Critique

Manu Chao, le retour aux sources qu’on attendait

20 septembre 2024
Par Benoît Gaboriaud
Manu Chao, le retour aux sources qu’on attendait
©Klelia Renesi

Disparu des radars discographiques depuis 17 ans, Manu Chao revient enfin sur le devant de la scène avec « Viva Tu », une carte postale sonore qui fait parfaitement écho à ses voyages et à son album culte, « Clandestino ».

Icône du punk rock français au tournant des années 1980, avec son groupe Mano Negra, Manu Chao a su rebondir en solo en 1998, grâce à un heureux accident nommé Clandestino. Résidant à l’époque à Rio de Janeiro, l’auteur-compositeur franco-espagnol s’était laissé enivrer par la techno-hardcore. Il avait alors pris cette direction artistique pour réaliser son premier disque sous son nom. Mais le destin en a voulu autrement. Suite à un bug informatique, les arrangements technos se sont évaporés. En a résulté un album dépouillé, savant mélange de musique latino endiablée, de reggae cool et de trouvailles sonores contemporaines pleines de fantaisie.

Cette « recette miraculeuse » s’est écoulée à plus de trois millions d’exemplaires dans le monde. Pour son dernier album, Viva Tu, le seul depuis trois quinquennats, l’artiste la reprend avec goût et réchauffe ainsi l’automne à merveille. 

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Dans son ensemble, Viva Tu célèbre avec finesse et bienveillance « les petites gens », leur force et leur vitalité. Dès les premiers accords du titre d’ouverture, Vecinos en el mar, Manu Chao, fils d’émigrés galiciens et basques, nous plonge dans son univers sonore rafraîchissant, celui de ces chansons d’antan qui sont comme des maquettes inabouties, composées avec son bichito cordobés (une guitare créée dans la région de Córdoba, en Argentine, par le luthier Homero Zambrano), qui ont fait le succès de Clandestino donc, mais aussi de Próxima Estación: Esperanza (2001). Force est de constater que ces arrangements singuliers, épurés, rythmés et chaleureux n’ont pas pris une ride.

Des coursiers de São Paulo au passé de Manu Chao

Tout commence en espagnol (Vecinos en el mar) et se poursuit en français (La Couleur du temps), en anglais (River why) ou en portugais (Coraçao no mar), quatre langues que manie parfaitement l’auteur, riche de ses voyages autour du monde.

Ce nouvel opus a d’ailleurs été écrit sur la route, au détour de rencontres simples, mais enrichissantes. Manu Chao brosse ici le portrait d’une part de l’humanité située dans l’ombre, qui mène sa barque tant bien que mal, à l’instar des coursiers de São Paulo.

Dans São Paulo Motoboy, il raconte comment ces jeunes gens risquent quotidiennement leur vie à deux-roues au cœur du trafic chaotique de la grande métropole. Ainsi, il se souvient qu’avant d’être une star, il a été lui-même coursier à Paris. 

De la country au reggae

Ces diverses rencontres ont aussi abouti à des collaborations enrichissantes. La rappeuse parisienne Laeti, de son vrai nom Laetitia Kerfa, s’invite sur le titre Tu te vas, une ballade douce amère sur les séparations déchirantes, mais nécessaires, quand l’amour perdure.

Mais le duo le plus inattendu est sans conteste celui avec la figure légendaire de l’outlaw country, Willie Nelson. Il a donné naissance au titre Heaven’s bad day, une balade périlleuse sur le fil, nommée Paradis, au-dessus de l’Enfer, le tout sur une musique country 2.0 : une belle surprise !

Viva Tu s’aventure donc bien au-delà des frontières latinas. Dans Lonely Night, Manu Chao renoue même avec le reggae qu’il agrémente de trompettes avec mélancolie pour mieux parler des fins de soirées solitaires.

Des airs de bal musette rétrofuturiste

Mais de la joie et de la bonne humeur, le disque n’en manque pas ! Il prend toute sa dimension quand Manu Chao s’adonne à nouveau à des rythmes flamencos, registre dans lequel il est finalement le plus à l’aise. Dans la chanson Viva Tu, une rumba gorgée de soleil, il rend un hommage chaleureux à toutes les voisines de son quartier, dans une ambiance méditerranéo-caraïbéenne palpable.

Ces atmosphères entêtantes, voire grisantes, on les retrouve dans La Colilla et Coraçao no mar. Y résonne le son des guitares, des bongos, des tubas, des violons, des trombones et des claquements de mains : du pur Manu Chao ! Malgré sa notoriété, le chanteur de 63 ans n’a visiblement jamais oublié d’où il vient.

Il a commencé sa carrière dans la rue. Ces nouvelles compositions prennent alors parfois des airs de bal musette réconfortants et rétrofuturistes, comme en témoigne Tom & Lola, une histoire d’amour furtive, cinématographique et désuète, qui prend vie au cœur du 19e arrondissement de Paris.

Merveilleuses de métissage culturel, toutes ces nouvelles chansons humanistes font l’apologie de la diversité, aussi bien que Clandestino, mais à une époque peut-être moins propice à l’ouverture. Le nouvel album de Manu Chao se faisait attendre, mais tombe finalement à point nommé pour adoucir les cœurs. En somme, un album qui fait un bien fou et que l’on écoutera sans hésiter tout au long de l’automne pour prolonger les plaisirs de l’été…

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