L’Instant Lire à la Fnac : le rendez-vous de toutes les littératures à ne pas manquer. Baptiste Liger, directeur de la rédaction du magazine Lire Le Magazine Littéraire, partage ses conseils de lecture. Pour ce rendez-vous de novembre, intéressons-nous à Steinbeck : et si Des souris et des hommes n’était autre qu’une œuvre matrice de tout un pan de la littérature mondiale contemporaine ? Explications.
Des souris et des hommes : une œuvre matrice de la littérature américaine
Baptiste Liger : « Et si Des souris et des hommes n’était autre qu’une œuvre matrice de tout un pan de la littérature mondiale contemporaine ? Explications.
Nous sommes nombreux, très nombreux à l’avoir étudié, que ce soit à l’école, au collège, au lycée ou même à l’avoir lu, tout simplement, à l’adolescence pour le plaisir, ou peut-être même un peu plus tard… En tout cas, Des souris et des hommes, depuis sa parution en 1937, n’a cessé de conquérir de très nombreux lecteurs.
Qui n’a jamais été ému en lisant l’histoire d’amitié tragique entre George et Lennie, ces deux compagnons de route qui traversent les Etats-Unis ? Difficile d’oublier un personnage aussi iconique et bouleversant que Lennie, ce colosse un peu simple d’esprit qui aime caresser les lapins et toutes les bêtes en général, quitte à leur faire parfois du mal, bien malgré lui.
En tous les cas, les écrivains américains des années 50 à aujourd’hui ont bien retenu la leçon de John Steinbeck, son côté social, sa capacité à être universel et en même temps cette petite touche personnelle, populaire qui fait les grands livres.
Voyez tout le courant de la Beat generation, Allen Ginsberg, Jack Kerouac et tous les autres avaient toujours systématiquement dans un coin de leur tête la patte John Steinbeck. Et de Richard Brautigan à Jim Harrison, en passant par tout un courant de la littérature afro-américaine contemporaine, on ne compte plus les héritiers directs ou indirects de John Steinbeck.
Et Stephen King, j’oubliais Stephen King… Ayez dans un coin de votre tête John Steinbeck si vous relisez ou si vous revoyez les adaptations cinématographiques des Évadés ou de La Ligne verte. Le géant condamné à mort avec les pouvoirs magiques, John dans La Ligne verte, c’est un clin d’œil explicite, direct et revendiqué de Stephen King à Des souris et des hommes.
Karine Giébel, l’héritière…
Et de l’autre côté de l’Atlantique, il y a, bien sûr, des petits cousins du géniteur d’À l’est d’Éden. En cette rentrée d’ailleurs, on en tient quelques-uns, Thomas B. Reverdy avec Climax, Cécile Coulon avec Seule en sa demeure, Jérémy Fel avec Nous sommes les chasseurs, Philippe Djian, bien sûr, grand fan devant l’éternel de John Steinbeck, avec Double Nelson ou bien encore, et ça, c’est plus surprenant, Karine Giébel la reine du polar français avec son dernier thriller le pavé Glen Affric.
Dans ce roman, pardon, ce gros, gros roman, la romancière nous propose de suivre en parallèle trois histoires. Un garçon enfermé en prison depuis une grosse dizaine d’années pour d’obscures raisons. Une jeune femme séquestrée par un proche, peut-être même un très proche. Et enfin, le destin d’un adolescent, un grand gaillard un peu martyrisé par ses camarades parce qu’il est simplet, simple d’esprit. Il s’appelle Léonard. Oui, vous avez compris, Léonard, c’est Lennie.
Avec une grande maestria et donc de nombreux clins d’œil à Steinbeck, à vous de les découvrir, Karine Giebel va lier ces trois trames narratives et nous proposer un équilibre, je crois, assez réussi, entre le mélodrame social et le grand roman noir. Et le tout va nous mener jusqu’à un éden évidemment mystérieux baptisé Glen Affric.
Pour terminer, on vous recommandera l’adaptation formidable en roman graphique signée Rebecca Dautremer de Des souris et des hommes. On vous en avait, d’ailleurs, déjà parlé ici même dans l’Instant Lire. Ou bien encore de découvrir le manuscrit, ou plutôt la reproduction en fac-similé grand format, du manuscrit d’un autre chef-d’œuvre de John Steinbeck, à savoir Les raisins de la colère qui vient de paraître aux éditions des Saints-Pères. Avis aux collectionneurs. »