Les plus grandes chansons de Michel Berger : 30 ans déjà

Michel Berger et ses propres chansons

Pour me comprendre (1973)

Les débuts de Michel Berger dans les années 1960 ne sont pas florissants bien que figurant sur la photographie du siècle rassemblant 46 artistes de la période yéyé. Après avoir produit les deux premiers albums de Véronique Sanson (sa compagne de l’époque), c’est en 1973 que Michel Berger se lance avec un premier album éponyme : Michel Berger. Contrairement à ceux pour qui il écrit (Sanson…), son travail personnel n’éclate pas au grand jour du public. Pourtant cette chanson Pour me comprendre introduit de manière magnifique et sensible un artiste doué pour les mélodies et qui se met totalement à nu. Berger y raconte son passé et ce qu’il est. L’ombre de sa bien-aimée qui l’a quitté est déjà présente comme celle de son frère malade. Totalement autobiographique, Pour me comprendre évoque les blessures d’un homme de manière intime. En ne nommant jamais les personnages, Berger fait de cette chanson un titre universel.

Seras-tu là (1975)

C’est de notoriété publique : Véronique Sanson et Michel Berger ont été amants. Au début des années 1970, le couple (amis d’enfance) semble couler le parfait amour mais la légende veut qu’un jour Véronique Sanson lui dit vouloir sortir pour acheter un paquet de cigarettes ; elle ne rentrera pas. Elle s’envole vers les Etats-Unis pour rejoindre Stephen Stills, artiste américain du groupe Crosby, Stills, Nash and Young (le groupe folk du moment par excellence). Effondré par ce départ douloureux, Berger évoque la blessure et la plaie béante causée par cet abandon. Il écrit une lettre à sa bien-aimée, une lettre d’un homme anéanti. Cette lettre est Seras-tu là, extrait de l’album Que l’amour est bizarre. Berger et Sanson ne se reverront qu’à de très rares occasions comme dans l’émission « Etoiles palace », le 6 octobre 1990. L’oeuvre des deux artistes, par contre, est remplie de messages interposés. La chanson continue de montrer ce sensible qu’est Michel Berger et combien cette rupture aura marqué l’homme et l’artiste au fer rouge. Pourtant, à l’époque cette chanson n’est pas vraiment remarquée. C’est quand Véronique Sanson lui répondra avec Je serai là, que la correspondance musicale entre les deux artistes se dévoile.

La groupie du pianiste (1980)

S’il a trouvé le succès dans son rôle d’auteur-compositeur-producteur pour les autres, Berger n’a pas encore réussi à imposer SON répertoire. C’est chose faite avec l’album Beauséjour (nom de la villa où il habite avec France Gall) et ce premier grand tube La groupie du pianiste qui caracole en tête des hits comme la chanson qu’il a écrite pour France Gall Il jouait du piano debout. Fan de Ray Charles et Jerry Lee Lewis, le petit français s’impose enfin comme l’un des meilleurs musiciens de sa génération. Cette chanson sur une fan qui ne vit que pour son idole jusqu’à s’oublier elle-même est une des parfaites incarnations du style Berger : groove impressionnant presque euphorisant et profondeur du texte. Berger est avec ce titre vu comme un chanteur digne de ce nom et non un simple auteur-compositeur pour les autres. Il y a un avant et un après La groupie du pianiste : Michel Berger le dit lui -même :  « Jusque-là, il y avait cinq cents personnes qui achetaient mes disques, et puis tout à coup ils ont été cent cinquante mille. Et je ne sais toujours pas pourquoi. » (Livret du best of, Celui qui chante).

Le prince des villes (1983)

On le disait peu percutant, avant cette oeuvre. Michel Berger prend de l’assurance et commence vraiment à s’exprimer et dévoiler des textes engagés et/ou corrosifs. C’est le cas de Les princes villes. Cette chanson tirée de l’album Voyou dépeint le monde de la musique et des rockstars, des princes à milles lieues de la réalité du quotidien, entourés de courtisans, des attachés de presse ou agents qui ne font qu’ajouter des murs et des murs à leur vie. Berger dépeint la superficialité de ce milieu qui n’a de flamboyant que l’idée de ce que le public s’en fait quand on est en haut et sous la lumière. Dans ce titre, on y perçoit aussi les angoisses personnelles du chanteur. Bernard Bosson, direteur du WEA et ami de Berger dit de lui qu’il est un homme qui a toujours été obssédé par la peur de la fragilité de ce métier et son côté éphémère. Berger définit l’artiste comme une étoile filante.

Chanter pour ceux qui sont loin de chez eux (1985)

Après la ferveur et l’insouciance des années 1970, le monde s’assombrit et les textes de Berger en prennent aussi le ton et la couleur. Cette chanson de l’album Différences, comme plus tard Lilly de Pierre Perret ou C’est déjà çà d’Alain Souchon, évoque (plus de 30 ans avant) la situtation des migrants, leur vie difficile dans des pays pas toujours accueillants. Michel Berger dit qu’il est très difficle de ne pas être concerné, de ne pas ressentir l’agression du monde dans lequel on est. Déjà avec Diego, libre dans sa tête, Berger évoluait dans ses textes, des paroles autobiographiques, parlant de plus en plus du monde qui l’entoure, de sujets qui l’émeuvent, qui le font réagir en tant que citoyen. Pour lui, un artiste doit s’engager et ne pas rester muet et inactif devant le monde qui s’agite, ceux qui souffrent. A cette époque, il est déjà engagé avec France et Daniel en Afrique pour Action Ecole et soutient les démarches de Renaud (Ethiopie) et celle de Coluche (Restos du coeur).                                                                          

Le paradis blanc (1990)

C’est pour moi l’une des plus belles chansons de Berger et Dieu sait qu’on a le choix. C’est le dernier tube de Berger, retrouver dans l’album Ca ne tient pas debout. Certains y voient un titre prémonitoire car la chanson paraît deux ans avant sa mort. Les proches de Berger le récusent. Une chose est sûre, cette chanson a quelque chose de quasi mystique avec ses chants de baleines. Les étendues blanches qu’il évoque, loin de la turpitude du monde, donnent toute la pureté à ce titre. Le paradis blanc est le paradis perdu d’un homme qui tourne le dos à un monde violent, celui des hommes qui ont défiguré la nature. Le paradis blanc est celui d’une nature où l’empreinte de l’homme n’est pas encore passée. Ecologiste avant l’heure, lanceur d’alertes romantiques mais profondément investit, tel était Michel Berger.

Michel Berger pour les autres

Message personnel par Françoise Hardy (1973)

Ces deux artistes étaient faits pour se rencontrer, même mélancolie, même fragilité. Alors que la carrière de Françoise Hardy donne des signes de faiblesse, Michel Berger entre en scène et signe l’album Message personnel, album qui relance la carrière de la grande Françoise. Françoise Hardy racontait au Nouvel Obs, à l’occasion des 40 ans de l’album :

« Il a été doublement important dans ma vie puisque 1973 est l’année où j’ai enregistré cette chanson et où j’ai donné naissance à Thomas. Je réalisais donc le rêve de ma vie qui était d’avoir un enfant et je renouais avec le succès après mes deux disques précédents qui avaient été des échecs cuisants« . C’est Michel Berger qui a souhaité que Françoise écrive cette longue introduction parlée commençant par le vouvoiement et finissant par le tutoiement. L’enregistrement n’a pas été simple car le phrasé des deux artistes était à l’opposé, chez Berger très rythmique et chez Hardy très porté sur l’émotion. Malgré tout, même si Françoise a failli perdre confiance en elle, ils signent à eux deux l’un des plus beaux albums et l’une des plus belles chansons de la chanson française. Et l’admiration sans borne de Françoise pour Michel est restée intacte. 

La déclaration d’amour par France Gall (1976)

Bien qu’elle ait déjà sorti de nombreux albums et compilations, France Gall est le 1er album signé Berger, 1er d’une longue liste et dont la déclaration d’amour en 1ère partie fut écrite pour France Gall. Si cette chanson paraît indirectement une belle déclaration de l’auteur pour son interprète, lorsque France Gall demande à Berger de lui écrire son nouvel album, le couple n’est pourtout pas formé. Ce n’est qu’en 1976 que les deux tourtereaux se marient, bien que la chanson elle fut écrite en 1974. Ce qui est une des chansons phares du couple artistiqe aurait pu ne jamais exister car, d’une part, Berger n’était pas volontaire à se lancer dans l’écriture pour France Gall, trouvant l’artiste trop ancrée dans les yéyés ; et d’autre part, France Gall à la première écoute de la chanson s’attendait à une chanson beaucoup plus rythmée. Grosse déception. La collaboration aurait pu tourner court, mais elle durera plus de 20 ans.

SOS d’un terrien en détresse par Daniel Balavoine (1978)

Starmania, LA comédie musicale française signée Michel Berger et Luc Plamandon. Pour le rôle de Johnny Rockfort, Berger pense à Daniel Balavoine qu’il a aperçu à la télévision interpréter Lady Marlene. Balavoine avait des réserves à propos de Berger mais les deux hommes s’entendent finalement. Par contre Plamando ne voyait pas Balavoine dans la peau d’un terroriste affamé et famélique, l’homme ayant le visage trop rond. Enfin, même le producteur mise sur Johnny Hallyday qui a donné son accord de principe. C’est sans compter sur la volonté pugnace de Balavoine d’interpréter le rôle de Johnny Rockfort. Lors du casting, il vient en blouson de cuir et avec un livre de la bande à Baader. Tout le monde est cloué par l’interprétation de Balavoine. Le chant de cet homme despéré par le monde qui l’entoure reste mémorable et le succès de cette chanson a réllement lancé la carrière de Daniel Balavoine. Enfin, l’amitié entre Balavoine et Berger est scèlée à jamais.  

Diego, libre dans sa tête par France Gall (1981)

Nous sommes dans les années 80 et l’Amérique du Sud est secouée par des dictatures qui emprisonnent à tour de bras (dans le meilleur des cas) des opposants politiques. Au Chili, en Argentine, il n’est pas bon de s’opposer au pouvoir ni même s’exprimer librement. C’est en regardant dans l’actualité cette liberté baffouée que Berger écrit ce texte, figurant d’abord dans l’album Tout pour la musique de France Gall. Diego, même derrière les barreaux, reste libre et fidèle à ses valeurs, ses opinions. Il en paye le prix mais c’est pour la liberté des autres. Le combat n’est pas celui d’un homme seulement pour lui-même. C’est d’abord France Gall qui s’empare de ce texte puis Michel Berger et enfin Johnny Hallyday lors de ses tours de chants. Et dire que Berger avait peur d’aborder des sujets aussi complexes et violents de peur de tomber dans la naïveté. En mettant dans ce texte, toutes les émotions ressenties en regardant reportage sur reportage, il signe un hymne à la liberté d’expression tout simplement magnifique et malheureusement bien souvent encore d’actualité.

Quelque chose de Tennessee par Johnny Hallyday (1985)

C’est en 1985 que la collaboration entre Hallyday et Berger commence. A cette époque, la carrière de Johnny Hallyday n’est plus totalement au top. Qui de mieux que Berger pour cette affaire-là? Auteur-compositeur à succès qui a relancé la carrière de Françoise Hardy et a redonné un souffle nouveau à France Gall. C’est la première fois que la création d’un album de Johnny est confiée à un seul et unique auteur-compositeur. Les artistes s’entendent à merveille et Berger a su capter l’essence de la personnalité de Johnny. C’est ainsi qu’il écrit Quelque chose de Tennessee après que Johnny lui ait raconté combien il avait aimé l’oeuvre Une chatte sur un toit brûlant de Tennessee Williams. Ce single fera partie de l’album Rock’n’roll attitude. Ce sont Berger et Gall qui assurent les choeurs et Nathalie Baye alors compagne de Johnny qui lit quelques lignes du livre en introduction. En 2018, Johnny dira à propos du couple Berger-Gall : « Ils ont réussi à m’apprivoiser, moi, le rebelle. Aujourd’hui, ils font partie de ma famille.  » Tout est dit.

En espérant que l’écoute de ces chansons, quelques-unes seulement piochées dans l’immense répertoire de Michel Berger, vous donnera l’envie de vous plonger ou replonger dans l’oeuvre de l’un des plus grands artistes français, disparu bien trop tôt.

Je vous conseille par ailleurs le livre Michel Berger – une vie en chansons qui retrace la vie de Berger à travers ses chansons, et aussi celui d’Yves Bigot, tout simplement nommé Michel Berger.