Les personnages principaux de Breaking Bad

Breaking Bad, la série de tous les records

Née à l’origine d’une blague avec le scénariste Thomas Schnauz, Breaking Bad est devenue le magnum opus du créateur Vince Gilligan, alors connu pour avoir signé parmi les meilleurs épisodes de X-Files. La trajectoire tragique de Walter White, chimiste discret devenu baron de drogue impitoyable, a captivé des millions de spectateurs. Sa réalisation cinématographique profitant des paysages torrides du Nouveau-Mexique est applaudie comme étant bien au-dessus des standards de séries. Le triomphe critique et public de Breaking Bad lui a valu de figurer dans le Guinness Book, en tant que série la plus acclamée de tous les temps. Breaking Bad se montre un tonitruant commentaire sur la noirceur que peut corrompre une âme humaine piégée par son orgueil, avec un mix de drama et de comédie noire maîtrisé de bout en bout.

White & Cie

Walter White

Moteur de tout Breaking Bad, Walter White a popularisé dans les séries le parcours descendant d’un héros dans les ténèbres – « De Mr. Chips à Scarface » selon les termes de Vince Gilligan – en complète opposition avec la majorité des séries, focalisées sur un parcours ascendant ou relativement stationnaire. Descendant de Jim Profit, avec qui il partage l’orgueil, le génie tactique et la volonté de détruire quiconque se met sur son chemin d’ascension sociale, Walter White/Heisenberg teste comme jamais le public de Breaking Bad. D’abord acquis à sa cause, puisque atteint d’un cancer du poumon, et devant gagner vite beaucoup d’argent pour payer ses frais médicaux et mettre sa famille à l’abri du besoin, on ne peut que constater, impuissant et fasciné, la double trajectoire de White. En effet, plus il s’élève socialement et financièrement, plus il perd son humanité. Bryan Cranston, surtout connu pour son rôle bouffon de Hal dans Malcolm, dévore l’écran avec une intensité frénétique. Breaking Bad lui doit beaucoup.

Skyler White

Substitut direct du spectateur, l’épouse de Walter White est de tous les personnages de Breaking Bad celle au destin le plus inhumain. Sa bienheureuse ignorance volant en éclats quand elle apprend la vérité, elle marche sur la corde raide, entre protection de sa famille et complicité forcée avec son mari. Douée d’un sens stratégique cultivée par son ancien job de comptable, elle est en proie à un poison moral qui la dévore, alors qu’elle tente vainement d’échapper à l’emprise de Walter White. Prête à tous les sacrifices, y compris travailler de nouveau avec un patron harceleur, Skyler White incarne à merveille toute la profondeur tragique de Breaking Bad. Anna Gunn livre à l’occasion l’une des plus grandes performances d’antihéroïne.

Jesse Pinkman

Avec Jesse Pinkman, Breaking Bad pervertit le classique rôle du mentor faisant découvrir au héros (Walter White) un nouvel univers (le trafic de meth). Tête brûlée imprévisible, voyou à la patience limitée, simultanément allié et ennemi de Walter White, Jesse Pinkman fonce lui aussi dans un train infernal qui plonge toujours plus loin dans les ténèbres. Plus moral que son acolyte, ses explosions de violence et de colère en font toutefois un individu dangereux, dont on ne sait s’il a notre sympathie ou non. Son jeu de pouvoir perpétuel avec White est un des grands arcs de la série. Accro à l’argent, Pinkman est aussi un émouvant personnage de Breaking Bad, tentant parfois de sortir de ce milieu avant de s’y abandonner de nouveau. Il est aussi le protagoniste d’El Camino, le film sequel de Breaking Bad. Aaron Paul livre une performance inoubliable.

Walter White Jr.

Breaking Bad est à plusieurs niveaux une histoire sur la fin de l’innocence chez les White. Un humble professeur de chimie devenant caïd, une épouse dévouée piégée dans la spirale infernale de son mari… et un adolescent fragile (il est handicapé moteur) que ses parents tentent de protéger de leurs activités, mais pour combien de temps ? Caution morale de Breaking Bad, dont le rôle anodin au départ devient de plus en plus important, Walter White Jr. est l’incarnation de l’échec moral de ses parents, impuissant à agir devant la destruction du noyau familial. RJ Mitte (également handicapé moteur dans la vraie vie) lui apporte une touchante puis déchirante sensibilité.

Les Schrader

Hank Schrader

Beau-frère de Walter White (il a épousé la sœur de sa femme), Hank Schrader incarne le flic rude, qui aime plier quelque peu la loi pour servir ses desseins. Dans Breaking Bad, il est le farouche défenseur de l’ordre, mais pas moins imbuvable, méprisant, orgueilleux. Bien qu’il fasse presque figure d’ange à côté de son psychopathe de beau-frère, sa relative antipathie brise tout manichéisme, complexifiant la morale trouble de Breaking Bad. Son feuilleton à lui, où il s’approche sans cesse d’« Heisenberg » sans réaliser qu’il dîne régulièrement à sa table, est l’un des plus palpitants de la série, et trouve son climax dans le déchirant Ozymandias, épisode culte souvent acclamé comme la plus grande heure de télévision jamais produite. Dean Norris, spécialiste des rôles d’autorité, est dans son élément.

Marie Schrader

Que l’un des personnages les plus sympathiques de Breaking Bad soit une kleptomane égomaniaque, voire une « unpleasant bitch » selon les propres mots de son interprète, en dit long sur la complexité morale de la série ! Femme dévouée mais égoïste, aimant Hank, son mari abusif, mais n’hésitant pas à frapper dans le dos quiconque l’empêche d’assouvir ses désirs, victime des violences masculines, mais parasite capricieux dégoûtant son entourage, Marie Schrader est peut-être la plus discrète des héroïnes de Breaking Bad mais pas sa moins importante. Betsy Brandt transmet à merveille toutes les aspérités de ce rôle ambigu.

Les criminels

Gus Fring

Clairement le plus grand adversaire de Breaking Bad, Gus Fring adopte les deux côtés de sa personnalité en parallèle à sa double vie : chef débonnaire de la chaîne de restaurants Los Pollos Hermanos, et caïd redoutable (et redouté) de la drogue à Albuquerque. Le contraste tranché entre ses abords sympathiques, et son sadisme chirurgical (qu’on se rappelle le lent égorgement d’un de ses hommes de main dans le premier épisode de la saison 4) font de lui le méchant le plus dangereux de Breaking Bad et une des plus vicieuses productions toutes droites sorties du cerveau d’un scénariste. Gus Fring détonne d’autant plus qu’il ne se départ jamais de son calme glacial qui vous pénètre les os et l’âme. Avec une remarquable économie de jeu, Giancarlo Esposito est un modèle à tous les niveaux.

Saul Goodman

Avocat véreux, un pied dans la manipulation jubilatoire, un pied dans le pathétique burlesque, Saul Goodman (né James McGill) constitue l’une des plus réjouissantes créations de Breaking Bad. Né de l’imagination fertile de Vince Gilligan et Peter Gould, Saul Goodman sert à la fois d’électron libre – il suit son propre agenda – et de comic relief – ses gaffes multiples déchaînent le rire – une combinaison qui le rend instantanément sympathique malgré son penchant à défendre les criminels les plus dépravés. Il pratique son métier avec une habileté toujours inattendue tout en étant rigoureusement nul en situation de crise. Joué avec un entrain perpétuel par Bob Odenkirk, Saul Goodman est le scene-stealer du Breaking Bad, et est l’objet d’une étude encore plus dramatique et passionnante dans le spin-off de la série : Better Call Saul.

Mike Ehrmantraut