Vous avez entendu parler d’une expression mais ne comprenez pas d’où elle vient ni ce qu’elle signifie ? Vous voulez maîtriser le lexique des séries télévisées pour devenir le maître de cérémonie des soirées TV entre amis ? Pas de souci, nous vous proposons dans chaque épisode le décryptage d’un mot de la culture télévisuelle passé à la postérité. Aujourd’hui, attaquons-nous à l’expression « showrunner », ces anges gardiens des séries.
Concrètement, un showrunner ça fait quoi ?
Un showrunner, aussi appelé directeur de série ou auteur-producteur dans la langue de Malotru, est un réalisateur, producteur et/ou scénariste qui encadre le bon déroulement d’une série TV. Il ne s’agit pas d’un nom de profession officiel, puisque le showrunner est crédité en tant que producteur délégué ou exécutif, mais plutôt d’un titre pour signifier que cette personne sera centrale dans la production (trouver des financements, engager des acteurs…) et la création artistique (écriture du script, des personnages, des dialogues…). Le showrunner a donc beaucoup plus de responsabilités que les réalisateurs d’épisodes, qui peuvent se succéder tout au long d’une série.
Au fil du temps, le showrunner a pris de l’ampleur, d’où le fait que ce rôle parle de plus en plus au grand public et pas seulement à l’avant-garde des sériephiles. Quand le terme est lancé par le magazine Variety, spécialisé dans l’industrie du spectacle, en 1992, le showrunner n’est déjà plus ce titre honorifique porté par les producteurs qui apportent des capitaux dans un projet de série. Il est celui qui s’implique dans l’aspect managérial et créatif de la série, tel un dieu grondeur vérifiant qu’il n’y ait pas un malencontreux jumping the shark chez son protégé, n’ayant à répondre de ses choix que devant le réseau ou la société de production. Aujourd’hui, le showrunner est généralement le scénariste de la série.
Il est celui qui insuffle sa vision artistique dans une série, lui donnant un style (léger, grave, cynique, doux-amer…) et un genre (science-fiction, horreur, drame, sitcom…) qui font sa signature en tant que créateur. En plus des prémices qui doivent s’avérer alléchantes pour les producteurs et les spectateurs, le showrunner incorpore souvent un sous-texte dans chacune de ses séries, à la façon d’un écrivain. C’est pourquoi l’avènement des showrunners est considéré comme le moment où les séries télévisées ont acquis leurs lettres de noblesse, devenant au tournant des années 1980-90 des séries d’auteurs exigeantes produites par HBO (Les Soprano, Sur écoute, Oz, Six Feet Under…) ou AMC (Mad Men, Breaking Bad, The Walking Dead…).
5 showrunners qui ont changé la face du petit écran à tout jamais
David Chase
Créateur de la série Les Soprano, tournant autour d’une histoire de chef mafieux new yorkais en pleine crise existentielle, Chase est l’archétype du boss caractériel et narcissique, qui demande toujours trop à ses équipes. Il sera ainsi convaincu toute sa carrière d’être un grand incompris qui mérite bien plus que le petit écran, alors que son talent se révélera pleinement dans ses séries. Pas étonnant que l’on voie transparaître son ego surdimensionné et isolé en la personne de Tony Soprano, quand on sait qu’il a été le mentor d’un autre génie de la télévision, Matthew Weiner, cerveau créatif de Mad Men.
J. J. Abrams
Plus Spielberg que Spielberg lui-même, fou de science-fiction et d’action, J. J. Abrams a travaillé sur de nombreuses séries de genre, dont Lost, Alias, Felicity ou Fringe. Il est également producteur de nombreuses séries, comme Person of Interest ou Westworld.
David Simon
À la différence des autres showrunners, qui sont avant tout des conteurs d’histoires, Simon est un auteur militant et sociologue qui privilégie le fond à la forme, par un jeu d’interactions complexes entre classes sociales, instances de pouvoirs et cultures différentes. On lui doit la série Sur écoute, dont la toile de fond est la lutte policière contre la drogue à Baltimore, Treme, histoire de musiciens qui reconstruisent leur vie à la Nouvelle-Orléans après l’ouragan Katrina, The Deuce, sur l’âge d’or de l’industrie pornographique américaine, ou encore Show me a Hero, sur les enjeux de logements sociaux et de racisme dans les États-Unis des années 1980.
Phoebe Waller-Bridge
Actrice, réalisatrice et scénariste anglaise, Phoebe Waller-Bridge bouleverse les conventions grâce à sa vision bien corsée de l’humour, ses personnages rocambolesques et la place centrale qu’elle redonne aux femmes. Habituée des comédies post-modernes avec le mordant Fleabag, le drame lui réussit tout aussi bien, avec la récente Killing Eve, thriller d’espionnage féministe.
Steven Moffat
Une liste de showrunners illustres serait incomplète… sans l’homme qui a popularisé l’expression, Steven Moffat, showrunner des séries Doctor Who de 2010 à 2017, succédant ainsi à Russell T. Davies qui occupait le poste depuis 2005, et Sherlock sur son entièreté. Autant dire que les nominations ont accouru avec un tel palmarès.
