Décryptage

Songhoy Blues : entre optimisme et urgence, les rockeurs maliens montent le son

08 octobre 2020
Par Julien D.
Songhoy Blues : entre optimisme et urgence, les rockeurs maliens montent le son

Si vous avez déjà eu la chance de voir ce quatuor malien sur scène, vous ne devriez pas être trop surpris par Badala, le titre qui ouvre leur 3e album (Optimisme) prévu pour cet automne. Riffs puissants, énergie punk, chant expressif et engagé, la formule leur ressemble mais le volume est encore monté d’un cran. Et oui, n’en déplaise aux étroits d’esprits et aux raccourcis réducteurs, au Mali aussi on sait jouer du rock.

Si vous avez déjà eu la chance de voir le groupe malien sur scène, vous ne devriez pas être trop surpris par Badala, le titre qui ouvre leur 3e album, Optimisme. Riffs puissants, énergie punky, chant expressif et engagé, la formule leur ressemble mais le volume est encore monté d’un cran. N’en déplaise aux étroits d’esprits et aux raccourcis réducteurs, en Afrique et dans ce cas précis au Mali, on aime et on sait jouer le meilleur du rock.

Il était une fois…

C’était en 2013, alors que le pays nous fournissait de chatoyants musiciens porteurs d’un héritage qu’on dira traditionnel et de facture majoritairement acoustique, déboulaient Songhoy Blues, quatre garçons dans le vent qui soudainement décoiffaient les plus virulents des gratteurs de cordes de cet immense pays subsaharien. Des spécialistes du grattage de cordes, le Mali et sa large palette de musiques en a pourtant un bon stock en réserve, tout instrument confondu (guitare acoustique & électrique, Kora, N’goni…).

Du maestro Ali Farka Touré à Balake Sissoko en passant par Boubacar Traore, Habib Koite, Tinariwen, Toumani Diabate, Oumar Konate ou le stupéfiant Bassekou Kouyate pour n’en citer que quelques-uns… Ces gratteurs multi cordes ont façonné depuis des décennies la bande-son du pays et un groupe comme Songhoy Blues ajoute en toute logique depuis quelques années une nouvelle pierre à l’édifice.

Songhoy Blues image promo

Exile on Bamako Street

Né à Bamako dans l’urgence de l’exil dû à la situation géopolitique et les violences croissantes dans le nord du pays, Songhoy Blues est probablement le fruit de ce patrimoine culturel et musical et a été initialement repéré par le collectif Africa Express. Mais le 21e siècle et ses diagonales mondialistes sont là. Les échanges interculturels aussi, n’en déplaisent à certains. En cela, les quatre membres du groupe tranchent quand même avec une grosse partie de ce qui sortait jusque-là des studios de Bamako.

Fascinés semble-t-il par le rock, le punk et son énergie juvénile. Façonnés aussi peut-être par des producteurs et des rencontres avec des beaux noms de l’indie rock anglo-saxon tels que Damon Albarn, Nick Zinner ou Julian Casablanca, Songhoy Blues réussit dès le début une adroite synthèse. Celle du rock et des vibrations musicales songhaï, le peuple (ethnie ?) dont une majorité du groupe est issue.

Traditions, politique & rock sous haute-tension

Optimisme songhoy bluesUn premier album (Music In Exile) qui emmène les garçons à partager les scènes du monde, un second (Resistance) et un EP (Meet Me In The City) qui tentait quelques escapades avec des featurings bien sentis (Iggy Pop, Femi Kuti, Elf Kid…) et enfin, ce tout nouvel opus Optimisme qui, vous le découvrirez à l’écoute des 11 titres, assoit le groupe dans ce qui fait son ADN. Un héritage culturel et sociétal assumé qui fournit la matière première à un rock racé, fougueux, énergique et revendicatif (une musique et des mots pour soigner et alerter sur les maux du pays).

Batterie et rythmiques taillées dans le bois brut, chant expressif, polyglotte (français, anglais, bambara, songhaï) et la cerise sur l’ampli : la guitare vive et virevoltante de l’une des meilleures gâchettes du pays, l’excellent Garba Touré, un as de la 6 cordes qui défouraille avec une agilité déconcertante vers des nuances funk, blues, punk dont il a le secret.

Si, en effet, on pouvait se poser la question de cette surenchère électrique, parfaitement compatible avec les attentes supposées du management et de la maison de disque qui a su trouvé en Songhoy Blues le parfait « produit » exotique pour un public et des festivals rock en mal d’éclectisme, l’écoute d’Optimisme comme l’attachement (et l’engagement) viscéral du quartet à leur pays natal, anesthésie de facto toute mauvaises langues. Songhoy Blues, comme d’autres groupes un peu ovni, illustre bien à sa façon la musique africaine du 21e siècle dans sa pluralité, se jouant ainsi des cases dans lesquelles on voudrait les cantonner.

Optimisme est disponible en CD & Vinyle à partir du 23 octobre 2020.

Article rédigé par
Julien D.
Julien D.
Disquaire à la Fnac Montparnasse
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