Le prestigieux prix revient à un premier roman déjà repéré dans plusieurs sélections. Le roman d’un passé décomposé, celui d’un père dont le décès dévaste autant qu’il pose la question de la réalité : connait-on ses parents, sa famille ? Que reste-t-il de toute une vie ? À l’occasion du tri des affaires familiales, la narratrice redessine les contours d’une existence anonyme à travers des souvenirs tragi-comiques. Touchant et irrésistible !
Un prix convoité
Élu à 17 voix par le jury présidé cette année par Philippe Lançon, le roman d’Anne Pauly, Avant que j’oublie, a également été sélectionné dans les listes des grands prix d’automne, notamment le Goncourt et le Femina.
Finaliste du Goncourt du premier roman, il a déjà obtenu sa reconnaissance avec le prix Envoyé par la poste 2019 et prix Summer 2020.
Le prix du Livre Inter est un des prix littéraires les plus importants du printemps. Une consécration du public et de la critique. Organisé chaque année par France Inter depuis 1975, il réunit un panel de 24 jurés, à parité égale de 12 femmes et 12 hommes répartis dans l’ensemble des régions françaises, soigneusement sélectionnés à partir de lettres de motivation dûment argumentées sous la houlette de la journaliste littéraire Eva Bettan.
Retrouvons la réaction de l’auteure à l‘annonce de son prix et ses explications sur l’écriture sensible de son premier roman :
Un passé décomposé
« Qui sont les parents ? On ne sait jamais vraiment. Et quand ils partent, le mystère reste un peu entier. Donc il s’agissait de faire une enquête, justement, et la mener avec tendresse, sans excuser, mais en essayant de comprendre et de ramener cet homme à l’âme qu’il avait, c’est à dire l’âme drôle et l’âme poète. »
C’est ainsi que l’autrice présentait son livre à l’animatrice de France Inter. On comprend vite que le deuil qui touche la narratrice est aussi le sien. Mais loin de s’appesantir dans la douleur, elle veut aussi parler du côté cocasse de voir la vie continuer comme si de rien n’était alors que la mort vous touche de plein fouet.
Ensuite, c’est la maison familiale qu’il faut vider. Un capharnaüm de souvenirs qui en disent long sur la personnalité du père décédé. Le tout est de savoir les interpréter. « Les choses ont leurs secrets, les choses ont leurs légendes, mais les choses nous parlent, si nous savons entendre », nous chantait Barbara. C’est un décryptage sensible à travers des morceaux de vie, que nous propose aussi Anne Pauly, afin de reconstituer une existence « nobody », une vie injustement anonyme qui déchire au moment où elle s’éteint. Mais c’est aussi une façon, pour la narratrice de comprendre son propre passé et continuer à construire son présent malgré la déflagration de la disparition de son père.
On découvre alors peu à peu, un personnage haut en couleurs, un « colosse fragile », unijambiste et poète, qui tour à tour sombre dans les affres de l’alcoolisme ou s’élève par la spiritualité orientale et la passion des haïkus. Une culture autodidacte qui permet aussi de régler ses comptes avec un mépris social qu’elle a elle-même ressenti toute sa vie, elle qui a pu faire des études et changer de classe sociale.
On retrouve là des influences directes dont l’auteure ne se cache pas, comme Annie Ernaux ou Didier Eribon.
Avant que j’oublie est assurément un très beau roman, burlesque, quand il décrit l’absurdité de la mort, et touchant quand il refuse que les souvenirs s’effacent, pour ne jamais oublier que la vie doit continuer.
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Parution le 22 août 2019 – 144 pages
Avant que j’oublie, Anne Pauly (Verdier) sur Fnac.com
*Photo © DR (Verdier)