Premier genre majeur des littératures de l’imaginaire, le fantastique a conquis le cœur de millions de lecteurs, par ses intrigues surnaturelles à base de monstres, de vampires, de démons ou d’animaux mythiques. De Stephen King à Neil Gaiman, d’Oscar Wilde à Edgar Allan Poe, ce courant a révélé quelques-uns des plus grands écrivains de l’histoire. Voici quelques-uns des chefs-d’œuvre du fantastique.
Le fantastique : un genre à part
Au sein des littératures de l’imaginaire, le fantastique est à distinguer de la fantasy. La fantasy provient en effet des contes de fées, et dans son acception la plus courante, met en scène des légendes renouvelées, autour d’une quête, dans un univers éloigné du nôtre. Un livre fantastique s’inspire lui de notre réalité tangible : le genre regroupe les livres dans lesquels surgit un élément surnaturel dans un cadre quotidien.
Apparu plus particulièrement au XIXe siècle avec les auteurs britanniques et américains, de Mary Shelley à Lovecraft, le fantastique est né avec l’émergence du romantisme, un courant littéraire friand en métaphore spectaculaire et en évocation de la mort et de l’au-delà. C’est en cela que le fantastique représente depuis ses origines un moyen, pour les auteurs, de parler par image. Le vampirisme pour ce qui est de la sexualité, les zombies comme symbole du consumérisme ou les transformations physiques démoniaques pour mieux raconter les perturbations mentales… Autant de manières d’aborder notre existence en faisant appel à un large bestiaire et à un imaginaire souvent développé, qui continue aujourd’hui de nourrir des écrivains contemporains exigeants, tels Stephen King ou Neil Gaiman.
Dracula de Bram Stoker, 1897
La place centrale qu’occupe Dracula dans la littérature fantastique s’explique par son efficacité : en contant les aventures « modernes » d’un ancien roi de Transylvanie devenu vampire, Bram Stoker a réintroduit les démons buveurs de sang dans l’imaginaire collectif. Depuis lors, ce bon Vlad inspire cinéma et auteurs débutants, rôlistes et férus de psychanalystes, grâce à un livre qui inaugure un mythe moderne.
Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, 1890
On l’oublie parfois, mais avant d’être un genre à part entière, la littérature fantastique a séduit de nombreux écrivains pourtant catalogués en « blanche ». Oscar Wilde, dandy des lettres britanniques, a ainsi utilisé un procédé surnaturel pour nourrir le récit du Portrait de Dorian Gray. Le héros éponyme, obsédé par son jeune visage, profite des propriétés « magiques » d’un tableau pour ne faire vieillir que son âme. À travers ce livre sur les apparences, l’un des plus grands écrivains anglais de l’Histoire a prouvé toute la pertinence de l’emploi du fantastique dans un cadre plus intellectuel et philosophique.
Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley, 1818
Les débuts du romantisme littéraire en Allemagne et en Angleterre ont été marqués par la question du surnaturel et de la vraie essence de l’âme. Ce terrain, propice au fantastique, explique l’existence d’un livre comme Frankenstein ou le Prométhée moderne. Dans ce récit, Viktor Frankenstein rassemble des morceaux de cadavres qu’il parvient à « animer » sous la forme d’une créature. Révoltée, moquée par les villageois voisins, cette entité étrange a profondément traumatisé l’imaginaire collectif, en particulier par le biais des nombreuses adaptations cinématographiques qui ont été réalisées à partir de ce canevas toujours aussi passionnant à lire en 2021
L’Étrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde de Robert Louis Stevenson, 1886
La découverte du concept d’inconscient et de volonté propre chez Schopenhauer ou Freud marqua l’Occident. En particulier, les auteurs de littérature fantastique traduisirent les maux de l’âme et autres problèmes psychiatriques dans des œuvres terrifiantes ou mystérieuses. On le remarque notamment dans L’Etrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, dans lequel Robert Louis Stevenson explique la dualité entre Bien et Mal qui voisine dans l’esprit humain, en montrant un cas extrême de double personnalité. Une allégorie qui continue d’être particulièrement efficace, à la lecture du texte original !
Le Horla de Guy De Maupassant, 1886
L’ambiguïté en littérature devait connaître un nouveau progrès à la parution de Le Horla. Nous y découvrons le journal intime d’un narrateur qui semble poursuivi par une créature invisible. Mais sous ce prétexte, Guy de Maupassant emmène les lecteurs vers d’autres explications : celles du trouble psychiatrique, de la démence. Tout au long du livre, le mystère reste entier sur la santé mentale du « héros », ce qui fait la force d’un ouvrage qui eut une grande influence sur le fantastique du XXe siècle, de Lovecraft à Stephen King.
La Métamorphose de Franz Kafka, 1915
Gregor Samsa ne doit pas être du matin : au réveil, au début de La Métamorphose, il se transforme en un immense cafard. Une situation absurde, puisque le jeune employé est encore doté d’une pensée humaine et d’une voix lui permettant de communiquer. L’audace de Franz Kafka consiste à montrer ensuite comment sa famille pourtant dégoûtée accepte à contrecœur de continuer à héberger ce fils « transformé ». Roman moderne, ce cauchemar littéraire existentiel reste l’un des chefs-d’œuvre de son auteur, et un grand classique du fantastique revisité à la sauce métaphysique.
Histoires extraordinaires de Edgar Allan Poe, 1856
Traduites par Baudelaire puis Mallarmé, les Histoires extraordinaires d’Edgar Allan Poe recueillent quelques-unes des meilleures nouvelles fantastiques et policières jamais écrites, comme Le Scarabée d’or et son étrange chasse au trésor ou encore La Vérité sur le cas de M. Waldemar, qui marque les esprits par son caractère « gore » avant la lettre !
Les Montagnes hallucinées de H.P. Lovecraft, 1936
Constitutif de l’univers de Ctulhu, Les Montagnes hallucinées montrent la recherche en Antarctique des vestiges de la civilisation des Grands Anciens, ces créatures horribles qui seraient en sommeil mais prêts à revenir diriger l’humanité. Roman le plus abouti de Lovecraft, ce récit d’expédition contient des pages horrifiques du meilleur effet, et donne aux amateurs de l’auteur des clés pour approfondir le mythe imaginé par l’écrivain américain.
Le Mythe de Cthulhu de H.P. Lovecraft, 1920-aujourd’hui
Un vaste ensemble de textes constitue le Mythe de Cthulhu, œuvre de toute une vie pour H.P. Lovecraft et aussi de quelques auteurs qui ont contribué à donner une suite à ce mythe, comme Clark Ashton Smith ou Fritz Leiber. Autour des Grands Anciens et de l’ouvrage maudit appelé Necronomicon, des nouvelles et des romans mystérieux et effrayants sont à découvrir par les aficionados de fantastique gothique horrifique !
Les Chants de Maldoror de Lautréamont, 1869
Recueil de poésies en prose et ouvrage le plus connu de Lautréamont, Les Chants de Maldoror ne forme pas un roman fantastique, mais plutôt un ensemble de textes relié entre eux par la présence maléfique de Maldoror, mystérieux personnage qui fait le lien entre les différentes parties de ce maelström de sensations et d’images fortes qui restent aujourd’hui un monument, ayant inspiré quantité d’auteurs depuis le surréalisme, époque où Lautrémont fut porté au pinacle avec ce magistral ouvrage.
Les Aventures d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, 1865
Si le merveilleux renvoie davantage à la littérature de fantasy, Lewis Carroll s’est servi du registre fantastique pour écrire un conte de fées moderne. Se déroulant en effet au XIXe siècle, le récit d’Alice de l’autre côté du miroir, suivant le lapin blanc vers une contrée surréaliste, appartient à un genre à part, tant son caractère onirique, nonsensique et coloré ne ressemble à aucune autre œuvre jeunesse de l’époque. Depuis, Les Aventures d’Alice au pays des merveilles reste une lecture indispensable, que l’on souhaite voyager en littérature ou se livrer à une interprétation psychanalytique ou symbolise de cette œuvre éternelle.
Le K de Dino Buzzati, 1966
Outre un conte fantastique allégorique (La Fameuse Invasion de la Sicile par les Ours), Dino Buzzati a écrit de nombreuses nouvelles, notamment recueillies dans Le K. Le récit éponyme nous embarque par exemple à la recherche d’un monstre marin pourchassée toute une vie durant par un pêcheur obstiné. Le fantastique y est léger, mais présent, à l’occasion du dénouement. Bien des textes de l’ouvrage sont à l’avenant et démontrent la subtilité de l’auteur italien et sa maîtrise de styles fort différents.
Kafka sur le rivage d’Haruki Murakami, 2002
Comme l’ont prouvé les films de Miyazaki et nombre de contes, la culture japonaise déborde d’éléments surnaturels propices à faire surgir la poésie et un certain goût pour les créatures de rêve. Kafka sur le rivage appartient à ce courant. À la fois bizarre et émouvant, le récit de Kafka Tamura s’enfuyant de sa maison pour échapper à son père nous entraîne dans un tourbillon de sentiments, notamment lorsque le jeune adolescent est pris sous son aile par Oshima, puis par Nakata, un vieillard parlant aux chats… De quoi nourrir un superbe roman proprement indescriptible, signé du maître Haruki Murakami…
La Peau de chagrin d’Honoré de Balzac, 1831
Si la grande majorité des textes de Balzac appartiennent au réalisme, il a su également tirer du fantastique un parfait support pour ses métaphores philosophiques. La Peau de chagrin (entrée depuis dans le langage courant), nous conte le parcours de Raphaël de Valentin, jeune homme ruiné à qui un antiquaire propose une « peau de chagrin ». Ce textile magique exauce les souhaits, mais diminue à chaque vœu. Gloire, amour, richesse sont à portée du héros, qui va bientôt comprendre quel pacte diabolique l’oblige à cause de son « pouvoir ». À travers ce récit, Balzac parle de la fugacité du désir, des conditions du bonheur et use à merveille du surnaturel léger que lui offre cette incursion dans le fantastique.
Le Tour d’écrou d’Henry James, 1898
Si, des Autres à Sixième sens, les histoires de fantômes exercent une telle fascination, c’est peut-être à Henry James qu’on le doit. Dans Le Tour d’écrou, l’écrivain anglo-américain nous emmène visiter une maison hantée, dans laquelle deux ectoplasmes captivent les deux enfants du lieu. Comme Maupassant, l’auteur joue sur l’ambiguïté entre lecture rationnelle et interprétation surnaturelle de l’œuvre, produisant une inquiétante étrangeté dans le coeur de ceux qui oseront entrer dans ce récit glaçant !
La Vénus d’Ille de Prosper Merimée, 1837
Longue nouvelle inspirée à Mérimée de ses voyages dans les Pyrénées-Orientales, La Vénus d’Ille ne ressemble pas aux autres récits fantastiques de l’époque romantique. Ce texte narre en effet la fascination que provoque l’apparition d’une statue de Vénus sur un village, avant que d’étranges événements, dont un meurtre, ne viennent faire se questionner l’ensemble des protagonistes. Là encore, le fantastique rejoint le récit par petites touches, pour au final faire de La Vénus d’Ille un joli conte sur la nature de l’Amour et de l’engagement, mais aussi sur le pouvoir de la superstition…
La Ligne Verte par Stephen King, 1996
Publié initialement sous la forme d’un « roman-feuilleton », en plusieurs épisodes contenant chacun un cliffhanger final, La Ligne Verte reste l’un des meilleurs romans fantastiques de Stephen King. Autour de la figure centrale de John Caffey, un colosse condamné à mort mais doué d’un pouvoir extraordinaire, l’auteur a bâti un récit plein d’humanité, qui a été brillamment portée au cinéma par Frank Darabont, Tom Hanks interprétant le narrateur (le gardien Paul Edgecombe) et Michael C. Duncan le rôle de John Caffey.
American Gods de Neil Gaiman, 2001
À la frontière de la fantasy, du fantastique et de la chronique sociétale satirique, American Gods a marqué son temps, à la fois grâce au livre de Neil Gaiman et par le biais de l’adaptation en série qui en a été réalisée en 2017.
Suivant le parcours d’un ex-prisonnier rencontrant le Dieu du Tonnerre viking, Odin, cette fresque romanesque nous entraîne dans le conflit entre anciennes et nouvelles divinités. L’occasion pour l’auteur d’écrire un combat titanesque et de montrer les symboles actuels de la civilisation nord-américaine.
