nature même de la vie d’un Afro-Américain aux États-Unis en 2015. Pour ce faire, il avait réuni quelques-uns des musiciens les plus excitants de la Great Black Music d’alors, dont Kamasi Washington, Thundercat, Bilal ou SZA. Et c’est avec un morceau produit par Pharrell Williams, Alright, que l’ambition du MC allait être saluée.
Très vite, le refrain du single a rejoint la rue, repris en cœur par les manifestants du mouvement Black Lives Matters, après plusieurs bavures policières impliquant des victimes noires aux États-Unis. Inspiré des conséquences néfastes du racisme en Afrique du Sud, le titre prit donc une dimension politique et reste l’un des joyaux d’un artiste devenu, à l’époque, l’artiste le plus influent d’Amérique.
Humble (2017)
Toujours en mouvement, Kendrick Lamar a souhaité faire de son album Damn. Un retour au hip-hop, après avoir exploré soul et jazz sur To Pimp A Butterfly. Emblématique de ce recentrage, Humble adopte de nombreux éléments que ne renieraient pas les artisans de la trap d’Atlanta – entre autres le son des kicks, des cymbales, la syncope du rythme et les effets de sirène chers au genre.
Un morceau efficace et rentre-dedans, à l’exemple d’un disque conçu comme un rouleau compresseur, et reçu comme tel par le public rap dans le monde entier.
Pray for Me (2018)
Avec All the Stars, Pray for Me est LE banger d’un projet que Kendrick Lamar a marqué de son empreinte : la bande originale du film Black Panther. Tout comme le film des studios Marvel, ce disque intègre un casting XXL. D’Anderson .Paak à Future en passant par SZA, Vince Staples et James Blake, les artistes rap et R&B les plus influents du moment ont participé à cette B.O. digne d’une anthologie.
Ultime morceau de l’album, Pray for Me, accueille The Weeknd pour un duo d’anthologie. La rugosité de « K.Dot » y répond au lyrisme du chanteur canadien, dans une opposition des contraires parfaitement maîtrisée.
N95 (2022)
Tout au long de sa carrière, Kendrick Lamar n’a jamais manqué de disséminer des piques dans ses chansons. Sur N95, à la façon d’un caméléon, il multiplie les façons de rapper pour mieux placer ses paroles sardoniques envers tout ce qu’il considère comme ridicule dans l’ère post-Covid. Single issu de son album surprise Mr. Morale & the Big Steppers, le titre annonçait un disque conscient, personnel et, comme toujours, parfaitement maîtrisé.
Not Like Us (2024)
Durant quelques mois en 2023-2024, deux des meilleurs représentants du rap se sont affrontés à coup de clash, agitant sérieusement la planète hip-hop. Après une série de morceaux où Drake et Kendrick Lamar s’accusaient mutuellement de nombreux délits et crimes (dont le harcèlement sexuel, le proxénétisme, la pédophilie), quand ils ne remettaient pas tout simplement en cause la paternité de leurs enfants respectifs, « K.Dot » se décidait à « terminer » son adversaire au moyen d’un titre définitif, Not Like Us, sorti en mai 2024.
Un morceau californien pur jus, produit par Mustard, dans lequel le garçon mettait son flow et ses punchlines au service de la destruction médiatique de son adversaire canadien. De l’avis du monde entier, il remportait par là même l’une des batailles majeures du rap actuel. Son hymne se verra couronné par pas moins de cinq Grammy Awards.
Squabble Up (2024)
Jamais à court d’idées, Kendrick Lamar réussit à chaque étape de son parcours à surprendre son monde. Pour son nouvel album, GNX, sorti en catimini en novembre 2024 et disponible en format physique ce mois de février 2025, il a réalisé avec Squabble Up un single à la fois ultra-contemporain et rétro, puisant son inspiration dans le rap « West Coast » des années 1990, dont il demeure, avec YG, l’un des vrais héritiers.
Des années après Top Dawg, « K.Dot » (et sa camarade de label d’alors, SZA) tutoie les sommets en ayant gardé intacte sa fraîcheur de rookie californien, bien décidé à renverser le monde à chaque sortie. Sa prestation à la mi-temps du Super Bowl sera l’un des points d’orgue du prodige du hip-hop.
