Critique

Les derniers jours de l’apesanteur de Fabrice Caro : chronique de l’adolescence

16 août 2025
Par Lisa Muratore
Les derniers jours de l’apesanteur de Fabrice Caro : chronique de l’adolescence
©Shutterstock

Fabrice Caro est de retour avec un nouveau roman, un an après Fort Alamo. Baptisé Les derniers jours de l’apesanteur, il nous plonge dans les méandres adolescents, entre humour, cynisme et tendresse, à quelques mois du bac de Daniel, son nouvel outsider.

Bédéiste, musicien, auteur… Fabrice Caro a plusieurs casquettes. En cette rentrée littéraire, c’est celle de romancier que l’artiste a choisi de porter. Le dessinateur derrière les deux derniers volumes d’Astérix présente son nouveau livre : Les derniers jours de l’apesanteur, chez Gallimard. Il y raconte la dernière année de lycée de Daniel. Au fil des pages, les lecteurs naviguent à travers les pensées du jeune homme entre chagrin d’amour, cours particuliers de mathématiques et première soirée de beuverie et de roulage de pelles.

Sans aucun temps mort et avec beaucoup d’humour, Fabcaro raconte ainsi « la meilleure période de notre vie en même temps que la pire ». Une formule qui pourrait bien résumer ce livre-hommage à l’adolescence dans ce qu’elle a de plus terrifiant, mais surtout de plus excitant.

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En s’inspirant de sa propre vie, l’auteur embarque ses lecteurs et lectrices à la fin des années 1980 : le mur de Berlin vient de tomber et les hormones sont en folie. Daniel, qui passe ton temps avec Justin et Marc – ses deux meilleurs amis – n’a en tête que l’image de son ex-copine, Cathy Mourier et il tente, tant bien que mal, de préparer son bac.

Une oeuvre « Fabcarienne »

Avec ce nouveau roman, Fabrice Caro offre une radioscopie de l’adolescence, à l’image de ce que présentait Riad Sattouf avec son premier film, Les beaux gosses (2009). L’analogie cinématographique n’est d’ailleurs pas très loin, puisque Fabcaro opère dans un style proche du 7ᵉ art. Sans jamais tomber dans le piège d’une description ou de dialogues trop étouffants, l’auteur offre une narration inspirée du grand écran, deux ans après avoir raconté les coulisses d’un film dans Journal d’un scénario (2023, Gallimard). En décrivant avec simplicité et justesse ses personnages et leur rapport, l’auteur imprime, sous forme de mots, des images.

Les gestes et paroles de ses protagonistes en deviennent ainsi plus fluides, raison pour laquelle Les derniers jours de l’apesanteur ne propose aucun chapitre. Si cela peut surprendre au début, il en ressort un véritable plaisir de lecture, riche et naturel, dans lequel on retrouve une galerie de personnages hauts en couleur, drôles et authentiques, malgré quelques clichés.

Avec une grande liberté et une intelligence retorse, Fabcaro offre aussi un roman imprégné d’un humour aussi humble que cynique au pouvoir identificateur très fort. On replonge ainsi avec plaisir dans les affres de l’adolescence. Cette apesanteur ; un moment suspendu dans le temps qui opère, à la lecture, comme une véritable madeleine de Proust.

Alors que les fans attendent avec impatience les prochaines aventures d’Astérix, Fabrice Caro propose avec Les derniers jours de l’apesanteur une œuvre dans la continuité de son parcours. Celui qui se disait « obsédé par le fait de ne pas quitter l’enfance » sur les ondes de Radio France, donne à lire, ici, son dernier testament. Ce grand-enfant a fait de cet âge d’or la source de son œuvre, sans jugement, mais toujours à travers un absurde mordant et clairvoyant.

À travers les yeux et les pensées de Daniel, l’auteur transpose sa propre expérience et s’amuse du passé avec nostalgie et gourmandise. Grâce à ce mécanisme, même les moments les plus durs d’une vie trouvent une certaine légèreté, notamment grâce à Daniel, son nouvel outsider, un symbole également récurrent de l’univers « Fabcarien ». L’auteur a, en effet, toujours eu à cœur de mettre en avant des antihéros. Que ce soit dans Zaï zaï zaï zaï (2015), son plus grand succès, Le steak haché de Damoclès (2005), sa première bande dessinée, et maintenant dans Les derniers jours de l’apesanteur, Fabrice Caro s’est toujours pris de tendresse pour des bras cassés sociaux ; une figure emblématique de son univers dans lequel l’auteur insère ses propres questionnements, angoisses et plaisirs.

Les derniers jours de l’apesanteur peut, en effet, s’apparenter à une œuvre quasi autobiographique, célébrant l’adolescence dans ce qu’elle a de plus beau et de plus terrible. Grâce à une verve simple, efficace, fluide et mordante, l’artiste offre un roman pépite, fidèle à son univers et à son ton. Les derniers jours de l’apesanteur est à découvrir depuis le 14 août en librairies.

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Article rédigé par
Lisa Muratore
Lisa Muratore
Journaliste