Sorti ce 15 novembre 2024 dans les bacs, « From Zero » marque la nouvelle ère musicale du groupe après sept ans d’absence.
From Zero est spécial à plus d’un titre. Dans un premier temps, il s’agit du retour d’un groupe emblématique des années 2000, Linkin Park, qui doit faire face à la perte de son chanteur principal, Chester Bennington, décédé en 2017. Ce nouvel opus marque donc l’arrivée d’une nouvelle chanteuse, Emily Armstrong – qui fait forcément face à la comparaison –, marquant le renouveau du groupe plus de 25 ans après ses débuts.
Comment Linkin Park aborde-t-il ces années 2020 avec son héritage et son histoire ? En s’offrant, tout simplement, un nouveau départ. From Zero n’est pas un album sur le deuil, mais bien un album sur les nouvelles histoires.
En écoutant From Zero, il serait facile de surinterpréter chaque morceau et chaque texte pour y voir un message caché autour de la disparition de Chester Bennington. Pourtant, From Zero semble moins cryptique que cela.
Si l’idée est de repartir de zéro et de lancer une nouvelle ère, l’album peut se concevoir comme le revival d’une formation retrouvée, recomposée et, de fait, renouvelée. Linkin Park a forcément conscience du poids du passé et, plutôt que d’y revenir, le groupe choisit de continuer son chemin avec sa nouvelle identité.
Se souvenir et créer
From Zero, premier album du nouveau Linkin Park ? Sept ans après l’émouvant et surprenant One More Light – qui lançait réellement le groupe dans une direction innovante – From Zero ressemble plus aux premiers disques du groupe. Hybrid Theory et Meteora ne sont jamais bien loin, et l’identité de Linkin Park demeure. Aux jeux des ressemblances et des hommages, quelques titres font ressurgir les débuts de Linkin Park.
La construction et la libération vocale de la chanson Two Faced semblent calquées sur Figure.09. Le bruitage tout aussi emblématique de Linkin Park, celui du « disque qui saute », revient également à plusieurs reprises, rappelant d’autres titres de Meteora ou d’Hybrid Theory, donnant la furieuse envie de ré-écouter Papercut, With You, By Myself ou Don’t Stay.
La sensation pourrait être paradoxale. Un nouveau départ qui renvoie aux origines du groupe de musique. La démarche de Linkin Park empêche From Zero de tomber dans la simple nostalgie : la formation de Mike Shinoda cite ses anciens succès pour créer autre chose, pour avancer. La référence n’est pas la finalité et l’inverse aurait été fatal pour le groupe.
Emily Armstrong s’impose sans remplacer Chester Bennington
Aux côtés de Mike Shinoda (qui délivre ses textes avec le même flow addictif qu’il y a 20 ans), Emily Armstrong a la lourde tâche de devenir la chanteuse principale du groupe. Elle se confronte au souvenir toujours aussi vif de Chester Bennington. Si le groupe rappelle à chaque occasion qu’elle n’est pas là pour remplacer Chester, et que personne ne le peut, la comparaison est automatique, surtout lorsqu’Emily Armstrong s’approche du style inimitable de Chester Bennington, montrant à quel point l’artiste avait une justesse incroyable dans la voix, qu’il hurle, murmure, ou chante avec une sensibilité toujours aussi touchante.
La transition, lors des premiers morceaux, se fait dans la douleur. Quand Emily Armstrong tente de copier la façon de chanter de Chester Bennington (surtout dans le cri), le rejet n’est pas loin. Puis, la transition se fait, et la chanteuse arrive à s’imposer. Par la force, par la résilience, par la persévérance, elle crée son identité et s’accorde avec Mike Shinoda. Quand Emily pose sa voix selon son propre style, le miracle a lieu.
C’est finalement elle qui symbolise au mieux cette idée de nouveau départ et de revival. Elle ne s’excuse pas d’être là – et n’a pas à le faire –, affirme son style et sa posture, tout en ayant conscience de ce qu’il y a eu avant elle. Si From Zero est le premier pas sur un nouveau chemin, Emily Armstrong en est en quelque sorte celle qui indique la direction.
Entre chansons mêlant pop, rock et rap, morceaux plus metal et titres expérimentaux s’essayant à de nouveaux sons, From Zero ne se limite pas à un seul genre musical. Cela a toujours été la force de Linkin Park : mélanger les genres et les styles pour, in fine, créer le sien. From Zero parvient à conserver cette approche, avec des sons parfois très violents (Casualty, la chanson « cri » d’Emily Armstrong), ou plus doux (le très réussi Good Things Go, qui conclut l’album).
Quand les morceaux prennent le temps de se construire, en variant le rythme, la mélodie et en proposant des refrains solides et des ponts puissants, le résultat fonctionne. C’est le cas notamment de Heavy is the Crown, Over Each Other ou du saisissant Stained. À l’inverse, quand les titres apparaissent trop rapides ou brouillons, le résultat peut en devenir frustrant. Aux premières écoutes, Casualty et IGYEIH ne fonctionnent pas.
Il ressort en tout cas de ce From Zero une certaine fureur, une énergie libérée – probablement contenue par plusieurs membres du groupe pendant des années – et une richesse musicale permettant d’être tour à tour exalté, ému, ou de tout simplement de vibrer en rythme.
Novembre 2024. Un album inédit de Linkin Park résonne pendant plus de 30 minutes. L’idée semble impossible, incongrue. La nostalgie saisit instantanément ceux qui ont grandi et connu le groupe à ses débuts. Puis, la formation rappelle que les choses sont différentes, que l’idée est d’avancer, tout en conservant une identité venue tout droit du passé. L’équilibre est délicat, subtil et offre déjà à From Zero ses lettres de noblesse. L’album sera-t-il néanmoins en mesure de résister à l’épreuve du temps pour devenir un incontournable du groupe ?
S’il est évidemment trop tôt pour répondre, le groupe parvient à créer quelque chose d’intéressant : en quelques écoutes seulement, l’envie de (déjà) revenir aux morceaux se ressent. Tout comme l’envie de ressortir Hybrid Theory, Meteora, Minutes to Midnight et de lancer In the End, Numb ou What I’ve Done. Ne pas se renier, mais ne pas se perdre dans une nostalgie ou une peine inconsolable. Linkin Park est bien de retour, encapsule son passé et toute la richesse qu’il contient, et crée sa nouvelle histoire. From Zero pose les bases, la suite ne demande qu’à s’écrire.
À lire aussi