Entretien

Leyla McCalla, Breaking The Thermometer : hommage, héritage & interview

10 mai 2022
Par Julien D.
Leyla McCalla, Breaking The Thermometer : hommage, héritage & interview

Après Langston Hugues, les musiques rurales du bayou, de Louisiane et les riches vibrations de « sa capitale » New- Orléans, la musicienne americano-haïtienne Leyla McCalla publie le captivant Breaking The Thermometer. Un 4eme album qui prend pour fil rouge la liberté d’expression et d’opinion et rend hommage à ses pairs haïtiens dans un album à la musicalité bouleversante. Entre folk, blues et vibrations caribéennes.

Après Langston Hugues, les musiques rurales du bayou, de Louisiane et les riches vibrations de « sa capitale » New-Orléans, la musicienne americano-haïtienne Leyla McCalla publie le captivant Breaking The Thermometer. Un quatrième album qui prend pour fil rouge la liberté d’expression et d’opinion et rend hommage à ses pairs haïtiens dans un album à la musicalité bouleversante. Entre folk, blues et vibrations caribéennes, on vous en raconte un peu plus sur Leyla Mc Calla avec nos mots… et les siens.

La victoire en chantant

Vari Colored SongsLeyla McCalla est de cette trempe d’artiste qui vous font non seulement du bien avec la musique qu’elle propose, mais qui par les thèmes qu’elle aborde dans son œuvre. Elle pose également certaines questions essentielles à l’heure du grand désordre et fracas mondial. Démocratie, égalité, droits de l’homme, paix dans le monde, héritage culturel, social… Avec Leyla McCalla, vous en aurez pour votre argent.

A day for the hunter, a day for the preyChanteuse et multi-instrumentiste (guitare, violoncelle, banjo), vous aviez peut-être eu écho de ses précédents disques. Vari-Colored Songs, A Day For The Hunter, A Day For The Prey et Capitalist Blues qui remporta un joli succès dans l’Hexagone.

The Capitalist BluesSi ce n’est pas le cas, on ne peut que vous inviter à vous plonger dans ces albums gorgés de résonnances acoustiques, de compositions originales et de réinterprétations de titres de folk, blues, gospel et chansons haïtiennes du style Twoubadou. Artiste engagée ? Peut-être. Artiste militante, oui sans aucun doute. Il vous suffit d’observer ses références et ses influences pour comprendre que cette trentenaire est entière dans sa démarche et met souvent le doigt et ses notes de musique sur ce qui n’est pas toujours très beau à voir. (Ré)écoutez son émouvante adaptation de Song For A Dark Girl, et c’est Strange Fruit de Billie Holliday qui vous revient comme une méchante rafale de vent. Un vent qui vous file des frissons et vous mouille les yeux.

Haïti dans le cœur et dans le sang

Breaking The ThermometerDans son nouvel album, Breaking The Thermometer, elle prend pour fil rouge le travail et l’héritage de la première station de radio indépendante en Haïti (Radio Haïti) pendant les années sombres du clan Duvaliers. En résulte une sorte de concept-album chanté en anglais et en créole rendant hommage à celles et ceux qui risquent leurs vies pour la vérité. Une nouvelle aventure musicale protéiforme (chansons, instrumentaux, archives radio…) qui au départ n’était pas prévu pour devenir un album mais qui, heureusement pour nous, a été finalement enregistré.

Épaulée par un nouveau label, ce quatrième opus continue d’explorer la relation de Leyla McCalla à Haïti, son pays d’origine. Elle qui depuis le début de sa carrière chemine musicalement avec talent et inventivité autour des musiques d’Amérique du nord et des caraïbes, prend cette fois quelques chemins de traverses passant même par le Brésil avec une superbe reprise de Caetano Veloso et un magnifique duo sans artifice avec sa compère Mélissa Laveaux.

4 questions à Leyla McCalla

Artiste aux intérêts et envies qui débordent souvent du cadre, Leyla McCalla nous offre un objet musical novateur. Breaking The Thermometer lui ressemble énormément dans ce style folk/blues aux touches caribéennes qu’on lui connaît tout en étant très original et moderne dans sa forme. Cerise sur le gâteau, grâce à la magie des télécommunications modernes, elle à même accepté de répondre à quelques unes de nos questions.

Quand on vous dit que c’est quelqu’un de bien !

Comment vous est venue l’idée de ce nouvel album ?

Leyla McCalla : C’est à la demande de l’université de Duke qui possède les archives de Radio Haïti que je me suis penchée sur cette idée d’écrire des titres et des musiques autour du travail de ces journalistes et techniciens qui ont risqué leur vie (et parfois même perdue) en s’opposant clairement au régime des Duvaliers. L’idée de départ était d’écrire la partie musicale d’un genre de pièce de théâtre. Mais la pandémie est passée par là et nous n’avons fait qu’une seule représentation. D’où l’idée de transformer tout ce travail d’écriture en album à part entière. Le voici donc enfin publié.

Encore une fois, les thèmes et les sujets que vous abordez sont des histoires de luttes, de combats, de résistances. C’est votre moteur ?

Mes racines haïtiennes et le fait que beaucoup de mes compatriotes aient dû quitter leur pays pour se réfugier ailleurs me touche particulièrement. Encore aujourd’hui la question du racisme, des inégalités, des violences économiques et sociales sont malheureusement toujours d’actualité, et pas seulement en Haïti. Aux Etats-Unis par exemple, on aurait pu croire qu’avec le départ de Trump les choses seraient différentes. Je ne suis pas sûre de ça. Les problèmes sont profonds, systémiques. Si on ne coupe pas à la racine, les mauvaises herbes repoussent immanquablement.

Vous avez changé récemment de label, est ce que vos musiciens sont également nouveaux ?

Oui j’ai signé un contrat pour plusieurs albums avec ANTI- (le label de Mavis Staples, Curtis Harding, Calexico, Son Little, Tom Waits….) mais mes musiciens sont les mêmes depuis mon album précédent Capitalist Blues. C’est avec eux que j’ai enregistré ce nouveau disque et que je donne mes concerts.

Justement, quand est ce que vous viendrez présenter vos nouveaux titres pour le public français ?

Je vais venir faire quelque représentations à Berlin cet été, mais si tout se passe comme prévu, je serai aussi de retour en Europe et bien sûr en France à l’automne prochain. A cause de la pandémie, la parenthèse dure depuis trop longtemps et il faut que la machine (les concerts, les tournées) se remette en route. On va se retrouver, j’ai bon espoir.

Article rédigé par
Julien D.
Julien D.
Disquaire à la Fnac Montparnasse
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