Son dernier album a été unanimement salué par la critique et les fans. Ses textes réalistes associés à des ambiances sombres et mélancoliques ont fait mouche. A travers ce projet, Mokless nous fait partager son constat sur la rue, son quotidien et sa réflexion sur ce qui l’entoure. Il a accepté l’invitation de la FNAC pour nous en parler à travers cette interview…
Jayman : L’album est sorti il y a maintenant une quinzaine de jours, dans quel état d’esprit te sens-tu ? Es-tu satisfait des retours ? Est-ce que le résultat correspond à tes attentes ?
Mokless : Je me sens soulagé et content que le CD soit dans les bacs, c’est l’aboutissement d’un travail d’équipe et personnel de quelques mois qui méritait de voir le jour, plutôt ravie des échos des retours supers positifs, je pensais pas qu’autant de monde me soutiendrait et qu’on parviendrait à être classé au top album dans les 40 premiers. Belle et agréable surprise… CA DONNE DES FORCES POUR LA SUITE !!
Jayman : L’album s’appelle Le poids des mots, à travers ce titre et tes textes, on te sent très attaché à une certaine forme de sincérité et/ou de réalisme ? Est-ce que tu es d’accord avec ça ?
Mokless : Je n’fais pas dans la fiction, en effet. Je suis terre à terre ! Je m’inspire de la réalité, j’aime être dans l’actualité, j’aime relater ce rap là… Je n’aime pas le rap vide de sens, bling bling, il m’arrive d’écrire parfois des thèmes légers mais je tente toujours de privilégier le fond tout en soignant la forme, c’est important pour moi je ne suis pas à mon coût d’essai. J’aime bien quand « rap musique » rime avec « tire vers le haut ».
Jayman : J’aime beaucoup le visuel, on te voit mais sans que tu te mettes complètement en avant, les textes en fond soulignent le titre (l’importance des mots) et le clin d’œil à la famille avec le bandeau Scred Co. Est-ce qu’il est représentatif de ta personnalité ?
Mokless : Il est représentatif du rap que je fais, de mon style, c’est vrai que j’aime les mots, jouer avec… On me dit souvent que ça se ressent à l’écoute que je me casse la tête sur certains textes ! Ce visuel fait aussi un clin d’œil à mon groupe, à mon passé, Scred Connexion (le verlan de discret), mon groupe qui est beaucoup resté dans l’ombre mais aujourd’hui en ce qui me concerne «bas les masques» du moins pour cet album. Pour le prochain, je compte bien me mettre entièrement en avant comme tu le dis car Scred c’est le nom de mon groupe, pas ma stratégie. C’est vrai que la pochette est sombre, tu sais dans ce projet j’aborde des sujets comme Reviens parmi nous et Briseur de rêves, je pense que le visuel est plus représentatif d’une réalité que de ma personnalité niveau couleur, mais bon au final cet album reste quand même positif comme le morceau Incessamment sous peu, j’aime bien conclure mes thèmes sur une note d’espoir même si le fond reste tragique.
Jayman : L’album était annoncé l’année dernière, il a été décalé plusieurs fois. Ce n’est pas trop frustrant à gérer ? Quelques morceaux peuvent prendre un coup de vieux, est-ce que justement tu en profites pour retoucher certains titres ou en enregistrer des nouveaux ?
Mokless : C’est frustrant pour n’importe quelle personne quand il t’arrive des galères, des embuches, mais bon on fait avec ! On a l’habitude maintenant tu connais le morceau On se relève après coup la prochaine on fera attention. J’avoue j’aborde les thèmes d’actualité qui sont à écouter de suite, exemple il y a des morceaux « milk shake », des morceaux à consommer rapidement. C’est clair qu’un titre comme Carla faut qu’il sorte avant que Carla et Sarko se séparent, sinon il perd tout son sens. Mais à chaque fois, je me suis servis des moments où on a repoussé la sortie pour en faire quelque chose de bien et donc re-rentrer en studio, pour peaufiner les détails. Je me disais toujours je recule pour mieux sauter…
Jayman : C’est ton 1er album solo, dans la préparation et réalisation, y-a-t il beaucoup de différences avec un album de la Scred ?
Mokless : Niveau écriture j’ai pas changé mes habitudes j’ai carrément repris des sujets que j’avais proposé au groupe à l’époque de Ni vu Ni connu. Par contre niveau réalisation je me suis fait plaisir à être complètement décisionnaire. C’est plus rapide de trancher sur des instrus, des ambiances des choix de thème quand t’es seul et à travailler avec des intervenants comme Soul Children, Willy le Barge, Koma et Yonea. T’as besoin d’une oreille extérieure. Quand t’as trop la tête dans ton travail tu en deviens borné, t’as des œillères, c’est pas bon.
Jayman : D’ordinaire, tu écris tes morceaux à l’avance ou tu préfères t’inspirer d’après les instrus qu’on te propose ?
Mokless : C’est du cas par cas, chaque chanson a son histoire j’ai pas une formule pour travailler je travaille tout le temps j’écris tout le temps et je fais des essais tout le temps. Pour moi le plus important la finalité c’est la chanson, quitte à passer par 4 chemins, le principal c’est de se dire qu’on a réussi à faire passer une émotion, à décrire une réalité ou à aborder un thème original.
Jayman : Plusieurs morceaux ont retenu mon attention (pour plusieurs raisons), est-ce que tu peux m’en parler un peu :
– Boogie boogie : il dénote du reste de l’album avec sa vibe qui bouge plus que les autres, est-ce que c’est un coup de gueule contre le rap d’aujourd’hui ?
Mokless : Oui bien-sûr c’est un coup de gueule, cool, à ma façon, c’est de l’ironie, musicalement, je voulais aussi créer un contre pied, démarquer ce titre des autres avec un son Westcoast. C’est vrai qu’aujourd’hui le rap a perdu tout son sens il est devenu du biz, faut avoir un discours qui parle aux jeunes, faut s’adapter aux formatages des radios, faut parler de cul à tout va, en gros faut être produit par Marc Dorcel « Trop de rappeurs ont touchés le fond et creusent encore, hélas ».
– Reviens parmi nous : triste et saisissant, tu t’es inspiré de faits réels, témoignages persos ou imagés ?
J’aime beaucoup le clip, très réaliste ainsi que l’acteur Adel Bencherif (série TV Djihad et second rôle dans Un Prophète).
Mokless : Cette chanson parle de deux thèmes d’amitié et d’amour, et, à la fois c’est une chanson qui traite d’un fait de société « la dérive, le pétage de plombs » (trop présents en ce moment). Il y a trop de jeunes qui se suicident, qui se sentent mal dans leur peau, trop de mecs qui partent en sucettes pour X ou Y raisons (problèmes de drogues de logement etc…). Donc oui je me suis inspiré d’une certaine réalité que je vois et que tout le monde voit. Tout le monde a un pote qui est partis en couilles, ou qui a basculé de l’autre côté !
– On s’habitue à tout : avec la participation d’Olivier Besancenot. Tu peux nous parler de votre rencontre ?
Mokless : C’est simple, une fois la maquette posée après plusieurs ré-écoutes je me suis dit : tiens pourquoi pas demander à Besancenot de me faire l’intro de ce titre vu que c’est un personnage à coup de gueule et que je cherchais à faire de ce morceau un électro choc à la société. De là, grâce à mes petites connexions, je suis remonté jusqu’à lui, une personne lui a dit que je cherchais à le contacter et lui a donné mes coordonnées. Le lendemain il m’envoyait un texto, le surlendemain il était chez moi. Je lui ai fait écouter le titre il a de suite accepté, il connaissait la Scred et notre parcours, ça a facilité la connexion.
– Sur nos gardes : avec Demi Portion, peu de feat sur l’album, tu peux nous parler de celui-là ?
Mokless : Demi Portion c’est un rappeur que j’apprécie, j’avais envie d’amener un rappeur du Sud j’ai choisis Demi Portion, on se connait depuis très longtemps, je passe souvent par Sète sa ville pour animer des ateliers d’écriture. De là on a posé ce titre, après enregistrement, et plusieurs ré-écoutes je me suis dit ce titre « il faut qu’il soit dans mon album ». Je te rappelle aussi qu’on vient de lancer le clip (qui est dispo sur tous les sites).
Jayman : Si tu devais retenir un ou plusieurs titres que tu préfères, quels seraient-ils et pourquoi ?
Mokless : C’est « On s’habitue à tout », c’est le titre locomotive, c’est le premier titre que j’ai lancé, le premier clip aussi. Avec ce morceau j’ai donné le ton, la couleur de mon album. C’est un titre que j’aime bien faire sur scène, c’est un titre qui passe partout je peux le faire écouter à des jeunes à des vieux à mes parents… C’est mon « My Way » à moi.
Jayman : 2011 toujours en indé, est-ce quelque chose auquel tu restes attaché ? De quelle manière tu pourrais détailler l’impact de la crise du disque sur ta situation d’être en indé ?
Mokless : Je le dis et le revendique parce que c’est ma réalité ça fait 15 ans que je fais mes affaires en indé je l’ai toujours dit je suis signé chez aucune major jusqu’à preuve du contraire, maintenant je reste ouvert… J’ai envie d’aller de l’avant et j’ai pas honte de ma musique et si elle doit être écoutée à grande échelle, ça ne me fait pas peur.
Jayman : L’avenir proche ce serait quoi ? Tu vas tourner d’autres clips pour la promo de l’album ? des concerts ou une tournée avec la Scred ?
Mokless : Ben tout ça en même temps !!! T’es medium (lol)
Dédicace de Mokless : merci à tous les beatmakers qui ont participé à ce projet (DJ Nabil, Igoom, Squaliday, Mohand, Simplejee et Bilou)…