Entretien

La comédie musicale « Les Misérables » : pourquoi c’est culte ?

21 octobre 2024
Par Alexia
La comédie musicale "Les Misérables" : pourquoi c'est culte ?
©DR

Alors que le Châtelet s’apprête à accueillir une nouvelle version des « Misérables », la comédie musicale d’Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg, un ouvrage vient explorer l’amitié des deux créateurs. On en a profité pour rencontrer le spécialiste Rémy Batteault. L’occasion de parler du livre d’entretiens qu’il a menés mais aussi et surtout d’une œuvre star bien au-delà de nos frontières…

Les Misérables en comédie musicale : quelles sont les origines ?

Tout a commencé en Angleterre lorsque Alain Boublil assiste à une représentation de Oliver! L’univers de Dickens, brillamment adapté en musical par Lionel Bart, provoque un choc : en parallèle du spectacle qu’il voit sur scène s’invitent dans sa tête les personnages des Misérables. Gavroche est un pendant de Artful Dodger, les Thénardier surgissent en miroir de Bumble et Corney… C’est une épiphanie pour l’auteur dont l’enthousiasme est partagé par son complice compositeur. En 1980, le double album se vend très bien, le spectacle mis en scène par Robert Hossein se joue à guichets fermés au Palais des Sports (actuel Dôme de Paris) pour une période limitée et puis… plus rien. Il faudra attendre 1985 pour que Les Misérables renaissent et connaissent un triomphe sans pareil.

Qui est ce fameux duo « Boublil et Schönberg » ?

Les deux hommes, s’ils viennent de milieux très différents, ont tous deux dans leur jeunesse eu le souhait de venir à Paris. Alain Boublil quitte Tunis, Claude-Michel Schönberg Vannes. Ils travaillent l’un et l’autre dans le monde de la variété française, le premier chez Vogue, le second chez Pathé-Marconi, mais ne se rencontreront que quelques années après leur début, après qu’Alain ait entendu une chanson écrite par Claude-Michel en 1967, Tous les jours à quatre heures. Interprétée par Patricia, elle raconte la vie monotone d’une jeune fille. Les paroles et la musique sont très évocatrices et correspondent parfaitement à ce qu’aime Alain : qu’un titre raconte une histoire. Ils ne vont pas collaborer tout de suite, puisque leur première tentative musicale, La Révolution française, ne verra le jour qu’en 1973. Animés tous deux par un amour indéfectible pour la comédie musicale, West Side Story restant leur œuvre de référence, ils mettent leurs connaissances en commun et, mus par une passion indéfectible, écrivent cet opéra rock (le duo est complété par Raymond Jeannot à la musique et Jean-Max Rivière pour les paroles).

Quelle est la singularité des Miz dans l’histoire de la comédie musicale ?

La première est liée à la recréation de l’œuvre en Angleterre, sous l’égide du producteur visionnaire Cameron Mackintosh. Plutôt que se contenter d’acheter les droits, il a convié Alain et Claude-Michel à participer à cette version et ce, à tous les stades artistiques. Cela leur a permis d’intégrer un monde où la comédie musicale est prise au sérieux. Ce fut un apprentissage hors pair avec des collaborateurs qui les ont immédiatement considérés comme faisant partie des leurs.

La seconde est la longévité du spectacle puisque, l’an prochain, Les Misérables fêtera leurs… 40 ans dans le West End. En matière de longévité, The Fantasticks détient le record, mais il s’agit d’un spectacle off-Broadway qui n’a rien à voir avec l’ampleur du show inspiré par Victor Hugo et vu par plus de 130 millions de spectateurs à travers le monde ! De quoi vous donner le tournis.

Comment expliquer un tel succès à l’étranger mais pas en France ?

Si le théâtre musical possède une histoire très riche dans notre pays, un tournant a été marqué avec l’époque des opérettes. Je fais référence ici à celles de Francis Lopez et consorts, qui ont enfermé le genre dans une ringardise surannée, en rompant avec un public jeune, là où, dans les pays anglo-saxons, le genre musical continuait à prospérer. En outre, le côté cartésien du public français ne s’accommode que peu d’un genre réputé, souvent à tort d’ailleurs, comme léger, futile. Notons également que la comédie musicale fait partie de la vie des Anglo-Saxons : on en monte à l’école, on en voit au théâtre, au cinéma. C’est un genre populaire, dans le plus beau sens du terme. D’un point de vue technique, le système d’exploitation diffère également. Si l’on met de côté La Cantatrice chauve, qui hélas ne chante pas, aucun spectacle ne peut prétendre être à l’affiche des décennies à Paris.

La version du Châtelet va-t-elle connaître des changements ?

Les spectateurs vont découvrir une toute nouvelle mise en scène, de Ladislas Chollat, avec bien entendu une distribution française hors pair, de nouveaux décors et costumes. Si une oreille avertie notera quelques changements dans les arrangements musicaux, le texte a été revu par Alain Boublil, qui n’aime rien tant que réécrire. Vous trouverez un exemple de cette réécriture, commentée, dans le livre. Il n’était pas question d’utiliser un vocabulaire contemporain pour améliorer le texte. Les changements sont plus en profondeur, en relation avec les psychologies des personnages, leurs actions… L’attente du public est forte, il reste peu de places, hâtez-vous si vous voulez découvrir cette version ultime des Misérables !

Vous avez collaboré à l’ouvrage J’avais rêvé… Une amitié en musique qui interroge les créateurs des Misérables

Stéphane Letellier-Rampon, qui est parvenu à convaincre le duo et Cameron Mackintosh de donner leur accord pour ce nouveau spectacle, a souhaité à raison qu’un ouvrage soit consacré à l’aventure incroyable qu’est l’amitié de Boublil et Schönberg. Même en anglais, un tel livre sur leur vie n’existe pas. Le livre, très richement illustré, y compris avec des photos inédites, brosse de manière chronologique les parcours de ces deux hommes, de leur plus tendre enfance jusqu’à aujourd’hui. La lecture vous permettra de vous replonger dans le monde de la variété des années 70, de saisir tous les doutes de ces deux amoureux de comédie musicale, les obstacles qu’ils ont dû franchir, les chances qu’ils ont su saisir… Enfin, ce livre a pour moi un petit quelque chose de touchant. Qu’Alain et Claude-Michel me fassent revivre leurs souvenirs, avec parfois l’œil qui frise lors d’une évocation heureuse, a participé à l’intérêt de cette écriture.

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Peut-on le lire même si on n’y connaît rien ?

Il faut lire le livre surtout si l’on n’y connaît rien ! Nous l’avons véritablement imaginé comme une invitation pour les lecteurs et les lectrices à se plonger dans cette amitié musicale entre deux artistes qui n’ont pas en France la place qu’ils méritent. En fait, le livre se destine autant aux fans absolus qui ont vu le spectacle plusieurs fois, sont capables de citer tous les interprètes de toutes les productions (y compris les doublures !) qui découvriront sans doute quelques anecdotes qu’au néophyte qui aura, lui, la chance de découvrir ce spectacle hors norme et pourra se plonger dans l’aventure que fut sa genèse, tout en découvrant les autres œuvres du duo comme Miss Saigon, Martin Guerre. Nous avons véritablement imaginé un livre qui accueille le lecteur et lui permet de glaner les confidences de ces deux auteurs.

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Alexia
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