Depuis les années 1970, la Scandinavie, et en particulier la Suède, brille sur la planète pop. En s’inspirant de la musique britannique et en y ajoutant des mélodies nostalgiques ou extravagantes, les artistes de ces pays se taillent même parfois la part du lion. Ainsi, le retour en 2021 de Kings of Convenience, groupe folk-pop des années 2000, et dernièrement, de la légende ABBA, symbolise l’originalité de cette scène variée. Retour sur ses principaux jalons.
ABBA, le b-a-ba de la pop scandinave
Au début des années 1970, le rock se cherche de nouvelles idoles. L’essor de Bowie, de T.Rex, de Roxy Music, puis d’Elton John, popularise le courant dit glam dans les charts. Costumes tape-à-l’œil et performances sexuellement ambigües s’y mêlent à des mélodies imparables. Cette recette fait florès en Europe, jusqu’à ce qu’un quatuor suédois décide d’en reprendre certains codes esthétiques, et d’en accentuer le caractère acidulé, presque kitsch.
En 1973, avec leur premier tube Ring Ring, puis leur victoire à l’Eurovision avec Waterloo un an plus tard, ABBA fait entrer la Suède dans le concert des nations pop. Le groupe a fait les meilleurs choix : d’abord, ils chantent en anglais, langue maîtrisée par bon nombre de Scandinaves, ce qui favorise l’exportation vers l’Angleterre et le reste de l’Europe. Ensuite, ils jouent sur une image glamour et rassurante de la pop, qui plaît à plusieurs générations. Enfin, ils réutilisent en studio les astuces sonores de Phil Spector, en superposant notamment les couches de guitare, pour produire des disques amples.
Le raz-de-marée est total : chaque single d’Abba déferle sur le monde, de Mamma Mia à Thank You for the Music, et conquière un large public. Le groupe accompagne l’avènement du disco, avec le tube Gimme Gimme (A Man after Midnight) et introduit petit à petit le synthétiseur dans sa musique. Jusqu’en 1980, le quatuor donne véritablement le la sur la musique internationale, et pose les bases d’une école scandinave de la pop, qui va trouver des continuateurs dans les années 1980-1990.
L’annonce de leur grand retour en 2018 nous avait mis en appétit. Il aura fallu patienter jusqu’au 2 septembre 2021 pour que le groupe dévoile deux chansons inédites : I Still Have Faith In You et Don’t Shut Me Down. Elles accompagnent l’annonce en grande pompe de la sortie d’un neuvième album studio, Voyage, le 5 novembre 2021, suivi d’un retour sur scène avec une tournée débutant à Londres en avril 2022. La recette qui a fait le succès d’ABBA se retrouvent dans ces deux titres, qu’on vous laisse découvrir…
La pop scandinave des années 1980-1990 : une nouvelle approche
En 1987, le premier épisode de James Bond avec Timothy Dalton dans le rôle-titre confirme le succès d’un groupe de new wave norvégien : c’est en effet a-ha qui interprète le générique de Tuer n’est pas jouer, The Living Daylights. Deux ans auparavant, cette formation avait conquis les boîtes de nuit avec Take on Me, un tube qui égalait les productions de Depeche Mode et autres Eurythmics dans le cœur des amateurs de synth-pop. Leur premier album, Hunting High & Low, s’inspirait des mêmes recettes qu’Abba, dans les grandes lignes, avec une efficacité mélodique indéniable doublée d’une sonorité grandiose extrêmement catchy.
En Suède, la séparation d’Abba (datée de 1983) ne devait jamais être véritablement comblée : l’époque avait changé, et les pat’ d’eph’ avaient cédé leur place aux perfectos en cuir et aux permanentes des eighties. Seul Roxette rivalisa vraiment avec les scores réalisés par Abba dans les charts dix ans auparavant : leur ballade Listen to your Heart montrait que la pop scandinave résistait au passage du temps. Le duo connut un succès international grâce à leurs albums Look Sharp ! et Joyride. La présence d’It Must Have Been Love dans la bande originale de Pretty Woman leur a également apporté une certaine popularité !
Emblème du passage des années 1980 aux années 1990, Ace of Base incarne la dimension acidulée et tellement efficace de la pop scandinave. Le groupe a intégré des éléments électroniques variés à sa musique, certains de leurs tubes, comme All that She Wants ou Beautiful Life, pouvant même être associé au courant dance qui était alors en pleins balbutiements.
Dernier exemple de ces décennies d’affirmation de la Scandinavie comme terre de pop, Aqua a parfaitement synthétisé les apports respectifs d’Abba (pour les mélodies), Ace of Base (pour le côté dance) ou Roxette (pour le mélange de voix féminine et masculine) avec un premier album, Aquarium, et des hits comme Barbie Girl ou Doctor Jones. Même si le projet fut sans lendemain, la formation, avec des membres danois et norvégiens, a été l’une des dernières de Scandinavie a conquérir l’Europe avec une telle ampleur.
La Scandinavie, une terre de choix pour les artistes indépendants
Alors qu’une pop à guitare, inspirée du rock, connaissait un joli succès dans les années 1990, avec des formations comme les Cardigans ou les Wannadies, l’Europe du Nord voyait des artistes avec une patte véritablement spécifique émerger, qu’ils pratiquent la guitare acoustique ou le synthé.
En premier lieu, les Norvégiens de Kings of Convenience ont marqué les esprits dans les années 2000. Leur folk-pop mélancolique, porté par le mélange des voix d’Erlend Øye et Eirik Glambek Bøe, rappelait Simon & Garfunkel mis au goût du jour. Quiet is the New Loud et Riot On An Empty Street ont reçu les faveurs de la presse musicale et du public indé à l’époque, avant leur séparation temporaire. En 2021, en effet, le groupe fait son grand retour avec Peace or Love, un quatrième album toujours aussi mélancolique et mélodieux.
Dans le même genre, en plus solaire toutefois, les Suédois Peter Bjorn and John ont attiré bien des oreilles après la parution de leur tube, Young Folks, tandis qu’Ane Brun, originaire de Norvège, mène une jolie carrière dans la folk scandinave au féminin.
Ces dernières années, la Scandinavie a aussi été la terre d’émergence de chanteuses d’électropop classieuses. Lykke Li, venue de Suède a su mêler rétro et moderne avec ses titres, notamment I Follow Rivers, associé au film La Vie d’Adèle, ou son album Wounded Rhymes.
Sa compatriote Robyn œuvre, elle, depuis les années 1990, et place régulièrement des chansons en haut des charts, en particulier en Angleterre. Dancing on my Own ou With Every Heartbeat figure parmi les quelques hits qui dominent une discographie pléthorique, dans laquelle l’esprit d’efficacité mélodique scandinave transparaît toujours !
