Véritable phénomène populaire sorti durant le mois de juillet 2016, Pokémon Go a su se faire une place sur de nombreux appareils iOS ou Android. Si l’application a perdu de sa superbe depuis, Nintendo entend bien capitaliser sur ce succès et relancer la machine avec un nouveau titre à paraître cet automne sur Switch : Pokémon: Let’s Go!. Une manière de prolonger l’expérience en montant de niveau ? Décryptage.
Pokémon: Let’s Go est désormais officiel depuis quelques semaines et l’on ne peut s’empêcher de lui trouver de nombreuses similitudes avec Pokémon Go, paru sur smartphones depuis bientôt deux ans. Nintendo ne se cache d’ailleurs pas de ces ressemblances. L’éditeur entend faire du titre une passerelle entre les mobiles et la Switch pour les nombreux dresseurs en herbe qui ont utilisé leurs jambes et leur smartphone pour attraper des monstres de poche dans le monde entier. Une utilisation aussi intéressante que stratégique du phénomène, dans le but de faire grossir la base installée de joueurs en convertissant à la Switch ceux de Pokémon Go.
Les premiers pas de Pokémon Go
Pokémon Go, c’est au début de l’histoire un lancement un peu erratique. Annoncée en fin d’année 2015, l’application a finalement été lancée le 5 juillet 2016 dans une poignée de pays seulement. Il s’agissait alors des États-Unis, de l’Australie, mais aussi de la Nouvelle-Zélande, alors que pour d’autres régions du monde, comme la France, il a fallu attendre de longs jours supplémentaires. En raison de problèmes de serveurs, souvent mis en cause durant la courte vie de Pokémon Go, l’Hexagone a vu le titre apparaître le 25 juillet 2016, 20 jours après son premier lancement.
À ce moment-là, ses fonctionnalités étaient encore bien minces. Il s’agissait simplement de chasser des Pokémon en se baladant avec son téléphone, mais aussi de faire tourner des Pokéstop afin de récupérer des Pokéball, des baies et d’autres objets permettant de se faciliter la tâche dans sa carrière de dresseur. Les arènes Pokémon étaient l’autre gros morceau de jeu à sa sortie. On pouvait y déposer ses Pokémon pour garder un point d’intérêt et pouvoir glaner un objet supplémentaire en faisant tourner le Pokéstop qui y était attaché. De quoi faire évoluer son niveau de dresseur afin de gagner des récompenses, mais aussi de rencontrer des Pokémon plus puissants.
Un concept simple, voire simpliste, mais qui a tout de même fait sensation. Sept jours après son lancement, dans les trois pays mentionnés plus haut, on dénombrait déjà 10 millions de téléchargements (d’après les chiffres de Sensor Tower). Et seulement 6 jours après ce même lancement, Pokémon Go rapportait à Niantic la bagatelle de 14,04 millions de dollars. Mieux encore, 19 jours après la parution de l’application sur les plateformes iOS et Android, on comptait plus de 50 millions de téléchargements. Pour comparaison, Candy Crush Jelly Saga a atteint ce palier après 112 jours de présence sur les boutiques d’applis Android et iOS.
Où en est-on actuellement ?
Mises à jour après mises à jour, Niantic a peu à peu affiné son concept, sans toutefois le révolutionner. Le nombre de Pokémon à attraper a ainsi grimpé, intégrant ainsi successivement les générations de monstres suivants Kanto (soit Pokémon Bleu, Pokémon Rouge et Pokémon Jaune). Mais il fallait bien plus pour conserver les joueurs dont l’intérêt commençait à vaciller devant le peu de grosses nouveautés. L’introduction de Pokémon Légendaires en juillet 2017 a par exemple eu pour effet de relancer un peu une dynamique qui commençait à sérieusement s’essouffler.
Parmi les autres évolutions notables, on retrouve également la transformation de certains Pokéstop en arènes. Une bonne manière de combler le désir de nombre de joueurs réclamant un peu plus d’interactions avec l’environnement. Certes, les batailles auxquelles on peut prendre part là-bas ne s’inscrivent pas forcément dans la dynamique des Pokémon canoniques. Il suffit simplement de toucher inlassablement l’écran, puis de lancer une capacité spéciale, ce qui n’a rien de véritablement palpitant à la longue. Mais il s’agit là de la seule mécanique de combat qui soit intégrée dans le soft, au grand dam des irréductibles qui aimeraient voir des vrais combats en joueur contre joueur.
Quant à l’échange de Pokémon, il ne va faire son apparition qu’à partir du 30 juin prochain, dans le cadre du prochain Pokémon Go Summer Tour. Un ajout de taille qui survient en même temps que les listes d’amis et les niveaux d’amitié, qui se cumulent en combattant ensemble ou en s’envoyant des cadeaux. Une vague de nouveautés qui devraient relancer un peu l’engouement autour du jeu. Pour l’heure, on se contente de combats de raids (dans les arènes) qui permettent d’affronter des Pokémon plus solides, pour ensuite les capturer en cas de victoire. On a déjà fait mieux en matière de contenu un peu poussé.
Pokémon Go accueille en outre des événements ponctuels qui constituent autant de bonnes raisons de relancer le titre régulièrement. Le joueur y bénéficie d’une recrudescence de certains types de monstres, ou de bonus d’expérience en cas de capture. Samedi dernier, soit le 16 juin 2018, on pouvait par exemple mettre la main sur Embrylex, qui avait très envie de remplir le Pokédex des joueurs. Avec même à la clé ses évolutions pour les plus dégourdis qui ont enchaîné les captures et accumulé les bonbons Embrylex pour ensuite le transformer en ses formes supérieures. Une mécanique qui se répète régulièrement grâce à des événements saisonniers ou météorologiques. Mais aussi grâce à d’autres événements, soit carrément dédiés à certains Pokémon Légendaires, soit orchestrés par Niantic à travers le monde, comme nous en parlions ici. Un point qui a d’ailleurs valu quelques ennuis au développeur l’an dernier, en raison de la déconvenue du Pokémon Go Fest.
Mais l’une des plus grosses additions à date reste les études de terrain. Ces sortes de quêtes journalières à compléter demandent au joueur de valider des actions régulières telles que l’éclosion d’œufs de Pokémon en marchant, ou encore de faire tourner des Pokéstop. Rien de véritablement novateur en somme. Mais cela a suffi pour que le seul mois de mai dernier voie 4 millions de téléchargements supplémentaires pour Pokémon Go, ainsi que plus de 41 millions de dollars générés, toutes plateformes confondues. Cela montre que malgré le succès des jeux Battle Royale tels que Fortnite ou PUBG, Pokémon Go a encore de la réserve. Notamment aussi grâce à l’annonce d’un titre comme Pokémon: Let’s Go!, qui lui fait une publicité bienvenue.
Pokémon Let’s Go! : ce que l’on sait
Presque remake de Pokémon Jaune, Pokémon: Let’s Go! est le prochain opus de la franchise Pokémon sur une console estampillée Nintendo, à savoir la Switch. Il ne faut toutefois pas y voir un nouveau volet canonique de la série. En effet, il donne plutôt dans le mélange des genres, à mi-chemin entre un Pokémon traditionnel et Pokémon Go. On devrait y rejouer la campagne du Jaune avec la même carte et la même disposition des villes, mais avec des graphismes largement revus. Le résultat en 3D semble d’ailleurs aussi charmant qu’inhabituel pour la licence, d’après les images que l’on a pu voir. On sera également accompagné soit par Pikachu, soit par Evoli selon la version de jeu utilisée (Pokémon: Let’s Go! Pikachu ou Pokémon: Let’s Go! Evoli).
Et plutôt que d’affronter les Pokémon sauvages dans les hautes herbes, comme on en avait jusqu’alors l’habitude, le schéma utilisé est cette fois calqué sur Pokémon Go. Ainsi, les monstres sont apparents dans l’environnement et le joueur peut les défier selon son bon vouloir. Ici, pas question de combattre un Pokémon sauvage avec sa propre équipe de monstres de poche, puisqu’on est simplement chargé d’attraper les adversaires avec une mécanique absolument identique à celle de Pokémon Go sur smartphones. Un réticule de visée se superpose sur le Pokémon sauvage, et plus le lancer est au centre, plus les chances de captures seront grandes (le code couleur indiquant les chances de capture est le même que dans Pokémon Go). Si les Pokémons les plus faibles devraient être immobiles pour nous faciliter la tâche, Nintendo indique néanmoins que plus on avancera dans le jeu, plus ils bougeront. Comme sur la version iOS et Android, il sera possible de lâcher des baies pour amadouer l’opposant.
Dans sa démarche d’attirer les dresseurs en devenir, la firme nippone se permet même de lancer un accessoire annexe, la Pokéball Plus. Il permet de jouer son rôle dans les moindres détails en nous donnant la possibilité de troquer le Joy-Con de la Switch contre cette Pokéball qui peut servir de manette, et d’apporter le légendaire Mew dans son équipe.
Chaque capture rapporte ici de l’expérience à toute l’équipe, et le rendement du Pokémon sauvage est visiblement déterminé par sa taille et son poids. Un bon lancer, avec de l’effet, ou en synchronisation avec un collègue donne également un gain d’expérience en bonus. Car c’est l’une des fonctionnalités les plus intéressantes de Pokémon: Let’s Go! que l’on a pu voir durant l’E3 dernier : la coopération entre deux joueurs. Ce qui nous a aussi permis de constater que le jeu ne devrait pas trop s’adapter à l’intervention d’un second dresseur amené en local : les combats contre les dresseurs ennemis s’en trouveront ainsi largement simplifiés dans leur ensemble.
Nintendo à la croisée des chemins
Cet ajout inédit à la franchise vient prolonger la philosophie de Nintendo : rendre le jeu accessible au plus grand nombre. Que l’on parle de très jeunes joueurs qui ne connaissent pas Pokémon, ou d’autres plus âgés, mais qui ne sont pas très versés dans l’art nébuleux du jeu vidéo, tout le monde devrait y trouver son compte avec la coopération. Les joueurs les plus hardcores, eux, en seront pour un challenge sacrifié sur l’autel du partage. Un autre fait de jeu que l’on a pu observer, et qui vient largement confirmer ceci, est l’impossibilité de rentrer dans la première arène, celle de Pierre, sans avoir au moins un Pokémon de type « plante » ou « eau », qui contrent les types « roche » utilisés par l’ennemi. De quoi sensibiliser les néophytes aux mécaniques de base de la série.
Là où Pokémon: Let’s Go! va un peu plus loin que son tremplin sur mobiles, c’est au rayon des fonctionnalités en ligne. L’échange arrivera très bientôt dans ce dernier, et il sera présent de base sur la mouture Switch, accompagné des combats contre d’autres joueurs online. Des fonctionnalités qui seront disponibles moyennant l’abonnement au service en ligne de Nintendo, évidemment. Du reste, des bonbons récoltables en attrapant des monstres du même type nous permettront d’entraîner les Pokémon en notre possession.
Sans jamais signer la mort de Pokémon Go avec Pokémon: Let’s Go!, Nintendo entend au contraire provoquer l’émulation des deux titres avec la sortie du second. Les compagnons capturés dans la production de Niantic seront transférables dans le volet à paraître sur Switch, directement dans le Go Park, une zone divisée en sections, où l’on pourra retrouver tous les monstres de la première génération (ainsi que leurs formes d’Alola) amenés par ce biais. Plus le Pokémon affichera des points de combat (ou CP) élevés dans Go, plus il sera fort dans sa version transférée sur Let’s Go!. Cela devrait ainsi motiver tous les joueurs à continuer la progression sur les téléphones, mais aussi sur Switch car la capture d’un Pokémon dans Let’s Go! donnera un bonbon correspondant dans Go. De quoi procéder à des évolutions plus facilement.
Stratégiquement, la conception du titre est très intéressante. Elle offre une véritable porte d’entrée vers les opus traditionnels de Pokémon pour ceux qui ont commencé leur carrière de dresseur sur Pokémon Go. Elle permet également aux anciens joueurs de partager leur expérience avec de nouveaux joueurs grâce à la coopération, tout en inculquant les mécaniques principales qui permettent d’évoluer en toute sérénité dans l’aventure. Tout cela en reprenant les éléments connus qui ont fait le succès de Pokémon Go. Cela crée donc une passerelle naturelle d’un support à l’autre. Il ne reste plus qu’à voir si le succès sera au rendez-vous pour la sortie de Pokémon: Let’s Go!, le 16 novembre prochain. Néanmoins, tous les ingrédients sont là pour transformer les fans de Pokémon Go en possesseurs de Switch, et donc préparer le terrain pour l’arrivée du prochain gros jeu Pokémon attendu en 2019.