Critique

Good American Family : que vaut cette série inspirée d’une histoire vraie glaçante ?

15 avril 2025
Par Catherine Rochon
Good American Family : que vaut cette série inspirée d'une histoire vraie glaçante ?
©Hulu

Une orpheline vulnérable, une famille modèle, une histoire vraie tordue à souhait. « Good American Family », diffusée depuis ce 16 avril sur Disney +, promettait un thriller psychologique haletant. Mais la mini-série se cherche et finit par nous perdre.

Kristine (Ellen Pompeo, échappée de Grey’s Anatomy) et Michael Barnett (Mark Duplass, parfait en mari un brin benêt) semblent tout droit sortis d’une publicité aseptisée : ils sont d’une gentillesse doucereuse, élèvent leurs trois enfants sans jamais hausser la voix. Une famille de « bons Américains », bien sous tous rapport, limite un peu niaise, comme figée dans la naphtaline. Pourtant, le couple modèle va voir cette vie (en apparence) parfaite basculer lorsqu’il va adopter la jeune Natalia Grace (excellente Imogen Faith Reid dont c’est le premier rôle), une orpheline ukrainienne atteinte d’une rare forme de nanisme. L’agence d’adoption est louche, mais les Barnett semblent ignorer les nombreux red flags qui s’agitent autour d’eux, charmés par la voix fluette de Natalia.

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Ellen Pompeo et Mark Duplass dans Good American Family

Alors qu’ils ramènent la fillette de 7 ans chez eux, les choses vont progressivement se détraquer. Natalia pique de violentes colères, enchaîne les caprices, mutile les peluches de son frère adoptif, cache des couteaux sous son lit. Et elle réclame à cor et à cri son « daddy » tout rejetant sa « mommy ». Celle-ci en vient à douter : quelque chose cloche.

Et si la petite Natalia Grace n’était pas celle qu’elle prétendait être ? Et si elle était en réalité une adulte, sociopathe de surcroît ? Cette psychose va peu à peu craqueler le vernis lisse du cocon familial, précipitant la dislocation du couple.

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Une affaire trouble

La série Good American Family, tirée d’une histoire vraie datant de 2010, retrace la lente plongée dans la paranoïa de la famille Barnett. D’autant qu’un an auparavant sortait le film d’horreur Esther (The Orphan), basé sur un twist glaçant (une jeune femme de 23 ans se faisant passer pour une petite fille). Rongés par le doute, les Barnett finiront par abandonner Natalia Grace un an plus tard, après avoir obtenu une ordonnance du tribunal modifiant légalement son année de naissance de 2003 à 1989, faisant d’elle une personne majeure.

Une procédure judiciaire sera ouverte contre les parents adoptifs en 2019, les accusant de négligence envers une personne à charge. Michael Barnett sera acquitté et les charges contre Kristine abandonnées. Une affaire trouble, qui n’aura pas manqué de fasciner les médias, faisant (entre autres) l’objet d‘un documentaire sur Discovery.

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Natalia Grace, incarnée par l’actrice Imogen Faith Reid

Une narration alambiquée

Dans cette mini-série diffusée sur Disney+, la créatrice Katie Robbins (The Affair) tente d’alterner les versions des Barnett et de Natalia, afin d’offrir un point de vue nuancé à cette histoire complexe. Et c’est peut-être là que sa série pèche. Oscillant entre satire grinçante, approche sensationnaliste et thriller, le show ne parvient jamais à trouver son juste équilibre et son ton. Faudrait-il avoir peur ? Rire des Barnett ? Les mépriser ? Avoir pitié de Natalia ? Nous voilà ballottés émotionnellement tout au long de ces huit épisodes déroutants, sans qu’une morale claire ne se dégage – et ce, malgré la volonté affichée de la showrunneuse d’offrir la perspective de Natalia, aujourd’hui âgée de 21 ans.

« Il y a beaucoup à dire sur son expérience et sur son impact sur la société. Je pense que ce qui est arrivé à Natalia ne serait pas arrivé si elle n’avait pas été atteinte de nanisme, si elle n’avait pas eu de handicap, et si les gens n’avaient pas fait de suppositions basées sur les schémas de croissance des personnes de taille moyenne », a ainsi déclaré la créatrice Katie Robbins à Deadline.

Au final, Good American Family aurait gagné à explorer plus en profondeur le sous-texte de ce sinistre fait divers : celui d’une fillette en situation de handicap, victime de maltraitance et instrumentalisée. Le potentiel critique est là, latent, mais jamais totalement exploité. Et la mini-série reste prisonnière d’un récit trop frontal, sans parvenir à proposer une réflexion véritablement incisive sur les rapports de pouvoir, le voyeurisme médiatique, et la tendance à réduire les personnes vulnérables à de simples objets de fascination ou de répulsion.

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