Décryptage

Objet Culte : à bord du Blue Train de John Coltrane

07 septembre 2022
Par Julien D.
Objet Culte : à bord du Blue Train de John Coltrane

Pour ses 65 bougies, le seul et unique album de Coltrane comme leader pour le célèbre label Blue Note se refait une jeunesse. Et quel lifting ! Remasterisation de luxe, prises et versions inédites, portfolio et un essai complet viennent agrémenter cet album phare de la planète jazz qui en cette fin des années cinquante allait bousculer les conventions alors en vigueur. Et si on (re)grimpait donc à bord du Blue Train ?

Un « classique » !

Blue Train : The Complete Masters Édition LimitéeLa pochette est iconique, déclinée depuis des années en posters et reproductions aussi diverses que leurs supports. Meme si vous n’étes pas féru ou auditeur pointu de jazz, vous avez immanquablement croisé cette célèbre image signée du photographe Francis Wollf : John Coltrane en portrait sérré, pensif, en pleine reflexion.

A moins qu’il ne rêve déjà de ses envolées fulgurantes et inspirées. Car si c’est le calme qui émane de cet élégant bleu qui symbolise la ligne graphique du célèbre label de jazz Blue Note, l’impression est illico contredite par le tourbillon de notes qui vous pénètre dès l’instant ou vous enclenchez le bouton « play » de votre lecteur, quel qu’il soit (digital, vinyle, CD…). Qui a dit calme ? Hard-bop on vous dit !

Sang neuf & note bleue

Septembre 1957, dans les célèbres studios de la maison de disques new yorkaise, c’est un casting de luxe qui est mis à disposition d’un saxophoniste qui deviendra une légende malgré une disparition précoce à 40 ans tout juste. 

Un quintet de jeunes pousses, déjà formidables musiciens, dont la mission est de donner un cadre à un saxophoniste ténor de dix ans leur ainé et dont la réputation ne fait qu’enfler. Paul Chambers à la contrebasse, Kenny Drew au piano, Lee Morgan à la trompette, Curtis Fuller au trombone et l’incomparable (et un peu plus agé) Joe Jones derrière les baguettes, resteront à jamais les mythiques protagonistes de ces sessions légendaires.

Les spécialistes s’accordent souvent à dire, concernant cet enregistrement, que malgré leurs indéniables talents respectifs, on peut parfois percevoir la puissance du jeu de Coltrane par le fait que cette jeune rhytmique semble peiner pour le suivre à certains moments. Ce qui renforce la beauté de ces enregistrements capturés dans l’instant, sans retouches, ni trop de répétitions. L’essence meme du jazz quand on y songe, une musique déstinée au départ a être jouée en club, donc « live ».

East coast vs West coast

Jusqu’alors en vogue, on avait le be-bop et le jazz de la côte ouest. Mais ce Blue Train marque un point de rupture avec un jazz jusqu’ici assez contenu dans ses formes, assez sage rythmiquement parlant pourrait-on dire. Coltrane, dont les premiers enregistrements sont de factures assez classiques, prend ici un virage assumé que sa prolifique mais courte carrière illustrera. 

Plus libre et drôlement plus nerveux que le jazz de la côte ouest qu’on qualifie alors de cool [jazz], ce nouveau langage sera baptisé hard-bop, en flagrante opposition, doncUne évolution qui inspirera les générations suivantes et ouvrira la voie jusqu’aux expérimentations plus pointues qui arriveront avec les décennies suivantes (le free jazz, le spiritual jazz, le latin jazz, jazz fusion des années 60 & 70). Avec un solide ancrage dans les fondamentaux du blues, une interprétation pleine de vigueur et des thèmes musicaux d’une beauté sans équivoque, l’album Blue Train est donc ce genre de disques qui font date, et se retrouve depuis des décennies dans le classement des meilleurs albums de jazz de tous les temps. Disque charnière pour certains, album révolutionnaire pour d’autres… L’essentiel étant qu’en cette année anniversaire, la superbe réédition Blue Train : The Complete Masters fasse le bonheur des mélomanes, amateurs et amatrices de jazz.

Article rédigé par
Julien D.
Julien D.
Disquaire à la Fnac Montparnasse
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