
Entre une collab mode (Patou x Barbapapa), une ligne d’objets dérivés dans les boutiques du musée du Louvre (BarbaLouvre) ou encore une flopée de mèmes hilarants sur les réseaux sociaux (#barbatrend), les Barbapapa reviennent en force. Comment expliquer une telle longévité, plus de 55 ans après leur création ?
« La barbatrend a envahi tout mon barbatiktok ! », peut-on lire sur X (ex-Twitter) ou encore sur TikTok, « Moi qui mets de la babacrème solaire pour ne pas avoir de barbarides et rester barbafraîche » en légende à un mème tiré de l’univers des Barbapapa.
La Française Annette Tison, architecte de formation, et son mari américain Talus Taylor, biologiste, auraient-ils seulement pu imaginer que leurs créatures, nées en 1970 sur le coin de table d’un restaurant parisien, après une balade au jardin du Luxembourg, traverseraient ainsi le temps et les technologies pour se voir aujourd’hui détournées avec humour sur les réseaux sociaux ? À vrai dire, probablement. C’est même ce à quoi Talus Taylor les destinait.
« Mon père suivait beaucoup l’actualité et s’intéressait aux nouvelles technologies », se souvient sa fille Alice Taylor dans Le Parisien en 2020. Il voulait que ses personnages traversent le temps. » Force est de constater qu’il a été largement exaucé. Après avoir fait le tour du monde sur papier, sur écrans (petits et grands), voilà les Barbapapa repris avec dérision sur les réseaux sociaux par la génération Z.
Une famille moderne
« Comme une fleur, Barbapapa est né dans un jardin. (…) Il est très gentil et tout le monde l’aime bien. (…) Il est toujours prêt à rendre service. » Ainsi présente-t-on Barbapapa sur la page d’accueil du site officiel, douce et sympathique créature rose, d’une simple formule (« Hulahup barbatruc ! ») de prendre n’importe quelle forme. Tout comme sa petite famille : la jolie Barbamama, tout de noir vêtue, et leurs sept enfants. On retropuve ainsi la verte et musicienne Barbalala, la violette et coquette Barbabelle, la cérébrale et orange Barbotine, le sportif rouge Barbidur, le savant bleu Barbibul, l’ami des animaux tout jaune Barbidou et enfin l’artiste Barbouille aux hirsutes poils noirs.
Un papa rose et une maman noire… Voilà des parents qui, au beau milieu des années 1970, envoyaient déjà valser les codes couleurs genrés. À leurs enfants, et ceux des autres, ils prônent bienveillance et tolérance, écoute et respect de l’autre, entraide et égalité. Il en va ainsi chez les Barbapapa : des écolos pacifistes avant l’heure. Doux protecteurs des animaux, « militants » de la mise au vert face à une urbanisation galopante et polluante.
Vive la barbavie à la campagne
Au départ chassés de leur quartier promis à la démolition, les Barbapapa se retrouvent relogés dans une cité – un de ces « grands ensembles » très en vogue en France entre les années 1950 et 1970. « Des immeubles identiques sans ornementation, sans espace vert (…) des appartements tristes où règne la monotonie », peut-on lire dans La Maison de Barbapapa, troisième album de la série jeunesse culte, publié en 1972.
Aussi toute la famille multicolore décide-t-elle de prendre la clé des champs pour s’installer à la campagne. Et l’architecte Annette Tison d’imaginer alors pour loger ses personnages une maison aux antipodes des canons de l’urbanisme de l’époque. Une incroyable maison en bulles, inscrite dans son environnement, à l’instar des Domobiles, ces maisons évolutives en plastique pensées par l’architecte suisse, libertaire et humaniste Pascal Haüsermann. De quoi susciter rêve et imagination !
Face au règne de plus en plus écrasant des machines et des buildings, les Barbapapa aspirent à une autre ville, une autre façon d’habiter la Terre. On ne peut pas faire plus actuel.
Des mèmes de barbafans
Une famille résolument moderne à l’inextinguible et contagieuse bonne humeur, leur univers aux couleurs pop acidulées : voilà ce qui rend les Barbapapa indémodables. Mais cette éternelle jouvence, ils la doivent aussi et surtout à leur plasticité à toute épreuve. À cette précieuse capacité à pouvoir s’adapter rapidement aux situations les plus diverses en changeant de forme à volonté.
Watch on TikTok
De quoi leur permettre d’épouser les mutations successives de notre société, jusqu’à se voir consacrer un Doodle par Google en 2015 à l’occasion de leurs 45 ans. Ou jusqu’à venir, dix ans plus tard, jouer les mèmes avec la génération Z sur Insta, X et autre TikTok. Le monde change, les Barbapapa demeurent.