Dans ce monde de la musique bancal, chahuté par une crise qui dure, Delgres repart à l’assaut des bacs et devrait bientôt (r)allumer le feu des concerts avec la parution de 4H00 AM, deuxième album en une petite poignée d’existence du groupe. Le constat est sans appel : le trio est définitivement l’une des meilleures surprises de la scène française de ces dernières années.
Mise en bouche et… Mise en route
Les plans de carrières et autres ficelles marketing et promotionnelles ont parfois leurs énigmes. Alors que les succès sont souvent « orchestrés » par les grands acteurs économiques mondiaux, comment ne pas se réjouir de voir un groupe qu’on aime sincèrement, depuis ce tout premier EP Mr.President en 2018, arriver à ce stade de reconnaissance critique et publique. Bouche à oreille, travail de terrain, relais par une presse musicale concernée et engagée, générosité, accessibilité… le parcours de Delgres séduit et force le respect.
Un premier album coup de poing Mo’Jodi, une nomination aux victoires de la musique en 2019, plus de 300 dates dans les pattes dont une au Fnac Live, notre Jean-Louis Aubert national tombé sous le charme, une reconnaissance critique qui fait toujours un peu plus d’émules chaque jour, ce trio original de camarades musiciens (Pascal Danae au chant et guitares, Baptiste Brondy à la batterie, et RafGee au sousaphone) mélange avec brio et inventivité du blues, du rock, des vibrations néo orleanaises et de la chanson créole. Imaginez qu’au fond d’un club louisianais, la fougue électrique d’un Rory Gallagher, le minimalisme des Black Keys, l’inventivité de Beck le charisme scènique d’un Taj Mahal qui se télescoperaient avec des voix créoles majeures (Mano Charlemagne, Kolo Barst, Danyel Waro, Aimé Cesaire…entre autres), voilà comment on pourrait résumer ce power trio en deux mots si l’exercice nous était demandé.
Wake Up !
Rappelez-vous donc cette « petite phrase » politique qu’on qualifiera à minima de condescendante et restée dans l’inconscient collectif. Il était question d’une France qui se lève tôt, sous entendant qu’une bonne partie des concitoyens avait un poil dans la main.
Ironie du sort, la pandémie mondiale aura mis un coup de projecteur sur nos soignants, nos ouvriers, nos caissières et autres manutentionnaires. Des « petites gens » que nombre de gouvernants ont laissés sur le bas-côté ces dernières années.
Posture et propos toujours revendicatifs, entre dénonciation des pages sombres de notre histoire, héritage commun (colonisation, racisme, esclavage, intolérance, inégalités sociales, répression…) et constats légitimes autour de nos quotidiens chahutés. Si les textes en créole écrit par Pascal Danae se veulent « prise de conscience » sur des thèmatiques tout aussi intimes que graves, l’idée n’est pas de plomber le moral des troupes, on trouve chez Delgres des chansons pleines d’espoir aussi. Mais le premier single (joliment clipé et déjà disponible) parle bien de cette frange de population invisible qui, sans bruits ni parades médiatiques, fait tourner la machine et bouillir la marmite. Delgres ne se veut pas donneur de leçon ni démagogue, juste factuel et de rappeler à qui de droit avec ce premier brulot (4ED Maten), que la France qui se lève tôt est une réalité, pas un slogan politique.
Des riffs rock, une batterie qui cogne fort et sait se faire souple et carnavalesque quand il le faut. Une basse ronflante et indiscutablement cuivrée. Avec ce deuxième album qui pousse un cran supplémentaire en terme de production, le constat est sans appel : Delgres est définitivement l’une des meilleures surprises de la scène française de ces dernières années.
L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt dit le dicton, réglez donc vos appareils sur 4:00 AM, le programme (musical) des copains de Delgres s’annonce resplendissant ! La lumière au bout d’une longue nuit, c’est peut-être eux aussi, à leur façon.