Critique

« Frankenstein » sur Netflix : le mythe est plus vivant que jamais

07 novembre 2025
Par Robin Negre
"Frankenstein" sur Netflix : le mythe est plus vivant que jamais
©Netflix

Le réalisateur Guillermo del Toro propose enfin sa version éclatante du roman de Mary Shelley, en projet depuis plus de 20 ans, sur Netflix. Critique.

Trois ans après son film d’animation Pinocchio (2022), Guillermo del Toro poursuit sa collaboration avec Netflix et adapte un autre grand mythe de la littérature. Frankenstein, l’arlésienne en projet depuis plus de deux décennies, devient le film somme de toute la carrière de Guillermo del Toro.

Le cinéaste parvient à réaliser, avec ce film, un double exploit : respecter l’œuvre de Mary Shelley tout en s’en éloignant suffisamment pour créer un objet de cinéma profondément lié à ses obsessions.

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 Oscar Isaac dans Frankenstein

Frankenstein est, avec Dracula, un symbole de la littérature gothique toujours aussi fascinant deux siècles après sa publication. Le monde entier connaît l’histoire de Victor Frankenstein, un savant légèrement fou et obsessionnel, qui décide de donner vie à une créature en assemblant plusieurs parties de corps morts et se servant de la puissance de la foudre.

Devant sa création contre nature, Victor s’enfuit et détourne le regard, laissant cet être innocent et enfantin seul face à la violence des hommes. Guillermo del Toro conserve la trame du roman original en explorant l’histoire de Victor Frankenstein d’un côté et celle de la créature de l’autre.

Guillermo del Toro l’a toujours dit : pour adapter le roman Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley, il aurait besoin d’une trilogie ou d’une série. Au final, son Frankenstein se contente de 2h30 très confortables, lui permettant de conserver les éléments essentiels à l’intrigue. Toutefois, le réalisateur a également écarté certaines idées pour ajouter des éléments tirés de sa propre réflexion et de son regard sur le monde.

Humain contre monstre

Le long-métrage, comme à chaque adaptation de Frankenstein, s’accorde en miroir et en opposition. D’un côté, Victor, de l’autre, le monstre, anonyme, qui gagne en rage et en colère à mesure qu’il découvre le monde des hommes. Dans son film, Guillermo del Toro choisit de représenter la créature comme un enfant, puis un adolescent, splendidement interprété par le grand – et touchant – Jacob Elordi.

L’acteur, vu dans la série Euphoria (2019) ou en Elvis dans Priscilla de Sofia Coppola (2023), trouve ici un rôle qui fera date dans sa carrière. Tendre et innocent dans le regard, pathétique – volontairement – dans la posture et le mouvement, il se transforme en géant plein de colère et d’une violence inouïe à mesure que l’intrigue avance. Jacob Elordi offre ainsi au protagoniste toute la profondeur et la complexité qui sont les siennes, grâce notamment à sa relation avec le personnage incarné par Mia Goth (MaXXXine).

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Mia Goth et Jacob Elordi dans Franckenstein de Guillermo del Toro

Face à lui, Oscar Isaac épate par son arrogance et sa couardise, bien que Guillermo del Toro décide d’effacer l’aspect plus obsessionnel et fou du savant. Plus sage, plus intériorisé, plus en retrait par moments, Victor Frankenstein tient ici le rôle d’un père absent. Le film interroge d’ailleurs constamment le thème de la parenté, de l’éducation, de l’inné et de l’acquis, tout en posant l’éternelle question : qui est l’humain et qui le monstre ?

Les deux personnages se répondent, s’affrontent, se questionnent et évoluent à travers la haine et l’amour, pour qu’au final Frankenstein soit la somme de leur vie et de leur expérience, tels Jekyll et Hyde liés par le destin.

Le film gothique par excellence

Si ses personnages principaux offrent au récit son moteur et son cœur, Guillermo del Toro fait de son film une représentation fascinante et hypnotique du cinéma gothique. Que cela soit dans la direction artistique, les décors, les costumes ou la mise en scène, le cinéaste insuffle à son long-métrage une beauté morbide saisissante.

Là encore, le réalisateur de Crimson Peak (2015) ou de La forme de l’eau (2017) semble offrir l’expression visuelle la plus aboutie de son imagination, tant le film est splendide. Sa créature est, à ce titre, imaginée d’une façon unique, sortie d’un tableau de maître et retrouvant son lien avec l’anatomie du corps humain. Si quelquefois le cinéaste se repose trop sur les dialogues ou l’explicatif, les moments de silence, les instants suspendus les plus symboliques ou métaphoriques rappellent pourquoi Guillermo del Toro est l’un des plus grands réalisateurs contemporains.

Bande-annonce de Frankenstein de Guillermo del Toro

 Après Pinocchio, il semble être le seul cinéaste de renom, sur Netflix, à être en mesure de signer sur la plateforme des films largement au niveau de ses plus grands chefs-d’œuvre sortis au cinéma.

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Frankenstein est une réussite, un film somme qui vient confirmer une carrière passionnante, une arlésienne qui arrive à s’imposer malgré l’attente, malgré le fantasme et malgré le monument auquel l’artiste s’attaque. Il redonne vie au mythe de Frankenstein de la plus belle des façons, tout en représentant un apogée dans la carrière du cinéaste. Une évidence même, tant la rencontre devait avoir lieu. Immense.

Frankenstein, de Guillermo del Toro, avec Jacob Elordi, Oscar Isaac, Mia Goth et Christoph Waltz, 2h30, sur Netflix le 7 novembre 2025.

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