LE CERCLE LITTÉRAIRE – Le coup de cœur de Caroline L. (Cambridge). L’histoire est celle d’une famille de musiciens virtuoses, le père un célèbre chef d’orchestre, nommé Claessens, sa femme, soprano prometteuse épousée très (trop) jeune, et leurs enfants David et Ariane, lui violoniste, elle pianiste comme son père. L’agonie du père qui ouvre le roman se transforme en récit de la vie de sa famille, où tous se heurtent à des barrières affectives qu’ils ne peuvent franchir.
Opus 77
Le coup de cœur de Caroline L. (Cambridge)
L’archet et la baguette
C’est donc aussi l’histoire des limites des rapports familiaux, racontée ici par la voie (voix) de la musique. Sous la passion-pression du père, la mère voit sa carrière éclipsée, et David affirme (dans un geste très public que son père vit comme une humiliation) sa volonté de choisir un autre instrument que celui de son père. Frère et sœur pourtant restent proches, Ariane accompagnant avec finesse son frère aîné.
Le silence
David, « musicien à fleur de peau », prend donc des leçons de violon auprès du vieux maître Krikorian qui lui apprend également le rôle du silence « absolument fondamental pour parcourir le chemin nécessaire entre le passé et l’avenir, entre l’échec et le succès, entre une phrase musicale absconse et la lumière illuminant un pan entier de la partition ». Le ton est donné.
Le point de rupture
Dans un crescendo narratif, pendant un ultime concert de compétition dirigé par son père, David s’abandonne à la pression de tout donner sans pour autant réussir à casser la barrière qui le sépare de son père. Et la séparation se fait définitive de façon dramatique. David quitte les scènes, musicale et familiale, et s’isole. Seule Ariane semble avoir la souplesse d’aller au-delà des limites imposées par le rapport avec le père.
La structure narrative du roman s’inspire de la composition du Concerto pour violon Opus 77 de Chostakovitch. La lectrice et le lecteur qui connaissent le concerto entendront sans doute la musique ; celle et celui qui ont encore à le découvrir se laisseront envelopper par la puissance, l’émotion de l’interprétation dans ce silence « fondamental » à la création.
En deuxième de couverture, l’auteur déclare avoir voulu « retranscrire l’émotion qui peut nous bouleverser à l’écoute d’une œuvre ». C’est réussi. Même, peut-être surtout, dans le silence.
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Paru le 5 septembre 2019 – 242 pages