Le mouvement hip-hop a, depuis sa création il y a cinquante ans, été profondément influencé par le 7e art. Pures adaptations cinématographiques ou bien films à forte influence dans les textes, à l’occasion des 50 ans du hip-hop, nous passons en revue les productions qui ont contribué à l’histoire de ce mouvement.
Scarface de Brian de Palma (1983)
Si vous êtes un auditeur assidu de rap français ou américain, il est alors impossible pour vous de passer à côté. Samplé sur It’s Mine de Mobb Deep et Nas, le générique d’ouverture de ce film de légende témoigne de la fascination que suscite Tony Montana auprès des rappeurs. Le destin de cet immigré cubain qui se mue peu à peu en parrain de la drogue est fantasmé par nombre de MC. Il me faudrait une journée entière pour compiler le nombre d’hommages à ce film. De PNL qui nomme son premier album le Monde Chico (“Je veux le monde Chico, et tout ce qu’il y a dedans”) dans lequel figure Plus Tony que Sosa dit tout de l’emprise de Tony, joué par Al Pacino à Nas vingt-et-un ans auparavant qui rappe The World Is Yours. Bref, le rap et Scarface est une grande histoire d’amour qui dure depuis de nombreuses années malgré la scène ultime du chef d’œuvre de Brian de Palma, qui tend justement à mettre en évidence les dérives de cette vie de débauche.
NWA : Straight Outta Compton de F.Gary Gray (2015)
La légendaire histoire du précurseur groupe de Compton. Fondé en 1986, il réunit Dr.Dre, Eazy E, MC Ren, Ice Cube, DJ Yella et Arabian Prince jusqu’en 1989 où des premières tensions éclatent avec Ice Cube. Les secrets de ces jeunes californiens tant adulés par les leurs que vilipendés par l’élite ainsi qu’une partie de la communauté blanche. NWA : Straight Outta Compton sort en 2015. Un film dont s’inspirera…Dr.Dre protagoniste principal de l’ascension de ce groupe d’amis. Le producteur, rappeur et DJ révèle Compton: a Soundtrack by Dr. Dre, son troisième et dernier album studio en date. Un prolongement du film qui s’effectue puisque l’on retrouve non seulement la vieille garde avec Ice Cube, Xzibit mais aussi la jeunesse déjà bien en place à l’époque avec Kendrick Lamar. Des soldats de Dr.Dre complètent le casting de cet album avec Eminem ou Anderson .Paak, pour ne citer qu’eux. En bref, NWA : Straight Outta Compton est un très bon biopic qui, au-delà de rendre hommage à un groupe légendaire, permet de mesurer les barrières que le hip-hop a dû franchir pour acquérir le statut qu’on lui connaît aujourd’hui.
La Haine de Mathieu Kassovitz (1995)
Le récit d’une journée pas comme les autres pour trois jeunes d’un quartier d’une ville des Yvelines embrasée dans la colère après une nuit d’émeute. Vinz, Saïd et Hubert sont les protagonistes principaux de la réalisation iconique de Mathieu Kassovitz. Les trois amis ont chacun une personnalité ancrée qui leur est propre. Vinz, se distingue par son impétuosité tandis qu’Hubert tempère avec une impressionnante maturité. Saïd lui, est l’entre-deux parfait. La Haine narre une journée entière au cours de laquelle le trio va s’écharper une nouvelle fois avec leur ennemi juré : la police, tenir les murs dans l’ennui et la grisaille, ou bien arpenter les rues de la capitale et tout ce qu’elles comportent. La Haine ce sont des répliques cultes, à jamais gravées dans l’histoire du cinéma français. Une couleur que l’on pensait abandonnée pour toujours : le noir et blanc.
C’est pourtant ce point précis qui fait sa force et rend l’œuvre intemporelle. Les ponts avec le hip-hop sont bien visibles. Cut Killer livre une performance majuscule, les danseurs du quartier se challengent sur un classique de la funk, More Bounce to the Ounce, et Saïd graffe son nom un peu partout. Pour couronner le tout, une bande originale inspirée du film sort la même année. Le Ministère A.M.E.R. révèle le sulfureux Sacrifice de poulets, Expression Direkt rappe Dealer pour survivre et MC Solaar, vedette de l’époque conte Comme dans un film. Vingt-huit ans après sa sortie, La Haine est devenu un mythe. Les rappeurs d’aujourd’hui et d’hier s’en inspirent.
La Cité de Dieu de Fernando Meirelles et Katia Lund (2002)
Une nouvelle fois, un film qui suscite une admiration et une fascination exceptionnelles au sein du rap game. Un film à voir absolument pour tout fan de ce genre tant les textes des artistes sont truffés de références à cette œuvre brésilienne. La Cité de Dieu, c’est l’histoire de La Cidade de Deus, quartier violent et dangereux de Rio de Janeiro. Buscapé immortalise chaque moment et rêve d’une carrière de photographe. En grandissant, il comprend que ses amis d’enfance ne suivront pas la même ambition. Parmi eux, Dadinho, ou plutôt Zé Pequeno. Un fou de la gâchette qui depuis son plus jeune âge, nourrit une excitation malsaine pour les armes à feu. Dès l’enfance, celui que l’on appelait encore Dadinho a montré à ses aînés qu’il avait la tête plus dure que les autres. Son tempérament effraie les autres mais parfois excède ses amis. La Cité de Dieu a, dès sa sortie, rempli les feuilles des rappeurs français : ”Imagine Tony, Manny, Zé Pequeno danser sur ce morceau.” chantait Rohff sur Zone internationale sur son album La fierté des nôtres. PNL nous fait bouger la tête sur Bené en 2016 sur Dans la légende. Deux morceaux parmi tant d’autres qui témoignent de la marque au fer rouge imprimée par ce film âgé de 21 ans cette année.
8 Mile de Curtis Hanson (2002)
Vous vous êtes sûrement déjà demandé comment Eminem, Marshall Mathers de son vrai nom, était parvenu à faire son trou dans le rap game américain. 8 Mile vous donnera des éléments de réponse. Inspiré de la vie de Slim Shady, qui joue ainsi quasiment son propre rôle, il retrace tout ce par quoi il est passé pour acquérir le statut qu’on lui connaît. À la différence près que ce film se stoppe au moment où B-Rabbit est encore à Détroit, dans l’inconnu. De son petit boulot dans une usine automobile à son retour dans le mobil-home familial où vivent sa mère, sa petite sœur et son beau-père en passant par les impitoyables battles de freestyle, B-Rabbit passe par toutes sortes d’émotions. Paru en 2002, alors que le rappeur de Détroit est presque à son apogée, ce film obtient instantanément un bon succès d’estime. Lose Yourself, immense classique du rap, reçoit l’Oscar de la meilleure chanson originale.
Réussir ou mourir de Jim Sheridan (2005)
Là aussi, un film qui frôle la biographie d’un acteur majeur du rap US des années 2000 : 50 Cent. Jim Sheridan s’inspire du vécu du rappeur new-yorkais du Queens qui se fit connaître au monde entier avec In Da Club, P.I.M.P. ou encore Many Men (Wish Death). Un morceau qui relate la fusillade qu’il subit le 2 juillet 2000. Neuf balles qui le transpercent mais dont il se relève. Réussir ou mourir met en scène 50 Cent dans le rôle de Marcus, jeune homme qui perd subitement sa mère, assassinée. Il vit alors chez ses grands-parents et se tourne rapidement vers le trafic de drogue pour s’acheter tout ce dont il a toujours rêvé. Marcus est animé d’une passion depuis le plus jeune âge : l’écriture. Il va à la poursuite de ce songe après sa sortie de prison et se lance à grandes enjambées dans le rap. Dans Réussir ou mourir, vous retrouverez également Terrence Howard, le très fameux Lucius Lyon dans Empire. Ce film a marqué l’histoire du hip-hop non seulement, d’où l’inspiration est puisée, mais aussi par sa bande originale éponyme. Hustler’s ambition, Window Shopper ou encore Best Friend font la renommée de cette oeuvre.
Beat street de Stan Lathan (1984)
Une dizaine d’années après l’apparition du mouvement hip-hop, Beat Street de Stan Lathan sort en salles. Un film datant de 1984 donc, qui relate l’histoire d’un petit groupe d’amis du Bronx qui souhaite percer dans le hip-hop. Chacun sa spécialité. L’un est breakeur, l’autre est graffeur ou DJ. L’importance de ce film est à souligner. Il témoigne d’un fort intérêt des maisons de production pour ce mouvement en pleine ascension. La même année, Breakin’ sort au cinéma. Une année clé et à la fois tournant dans l’histoire du hip-hop. Le mouvement gagne en considération et en crédibilité auprès d’un public qui ne regardait cela que de loin ou d’un œil.
Boyz N the Hood de John Singleton (1991)
Un film à l’importance capitale dans l’histoire du hip-hop. S’il ne traite pas du mouvement directement, il bâtit des ponts avec ce dernier. Ice Cube, alors proche de l’apogée de sa carrière, y joue le rôle de Darin Baker, un jeune fourré dans le trafic de drogue. Son frère, Ricky tente lui, de suivre une voie plus conventionnelle et d’obtenir une bourse pour aller à l’Université de Caroline du Sud. Les deux frères se sont liés d’amitié dans leur tendre enfance avec Tre, un élève passionné par l’école et talentueux mais qui se fait renvoyer au bout de trois jours. Alors qu’il vivait chez sa mère, séparée de son père, cette dernière le renvoie chez son paternel à South Central, où il retrouvera ses amis d’enfance. Boyz N the Hood dépeint la vie dans les ghettos noir-américains où des destins s’entremêlent mais ne sont jamais très éloignés. La bande originale du film comporte des titres de gloires de l’époque. On pense à Too $hort, 2 Live Crew et bien évidemment Ice Cube. Un film légendaire qui inspira plus d’un rappeur.