Après une petite escapade à Bristol, de vinyle en ville vous donne rendez-vous un peu plus au nord-est, dans le Yorkshire, à Sheffield. Cette ville de 500 000 âmes regorge d’artistes de talent, et ce à toutes les époques. De Joe Cocker à Arctic Monkeys en passant par The Human League et Pulp, découvrez dès à présent la faune musicale passionnante de cette cité.
Sheffield dans les 60s et 70s
Dans les années 60, la musique populaire reste concentrée sur les deux gros noyaux que sont Londres et Liverpool. Mais à cette époque, Sheffield peut se targuer d’être la ville d’origine de l’une des voix les plus singulières d’Angleterre : Joe Cocker. Son chant blues rocailleux, ses compositions torrides, ses reprises de légende – les Beatles eux-mêmes en redemandent – et sa mythique prestation au festival de Woodstock en 1969, font de lui un monument de la musique britannique. Même après sa mort, rien que l’évocation de son nom donne des frissons à tout amateur de musique.
Si la cité du Yorkshire bénéficie d’un coup de projecteur non négligeable grâce à Cocker, peu de place est laissée aux autres artistes de la ville vers la fin des années 60 et au début des années 70. On peut néanmoins citer Dave Berry, qui connait son heure de gloire grâce à ses ballades rock dans l’air du temps. Ray Davies des Kinks lui a par ailleurs écrit un morceau : This Strange Effect. Pour en revenir à Sheffield, on peut également mentionner le musicien Ramases, qui jouit d’une certaine popularité chez les amateurs de rock progressif.
Epicentre new wave dans les 80s
Vers la fin des seventies et début des eighties, tout s’accélère dans la ville. Côté heavy metal, Def Leppard devient très vite une référence en la matière. A la clé, une ribambelle de tubes (Bringin’ On the Heartbreak, Pour Some Sugar On Me, Hysteria…), guidés par la voix éraillée de Joe Elliott.
Mais c’est surtout grâce au post-punk et à la new wave que Sheffield devient une place forte de la musique britannique. Cabaret Voltaire, qui avait fait ses gammes au début des années 70, devient un incontournable de la musique industrielle à la fin de la décennie. C’est bientôt toute une constellation de groupes qui se constitue. Le très pop Squeeze connait un certain succès critique et commercial grâce à son album Cool For Cats. Même son de cloche pour Heaven 17 avec leur tube Temptation et Thompson Twins avec le populaire Hold Me Now.
Au sein de cette pléiade, deux groupes vont exploser aux yeux du monde entier. Premièrement, The Human League, et leur stratosphérique Dare, sorti en 1981, qui comprend Don’t You Want Me, véritable hymne new wave. Deuxièmement, ABC, emmené par Martin Fry, qui affole les charts avec son album The Lexicon of Love en 1982, et devient un indispensable de tout fan de synthpop. Sheffield, capitale des synthétiseurs.
Entrée dans les 90s : électro et Britpop
L’essor de la techno en deuxième partie des années 80 ne laisse pas la cité du Yorkshire indifférente. Deux fans disquaires et un producteur fans du style se lancent dans la création d’un label : Warp records. Très vite, ce nom devient l’El Dorado de tout producteur de musique électronique, et reste aujourd’hui une grosse pointure en la matière. Si l’écrasante majorité des artistes produits par Wrap ne sont pas originaires de Sheffield, on peut tout de même évoquer The Black Dog, grosse source d’inspiration dans le monde de l’IDM.
En savoir plus : Warp, l’histoire du label des pionniers de l’électro
Ils avaient débuté dans l’électro à la fin des années 70, avaient traversé en catimini les années 80, mais c’est au milieu des 90s, avec l’essor de la Britpop, qu’ils explosent enfin. Pulp, emmenés par le charismatique Jarvis Cocker, entrent dans une nouvelle dimension en enchaînant coup sur coup deux cartons : His ‘n’ Hers et Different Class. Babies, Do You Remember The First Time, Sorted Out for E’s and Wizz, et bien entendu l’indémodable Common People : il n’y a pas qu’un Cocker qui règne à Sheffield et son groupe est l’un des rares à pouvoir rivaliser avec les mastodontes Oasis et Blur.
Toujours dans la Britpop, le groupe de Richard Hawley Longpigs fait lui aussi de Sheffield un petit bastion du genre au cours des années 90. Dans un registre plus dance, Moloko s’est formé dans la ville à cette époque, a enfanté quelques titres à succès, avant que Roisin Murphy ne connaisse une carrière solo florissante.
XXIe siècle : place forte de l’indie rock
Dans les années 2000, deux groupes amis, au style similaire, font bouger les masses à Sheffield. Tout d’abord Milburn, qui sort deux albums (Well Well Well et These Are The Facts) qui attirent l’attention des fans de rock indé et de la presse spécialisée, avant une séparation en 2008. Le groupe se reformera huit ans plus tard. En parallèle, Arctic Monkeys s’impose progressivement comme l’une des formations les plus importantes de sa génération. Les deux premiers opus Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not et Favourite Worst Nightmare, aux instrumentations fougueuses et aux textes pince sans rire, font tout de suite de la bande d’Alex Turner un poids lourd dans le renouveau du rock. Dès lors, chaque sortie d’album, chaque tournée est attendue de pied ferme par des centaines de milliers de fans, et, à chaque fois, le succès critique et commercial est au rendez-vous. Tout le monde loue les prises de risques du groupe et ses capacités à se renouveler sans cesse. En quinze ans, Arctic Monkeys a tout emporté sur son passage.
Dans l’univers hardcore, Bring Me The Horizon est, depuis plus de dix ans, l’un des fiers porte-drapeaux de Sheffield. Oliver Skyes et ses acolytes font pogotter des foules immenses aux quatre coins du globe dans les festivals et salles de concerts. Pour les amateurs du genre, While She Sleeps et Malevolence ont également leur mot à dire.
Si « les Monkeys » et « BMTH » ont tendance à éclipser tout le reste, il serait dommage de passer à côté de certains artistes made in Sheffield comme Reverend and the Makers, machine à morceaux fédérateurs, ou The Crookes et Slow Club, qui, en dépit de leur courte durée de vie, ont produit quelques titres séduisants.
Vers la fin des années 2010, le succès de Sophie and the Giants offre des saveurs indie pop à la ville. Aujourd’hui, des groupes gorgés de promesses n’attendent qu’à exploser. Mettez donc une petite pièce sur Sheafs et leur post-punk bien relevé, sur The Seamonsters et leur pop rock efficace, ou encore sur Dead Slow Hoot et leur rock mélancolique. Une chose est sûre, Sheffield est loin d’avoir épuisé son stock de talent musical.