Brillante vocaliste à l’expression enchanteresse et théâtrale, à mi-chemin entre égérie sixties et crooneuse orientale, Sarah Maison publie « Divad », son premier album. Nous avons interrogé cette artiste passionnante sur son parcours, ses inspirations et son univers.
Elle est apparue dans nos radars en 2018 avec une magnifique relecture de l’emblématique chanson de Léo Ferré (La Nuit). La chanteuse et musicienne Sarah Maison, après une mise en bouche convaincante (deux EP auto-produits) livre aujourd’hui Divad, son tout premier album. Après de longues années de travail et cette forme d’artisanat qui lui va bien, c’est l’excellent label indie-rock belge Capitane Records qui accueille ses nouveaux titres, ses bons mots (en français) et ses riches influences.
Une certaine maturité musicale, des arrangements luxuriants et une identité forte traduisent l’accomplissement d’un travail savamment mûri au fil de ce qui est pourtant une jeune carrière.
La chanson aux accents méditerranéens qui caractérise l’univers de Sarah Maison tisse d’heureux liens entre cette French pop aux couleurs d’hier et des vibrations orientales chaleureuses et tournoyantes que l’on pourrait trouver dans un bon vieux maxi de disco. Guitare surf, basse funky, orgue farfisa ou derbuka : même combat !
Certains se souviendront peut-être de Western, l’un de ses rares singles à avoir eu l’appui de quelques radios nationales il y a quelques années. Un titre qui nous donnait déjà très envie d’en avoir plus.
Des embruns folk, des grooves magnétiques ou encore ce halo cinématographique qui offre à l’auditeur une passerelle sur laquelle la ballade prend définitivement des airs de grand voyage. Vous allez non seulement en prendre plein les oreilles, mais aussi plein les yeux.
En attendant ses prochains concerts, nous avons interrogé Sarah Maison sur cet album très réussi et son parcours.
Comment êtes-vous entrée dans le monde de la musique, de la chanson ? Autodidacte, Conservatoire ou besoin vital d’expression artistique ?
J’ai commencé la musique à l’adolescence, après avoir fait des reprises de mes groupes préférés de l’époque, je me suis rendue compte que j’avais tout à portée de main pour écrire les miennes : une guitare, une bonne culture musicale, la croyance profonde que j’avais quelque chose à dire et une voix.
J’ai pris quelques cours de guitare mais j’ai vite abandonné, j’ai un rapport autodidacte aux instruments. J’ai fini le lycée et j’ai intégré la prestigieuse école d’art de Nice, la Villa Arson. J’ai commencé à faire mes premiers concerts dans des bars de la ville, des vernissages. C’était très formateur. Une fois mon master en poche je suis venue m’installer à Paris pour me consacrer pleinement à la musique. Je traînais dans les concerts et c’est comme ça que j’ai rencontré le collectif de La Souterraine.
Vos chansons nous emmènent quelque part entre le charme désuet ou groovy de chanteuses des sixties (comme François Hardy, Joan Baez, Nancy Sinatra, Dusty Springfield…) et ces vibrations orientales qui singularisent votre musique. D’où est-ce que tout ça vous vient ? Est-ce le fruit de vos références culturelles, musicales ?
Ma culture musicale est un savant mélange entre ce que j’écoutais avec mes parents, ce que j’ai découvert de mon côté, avec mon frère, sur internet, dans des magazines comme Rock & Folk… J’ai un goût prononcé pour les chanteuses réalistes, la chanson française classique, les yéyés, la variété française, la grande musique arabe, les productions des années 60, 70 et 80, tous pays confondus – mais principalement l’Europe, les USA, le Liban, l’Iran, l’Egypte -, le rock, la bossa nova, la pop et la disco. On retrouve tout cela dans ma musique. Je suis traversée par plusieurs souffles.
Quels d’albums ou d’artistes ont inspiré et influencé votre travail ?
Mes chocs esthétiques de l’adolescence ont été les Ramones, Frank Zappa, Soft Machine, Kevin Ayers, Robert Wyatt, j’aimais l’humour et la liberté que l’on trouvait chez eux. Puis Christophe, Alain Bashung… Pour mon album Divad, mes références étaient le groupe égyptien Al Massrieen, Amanda Lear, Suicide, Najat Al Saghira pour ne citer qu’eux.
A l’heure des controverses sur l’I.A dans la production musicale, vous avez mis presque 10 ans à élaborer Divad, votre premier album. Le temps long, c’est un choix ou une certaine réalité logistique, économique, humaine ?
Il y a dix ans, j’arrivais à peine à Paris, je n’avais qu’une petite expérience dans la composition et l’écriture de chansons, je découvrais la production sur ordinateur. J’avais seulement l’idée que je souhaitais délaisser mon style folk pour quelque chose de plus hybride donc disons que je ne vois pas les choses comme un choix de prendre son temps, simplement de vivre et d’apprendre son métier.
Si vous saviez tout ce qu’il faut gérer quand on est en auto-production ! Il y a bien sûr la partie économique qui ralentit tout, mais aussi le désir de faire les choses bien, de rencontrer les bonnes personnes, de se relever quand on a rencontré les mauvaises…
Vous faites le choix de sortir votre album dans un format « physique ». C’est important pour vous ?
Oui, oui et oui ! Le format physique est important pour moi car c’est une véritable extension de mon univers, je suis très fière d’avoir pu produire des vinyles.
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Vos univers visuels et musicaux sont très riches, loin d’un certain minimalisme en vogue dans la chanson francophone. Retrouve-t-on cet univers lors de vos prestations live ?
La partie visuelle est très importante pour moi. Pour les singles de cet album je me suis entourée de réalisatrices dont j’aime énormément le travail (Laurens Saint-Gaudens, Agathe Lartigue, Diane Sagnier), leurs projections sur les chansons étaient très justes et m’ont emmenée ailleurs.
Petit à petit, le live est devenu une opportunité pour prolonger cette théâtralité en effet, j’ai travaillé avec le metteur en scène et styliste Nissim Tretiakov pour imaginer un « solo show » qui dévoile ce côté diva déjà présent mais qui s’assume plus jour après jour. Il y a beaucoup d’humour dans mon projet et le live permet de le mettre en lumière.