La saga familiale (à ne pas confondre avec la saga estivale diffusée sur certaines grandes chaînes) est un noble genre littéraire, une tradition que l’on retrouve dans le monde entier. À l’occasion de la journée de la famille, retour sur des classiques et des œuvres plus récentes, qui célèbrent, égratignent ou réinventent cette vénérable institution.
Des classiques intemporels
Quand Léon Tolstoï publie Guerre et paix sous forme d’un feuilleton entre 1865 et 1869, il pense que cette œuvre passera complètement inaperçue. Comme quoi, on peut être un très grand écrivain mais un piètre médium. De fait, les 1572 pages de cette auscultation de la bourgeoisie russe à l’époque de Napoléon 1er sont toujours aussi appréciées. Tout romancier désireux de s’essayer à une vaste fresque embrassant toute son époque avec moult détails et d’innombrables personnages se doit de lire et relire ce chef-d’œuvre.
Pour mesurer l’importance des Buddenbrook de Thomas Mann, publié en 1901, il suffit de considérer le fait que le prix Nobel de littérature a été attribué à son auteur en grande partie à cause de ce roman précis, alors qu’en général l’Académie suédoise récompense toujours l’ensemble d’une œuvre. Sous-titré « le déclin d’une famille », c’est le portrait saisissant d’un clan issu de la haute bourgeoisie allemande incapable de s’adapter à l’industrialisation de son environnement. Décidemment, il ne fait pas bon être d’un certain milieu dans les sagas familiales …
Ce que nous confirme l’œuvre majeure de Roger Martin du Gard (un autre prix Nobel), Les Thibault. Publié de 1920 à 1940, cette imposante suite de 8 romans (en tout, près de 2.600 pages) retrace le destin croisé de deux familles (bourgeoises évidemment) pendant la Belle Époque et dans les tourments de la Première Guerre mondiale. Comme ses illustres prédécesseurs, ce roman brille par sa finesse psychologique et sa capacité à dresser le portrait d’une époque (voire d’un peuple) à travers des personnages profonds et nuancés.
Un regard contemporain
Avec son étonnante fresque familiale Désorientale, Négar Dajavadi a secoué la rentrée littéraire 2016. Heureux croisement entre Salman Rushdie (pour ses couleurs, ses odeurs et son côté truculent) et Marjane Satrapi (parce que l’Iran et ce regard tendre et réaliste sur un pays tourmenté) son livre bouleverse, enchante et fascine. Ballotée entre la France et l’Iran, son héroïne Kimiâ revisite ainsi trois générations de sa famille afin de comprendre qui elle est. Un tourbillon identitaire passionnant et enivrant.
Yaa Gyasi raconte la destinée de personnages pris entre deux continents : L’Afrique et l’Amérique. Son étourdissante fresque familiale et historique No Home couvre trois siècles d’histoire ! Des plaines du Ghana aux champs de coton sudistes jusqu’aux buildings de New York, la jeune femme propose un premier roman à couper le souffle. Surtout qu’il s’agit d’une première œuvre. Ambitieux, romanesque, impeccablement documenté, ce livre redonne un souffle épique à la cause « noire » en lui offrant une galerie de personnages authentiques, émouvants et inoubliables.
Cuba, 1963 : un ouragan menace de s’abattre sur l’île, la population est évacuée. Sept femmes se retrouvent ainsi dans l’ancienne demeure du gouverneur. Cloitrées, la tension s’installe entre les femmes, pour tromper l’ennui, la vieille Maria Sirena commence à raconter la fascinante histoire de sa famille. C’est ainsi que démarre Lointaines merveilles, un récit riche en péripéties sur l’île la plus célèbre et la plus méconnue des Caraïbes. Flamboyant et merveilleux portrait de femmes courageuses, ce livre de Chantal Acevedo est avant tout une déclaration d’amour à la parole, aux histoires, à la transmission d’un héritage fragile. L’art du récit y est sublimé par une trame pleine de suspense et un regard pertinent sur l’histoire tourmenté d’un pays qui ne cesse de fasciner l’imaginaire du monde entier.
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