Les vacances approchent… et si on commençait à préparer ses valises ? La grande question que tous les lecteurs se pose est : que vais-je bien emmener pour lire ? N’est-ce-pas… Ne pas trop se charger mais en prendre suffisamment pour ne pas manquer. Je vous propose ici une sélection de mes derniers coups de cœur de lectures qui pourront, je l’espère, vous aider. N’hésitez pas à me faire part de vos remarques ou idées de lectures pour vos voyages.
Un trajet court ou une halte suffiront, à moins que vous ne préféreriez le lire et relire plusieurs fois ?
40 pages à peine, avec une police d’écriture large, mais non moins essentiel. Ce n’est pas la longueur d’un texte qui importe selon moi, mais ce qu’il peut dire ou fait surgir à sa lecture.
Un texte court qui parle de sujets que de nombreux longs romans n’abordent jamais : la conscience de classe et la condition d’être une transfuge qui refuse d’oublier ses origines sociales ; le scandale encore et toujours d’être une femme libre aux yeux de certains hommes et d’autres femmes.
Dans ses yeux se reflètent sa jeunesse qui n’est plus, physiquement bien sûr, mais aussi socialement. Il est étudiant quand elle est devenue professeure et écrivaine reconnue. Avec lui, elle est de nouveau cette jeune femme que d’aucun trouvaient effrontée, portant des robes courtes sur les plages normandes, mais elle n’a plus honte désormais d’être libre en tenant la main d’un garçon de trente ans de moins qu’elle.
Encore une fois, avec Le Jeune homme, Annie Ernaux parle d’elle pour mieux parler de nous tous. Un texte bref et irradiant comme peut l’être une passion, celle d’être une femme ou un homme tout simplement.
Vous laisserez-vous emporter par le souffle d’une fresque romanesque ?
Retrouver une fois encore, même si ce doit être la dernière, l’écriture d’Almudena Grandes. Cette grande femme des lettres espagnole nous a quitté en novembre dernier.
S’il s’agit ici de son ultime roman, il n’en est pas moins des plus importants. Cette façon bien à elle de mêler la grande Histoire dans l’intimité de ses personnages s’observe ici avec brio dans Les Secrets de Ciempozuelos, du nom d’un asile psychiatrique près de Madrid des années 50. On y trouve des médecins et des malades troublants ou attachants, mais surtout l’âme d’un pays bafoué, souffrant de la folie du franquisme, qu’elle n’aura cessé d’interroger pour mieux dénoncer et briser le cœur noir fasciste qui bat encore dans l’histoire nationale de son pays.
Il faut lire Almudena Grandes, dont je vous conseille, outre celui-ci, les très beaux Inès et la joie ou encore Le Cœur glacé.
Merci pour elle.
Vous préférez prendre le large pour vos vacances ?
Prenez le cap austral avec Plein Sud ! Pour l’Australie ? Pas tout à fait… Pour le Mexique au XIXe siècle, à l’époque oubliée où ce fulmineux pays d’Amérique latine était français, dirigé par le sbire de Napoléon III. Mais l’intérêt de ce roman n’est pas tant historique qu’épique. Chasse au trésor, exotisme, pirates et flibustiers peuplent ses pages pleines de fureur et de rebondissements. Du grand roman d’aventure comme on n’en fait plus !
J’avais connu Benoît Marchisio avec Tous complices ! un roman dénonçant l’uberisation galopante (qui court toujours) de notre société à travers le portrait agile d’un livreur forcément véloce, que je conseille toujours pour ne plus commander son repas du soir sans savoir… Rien à voir, me direz-vous ? Encore que, on peut y trouver une certaine parenté de valeurs avec les portraits des hommes de pouvoir dans comme le sous-préfet ou encore le spéculateur. Un roman décidément plein de surprises et d’intérêts que nous serez pas près de lâcher !
Vous avez peut-être prévu une cure de digital detox ?
Ça peut faire très mal, Le syndrome du canal carpien. Atteignant généralement les ouvriers manutentionnaires, notamment ceux qui répètent à longueur de temps les mêmes gestes de travail, ou encore les caissières, mais aussi les libraires qui ouvrent des milliers de fois leurs mains pour attraper des objets, des livres dans le dernier cas, laissant s’installer petit à petit une douleur lancinante entre le pouce et l’index qui deviendra au fur et à mesure de plus en plus intense jusqu’à en être insupportable. Mais ce mal peut aussi atteindre les bourgeois, même les plus riches d’entre eux comme dans ce roman littéralement désopilant de John Boyne, déployant une satire de la société médiatique qui fait mouche à travers le portrait d’une famille britannique assez connue mais trop, et surtout obsédée par les réseaux sociaux. Sombreront-ils au syndrome du canal carpien à force de maltraiter leurs pouces sur l’écran de leurs téléphones ? Une chose est sûre, avant de perdre leurs mains, ils auront perdu leur âme.
Arrogants, suffisants et déshumanisés par ce petit bout de métal entre leurs doigts, le téléphone portable va-t-il les perdre ? Ne reculant devant aucune polémique, John Boyne dénonce à peu près toutes les valeurs qui caractérisent ce soi-disant “nouveau monde” qu’il ramène à ce qu’il est réellement : un monde peureux, terré derrière des revendications d’identités à foison, un monde individualiste et étriqué jusqu’à en oublier ce qui nous rassemble : les échanges, la parole, les valeurs communes et nuancées, l’humanité. Comique de situation, running-gags, absurde, grotesque, tout un panel de la comédie au service d’un roman hilarant !
Autant vous le dire, il s’agit pour l’instant de ma lecture coup de cœur de l’année. Irrésistible !
Que diriez-vous d’une plongée en eaux troubles et torrentielles ?
Le corps d’un homme mort est retrouvé sous un pont en plein centre-ville de Parme. Voilà de quoi agiter tout ce que la capitale de plaine du Pô a de médias et d’hommes de pouvoir. Pas de quoi inquiéter le commissaire Soneri à l’allure débonnaire mais non moins réactif quand il s’agit de faire la lumière sur les mystères les plus opaques. Une fois n’est pas coutume, débute pour lui une enquête à contre-courant remontant le cours du torrent tumultueux qui traverse la ville. Il lui faudra remonter au sens propre comme au figuré jusqu’à la source de cette affaire malsaine.
Toujours avec un petit fond social, ici plus écologique, avec La Main de Dieu, Valerio Varesi impose sa patte de grand écrivain italien dans le paysage éditorial français. Un style qui fait penser à Simenon avec un petit côté libertaire. C’est son septième roman publié en français et c’est toujours du grand roman noir !
Etes-vous prêts à poursuivre votre chemin dans le noir incandescent ?
Au plus près des sans-grades, ici des rednecks américains, David Joy nous offre un roman d’une noirceur non moins lumineuse.
Alors qu’un gigantesque incendie menace la région des Appalaches où ils vivent, un père ne sait plus comment sauver son fils de la drogue qui le consume.
Un roman âpre et rude d’une plume précise et généreuse. Du roman noir dans la grande tradition américaine, Nos vies en flammes.
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