Alors qu’elle s’apprête à sortir son huitième album, Blue Banisters, Lana Del Rey (Elizabeth Grant de son vrai nom) s’est largement imposée comme l’icône pop de référence depuis une décennie. Sa voix, son écriture, sa capacité à jongler entre les styles, ainsi que son look délicieusement rétro, ont fait d’elle l’une des chanteuses les plus influentes de sa génération si bien que les artistes qui déclarent haut et fort hériter d’elle sont extrêmement nombreux. Retour sur dix ans sans fausse note.
Le premier album Lana Del Ray, un faux départ ?
Pour la native de New-York, le succès, contrairement à ce qu’on pourrait le penser, n’a pas été immédiat. Après plusieurs enregistrements (dont 2 EPs) sous divers noms (Lizzy Grant, Sparkle Jump Rope Queen, Lana Del Ray – avec un a), la chanteuse sort en 2010 un premier album : Lana Del Ray A.K.A Lizzy Grant. Malheureusement, le disque est retiré des bacs au bout de trois mois, a priori pour des raisons financières. Si l’aventure débute mal d’un point de vue commercial, d’un point de vue artistique, les bases sont là : sur le premier opus (écoutable sur Internet), on retrouve déjà la voix de la future star ainsi que d’indéniables qualités d’écriture (à l’image de Yayo, qui paraîtra une nouvelle fois dans l’EP Paradise).
Video Games et Born To Die : l’ascension fulgurante
En automne 2011, c’est le coup de pied dans la fourmilière. Sorti de nulle part, Video Games fait découvrir au monde entier la chanteuse énigmatique au look tout droit sorti d’un film hollywoodien des années 50. Sa voix grave, accompagnée d’une instrumentation romantique, interpelle. Lana fait figure d’OVNI aux sommets des charts. Les amateurs de musique indé ont trouvé leur icône (et les gamers leur hymne).
En janvier 2012, le deuxième album, Born To Die, confirme tous les espoirs placés dans cette nouvelle star. Oscillant entre influences baroques (Carmen, Million Dollar Man) et hip-hop/trip-hop (Blue Jeans, National Anthem), le disque est un carton plein. Vous pensez qu’on va s’arrêter là, que la New-Yorkaise va disparaître des radars aussi vite qu’elle est apparue ? La suite va vous étonner.
Ultraviolence : plus sombre, tout aussi imparable
Le temps de digérer son petit succès planétaire, Del Rey sort en novembre 2012 Paradise, EP composé de sept nouveaux morceaux et d’un réenregistrement de Yayo. L’année suivante, à l’occasion de la sortie de l’adaptation de Gatsby le Magnifique par Baz Luhrmann (où Di Caprio et Maguire se partagent la vedette), la nouvelle diva dévoile Young & Beautiful, titre qui connaîtra le même engouement que le film.
En 2014, elle sort son troisième album, Ultraviolence. Pour ce dernier, elle a fait appel à Dan Auerbach des Black Keys pour produire le disque et l’accompagner à la guitare. Le résultat est plus rock, plus lourd, plus sombre et le succès critique et commercial est conséquent. Les titres phares West Coast et Brooklyn Babe ont une bonne présence sur les ondes.
Une passe de quatre plus pop avec Honeymoon
L’année suivante, Honeymoon marque un retour vers la pop baroque et la trip-hop, avec plus de maturité que Born To Die. Le rythme est lent et envoûtant, la fine patte cinématique de la diva est plus que jamais présente. A l’image du très frais High By The Beach, Lana Del Rey continue de surprendre tout en restant Lana Del Rey et son talent ne semble pas s’essouffler, bien au contraire. Et même quand il s’agit de s’attaquer au monumental Don’t Let Me Be Misunderstood, c’est avec brio qu’elle s’en sort.
Lust For Life : laissez entrer la lumière
Dur de dire le contraire : les compositions de Lana ne sont pas des plus joyeuses. Pourtant son cinquième album, Lust For Life, sorti en 2017, vient déjouer sa réputation de « fille triste » de la pop. Pour sa petite fête de 70 min, elle a mis de jolis noms sur la carte d’invitation, et le résultat est plus que convaincant : Stevie Nicks (de Fleetwood Mac) est comme un poisson dans l’eau sur Beautiful People Beautiful Problems, le tandem The Weeknd/Del Rey sur Lust For Life est très séduisant, le fils de Lennon (Sean Ono Lennon) se glisse parfaitement dans le très beatlesien Tomorrow Never Came et les interventions d’A$AP Rocky et de Playboy Carti sur Summer Bummer enchantent autant qu’elles étonnent, le mariage pop baroque/trap se révèle un délicieux cocktail. Et quand Lana préfère être seule que bien accompagnée, elle se débrouille toujours aussi bien : Love est un énième carton de sa part.
Sixième album : mais qui va donc l’arrêter ?
C’est vers la fin de l’été 2019 que la New-Yorkaise nous rend ce qui est sans doute sa plus belle copie : Norman Fucking Rockwell!. En multipliant les hommages aux monuments de la pop culture, notamment aux standards de jazz Dream A Little Dream Of Me et Summertime, respectivement sur Fuck it I love you et Doin’ Time (irrésistible reprise du titre de Sublime), ce disque s’élève lui-même comme monument de la pop culture. Salué par la critique, il est loin d’être impossible qu’on se souvienne des délicieuses mélopées qui le composent, à l’image du poignant The greatest, qui ne manque pas de faire un petit signe de la main aux Beach Boys et à David Bowie.
Septième opus : la touche country
En 2020, la chanteuse nous montre une fois de plus qu’elle a plusieurs cordes à son arc en publiant un recueil de poésie Violet Bent Backwards over the Grass. Musicalement, elle ne cesse de nous surprendre en incorporant des influences country et folk dans son septième album Chemtrails Over the Country Club. Sa collaboration avec la chanteuse country Nikki Lane sur Breaking Up Slowly fait mouche, tout comme celle avec les artistes indé Zella Day et Weyes Blood sur la reprise du For Free de la grande Joni Mitchell. La voix cassée de Lana sur le titre d’ouverture White Dress nous touche curieusement. Quant aux titres phares Let Me Love You Like a Woman et Chemtrails Over the Country Club, ils remportent un certain succès.
Et maintenant ?
À la sortie de Video Games, on aurait difficilement imaginé le succès quasi constant réservé à la New-Yorkaise, et encore moins cette progression dans des registres différents tout en conservant son identité. Lana Del Rey a aisément sa place parmi les icônes pop de ces dix dernières années. Qu’en sera-t-il pour les dix prochaines ?
S’il est trop tôt pour s’exprimer là-dessus, Blue Banisters sorti en octobre 2021, a de quoi nous rendre optimistes. A la clé, une heure sans l’ombre d’un temps mort et un featuring aussi surprenant que séduisant avec Miles Kane sur Dealer. Décidément, la décennie commence de la meilleure de manières pour Lana.