A chaque génération, chaque époque, il y a son génie. Il y a eu Brel, Barbara, Ferré, Brassens puis Gainsbourg, Nougaro, Sanson, Berger, Bashung. Depuis le début des années 2000, c’est incontestablement Benjamain Biolay le génie de son époque, surclassant de très haut tout le monde ou presque. Le 9 septembre sort Saint-Clair, nouvel album de l’artiste, l’occasion de revenir sur sa carrière en quelques titres.
Les cerfs-volants, tiré de l’album Rose Kennedy (2001)
Après des débuts hésitants peu courronés de succès dans les années 1990, la lumière se pose enfin sur l’art de Benjamin Biolay au début des années 2000. Nul doute que la médiatisation de l’album d’Henri Salvador Chambre avec vue dont il est l’artisan avec Keren Ann y est pour quelque chose. Ce premier album aux accents pop et jazzy, rèvèle un crooner qui nous raconte l’histoire romancée de la famille Kennedy, un album presque concept comme il en aura l’habitude, « un herbier d’histoires où les pétales de Rose ont conservé tout leur éclat » (Les Inrocks). Le journal des Inrocks parle « d’une approche photographique du songwriting » et d’un homme « aux impressions furtives« , « aux constrates« . Rose Kennedy remporte la Victoire de l’album révélation en 2002. Petite anedocte, Rose Kennedy est sorti alors que Négatif, le deuxième album, était déjà fini.
Chère inconnue, tiré de l’album Négatif (2003)
Avec Négatif, Biolay confirme qu’il a bel et bien l’intention de construire l’histoire de la chanson française, la réinventer. En tout cas, il en a l’éttofe, lui qui sait créer un vrai décor musical pour ses albums. Ses orchestrations magnifiques le prouvent. Dans ce deuxième album plus folk et où l’on perçoit son amour pour les arrangements de cordes classieux, Benjamain Biolay offre un opus très inspiré où l’ombre de Gainsbourg n’est pas loin. On y retrouve sa compagne, l’actrice, Chiara Mastroiani, avec laquelle il vit une romance très médiatisée.
La ballade du mois de juin, en duo avec Chiara Mastroiani, tiré de l’album Home (2004)
Il serait peut-être présomptueux de comparer Home aux albums de Gainsbourg comme Bonnie and Clyde. Peut-être. Mais ce road movie dans lequel nous plonge le couple Biolay-Mastrioiani s’en rapproche par l’intention. Très intimiste, Home montre combien la connexion artistique et personnelle des deux permet de donner naissance à une belle oeuvre comme c’était le cas de Gainsbourg avec ses muses. D’ailleurs, il aurait pu s’appeler presque Chiara et moi. On sent très profondément l’influence cinématographique dans l’interprétation en fondu-enchainé de Biolay et Mastroiani, les références musicales de Ry Cooder dans Paris Texas, entre autres. Cet album a tout du romanesque. Il faut dire que le couple est fusionnel.
A l’origine, tiré de l’album A l’origine (2005)
L’œuvre ici se fait plus sombre et plus personnelle. L’artiste l’a voulu rock, plus électrique qu’à l’accoutumée. Plus vif, dans tous les sens du terme, A l’origine démontre que Biolay ne se complait pas dans des bis repetita, osant, surprenant parfois. On peut penser ce qu’on veut de lui mais il sait se réinventer. En s’ouvrant, s’affirmant tel qu’il est, homme de génie qui sait assumer ses failles, sa part d’ombre, Biolay réussit à se surpasser et nous éblouir comme à l’origine. Christophe Conte des Inrocks dit de Biolay pour cet opus : « il libère des flux inédits, retrouve aussi le goût du direct, du combat avec les éléments, du refrain qui décolle comme un avion de ligne après les couplets… Les chansons avancent en bombant le torse sans crainte les coups de baïonnette … sans rien saborder des raffinements habituels. » Tout est dit.
La garçonnière, tiré de l’album Trash yéyé (2007)
Benjamin Biolay considère Trash yéyé comme la suite logique de son précédent album. En effet, l’atmosphère reste assez sombre. L’artiste y expose ses ruptures amoureuses et le spleen dans lequel l’homme est plongé. Saississant, Biolay manie virtuosité et instinctivité. Ce n’est pas l’album au succès le plus retentissant mais il a un aspect très touchant dans cette nonchalence mélancolique.
Ton héritage, tiré de l’album La superbe (2009)
Après avoir quitté Virgin pour Naïve, en raison des faibles ventes de ses derniers albums, Biolay rencontre à nouveau le succès avec un album qui porte bien son nom La superbe. Enfin Biolay, allie succès critique et succès populaire. « Garder la superbe dans le chaos » souligne-t-il dans l’Express en novembre 2010, tel est la ligne directrice de cet album. Biolay s’affirme : cordes majestueuses, voix de plus en plus en avant. Tout est grandiose comme ce titre dédié à sa fille Anna.
Palermo Hollywood, tiré de l’album Palermo Hollywood (2016)
Pour Palermo Hollywood, Biolay est parti sous d’autres lattitudes. Direction l’Argentine. Dans le Figaro, Biolay dit que le disque « a été pensé entre deux villes, deux hémisphères pour mieux nous raconter en seize nouveaux titres, une audio pellicula où se croisent Ennio Morricone, ballade française, néo cumbia, lyrisme et grands orchestres, percussions latines et bandonéon électrique« . Le titre fait référence à un quartier de Buenos Aires, ville dans laquelle l’artiste a beaucoup déambulé. Dépaysant.
Roma (amoR) ft. Illya Kuryaki and the Valderramas, tiré de l’album Volver (2017)
Diptyque de Palermo Hollywood comme le surnomme Biolay, Volver est un album fait de métissage. Il y a encore l’Argentine. Cet album se voit comme un chassé-croisé entre Buenos Aires, Rome et Paris. Le fait d’être allé enregistrer à l’étranger a été la base fondatrice de la libération de l’artiste. Là-bas, à Buenos Aires, les mots n’étant pas décortiqués par les musiciens, seule la connexion musicale comptait et çà, cela a aidé Biolay à se lâcher. La référence à l’Italie vient bien sûr de l’amour pour le pays et la culture de son ex-compagne, Chiara, qui apparaît avec sa mère, Catherine Deneuve mais aussi du métissage de la ville de Buenos Aires, elle-même. Biolay comme dans Palermo Hollywood confronte son héritage, sa pop à des ambiances culturelles diverses comme les grands Gainsbourg ou Lavilliers l’ont fait auparavant.
Comment est ta peine ?, tiré de l’album Grand Prix (2020)
Nous sommes à la sortie du premier confinement. La France est restée chez elle pendant des semaines et Grand Prix, avec ce 1er single, Comment est ta peine ? est l’hymne de la libération avec sa pop aux boucles électroniques que Biolay affectionne. Grand Prix, comme son titre l’indique fait référence aux courses automobiles, l’artiste étant passionné par le milieu de la F1. A la mort de Jules Bianchi, Biolay attristé par cette nouvelle, se demande, comment allier ses deux passions. Biolay aime ce milieu considérant les pilotes comme des rockstars, des hommes à la passion extrêmement dévorantes et sacrificielles puisque la mort peut se tapir à chaque tournant. Album concept avec de nombreuses références lexicales au monde de la F1, Biolay continue de creuser ce sillon des albums concepts, un moyen pour lui de sortir de sa zone de confort et éviter la monotonie. C’est peut-être pour cela que cet album est celui de tous les succès, notamment aux Victoires de la musique 2021 (artiste de l’année et album de l’année).
Rends l’amour !, tiré de l’album « Saint Clair » (2022)
Deux ans après le succès de Grand Prix, Saint-Clair s’annonce comme le grand retour de Biolay. L’artiste annonce cet album comme « assez rock avec des ballades très éthérées et très personnelles« . Le premier single dévoilé est Rends l’amour. L’artiste en parle ainsi : j’avais envie d’un hymne, d’un slogan. Et c’est le slogan que j’ai détourné que les miltants écrivent eux-mêmes sur certaines affiches électorales en disant « Rends l’argent ». Chanson d’amour comme seul Biolay sait les faire, Rends l’amour a ce quelque chose d’immédiat, cette immédiateté pop que l’on aime chez lui. Si une grande partie des titres font référence à des saints dont le duo avec Clara Luciani, Santa Clara, ayez confiance, cet album n’a rien de religieux. Pas de plug-in, pas de programmation, que des musiciens, ceux de sa tournée précédente, qui vous perfusent d’une bonne dose de pop-rock avec les mots de Benjamin. De quoi passer une bonne rentrée.