Critique

Les Mains Vides, ou l’illusion des mains propres par Valerio Varesi

08 août 2019
Par Sébastien Thomas-Calleja
Les Mains Vides, ou l’illusion des mains propres par Valerio Varesi

Dans Les Mains Vides, le dernier polar de Valerio Varesi, on retrouve le commissaire Soneri sous la chaleur écrasante du mois d’août dans sa Parme natale engluée dans un crime crapuleux aux multiples tentacules.

Une enquête policière

Le corps d’un homme est retrouvé mort dans un appartement cossu du centre parmesan. Issu d’une riche famille de commerçants, Francesco Galluzzo a-t-il été battu à mort pour son argent ? À moins que cela ne soit du fait de son homosexualité rejetée par sa famille ? Et pourquoi, à quelques mètres de là, le vieil accordéoniste des escaliers du Teatro Regio s’est-il fait voler son instrument ? Dépouillé de son gagne-pain et de son instrument à haute valeur sentimentale, l’accordéoniste est incapable de jouer autrement : « Le seul air que je me rappelle, c’est Bella Ciao, mais c’est plus à la mode, plus personne n’a envie de l’écouter ». Un pied de nez puisqu’on sait le succès de cet air entonné dans toutes les cours de récréation depuis le succès de la série espagnole La Casa de papel, même si peu connaisse sa signification pacifiste et révolutionnaire.

Pour le flegmatique Soneri, les apparences sont parfois trompeuses, et rien ne saurait le dévier de sa recherche éperdue de la vérité, pas même sa hiérarchie un peu trop pressée. C’est sur un rythme lent et délicat que Valerio Varesi installe sa nouvelle enquête dans Les Mains Vides. Mais l’objectif policier de l’affaire est loin d’être le seul. Cela ressemblerait plus à un prétexte pour nous emmener sur les chemins de l’histoire italienne et l’évolution de notre société contemporaine. 

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Un roman noir 

La touffeur oppressante qui sévit sur la ville n’est rien comparée à la cocotte-minute en ébullition que le commissaire est sur le point de faire imploser. Comme son titre l’indique « A mani vuote », Les mains vides, fait référence à la célèbre opération judiciaire contre la mafia italienne « Mani pulite » (mains propres), qui semble aujourd’hui révolue. C’est une véritable traversée politique et sociale que nous invite à suivre Valerio Varesi à travers les pérégrinations de son enquêteur, bourru et un peu « anar », en colère perpétuelle « contre la bêtise du monde et son inguérissable arrogance ». Constatant la perte de valeurs manifeste, Soneri regrette le temps où sa ville était belle et rebelle. Aujourd’hui, « la ville piétine sa tradition ouvrière et se convertit à la rente immobilière », ville millénaire dont les habitants désabusés ne s’intéressent plus qu’à leur apparence et à leur argent comme un « ultime soupir d’une ville romantique blafarde et finissante ». 

C’est un duel sans répit qui attend Soneri, comme dans cette confrontation avec son ennemi : « Le supermarché a remplacé les idées, la télé a pris la place des curés et des philosophes, l’argent est la nouvelle idole unique et totalitaire. Il ne nous reste plus que deux possibilités : soit en profiter, soit tenter de s’y opposer. Moi, j’ai choisi la première et vous, la seconde. Le seul point sur lequel on se retrouve, c’est le mépris qu’on peut ressentir pour ce monde-là. » Plus qu’un roman policier, Les Mains Vides est un excellent roman noir à l’atmosphère envoûtante et qui donne furieusement envie de découvrir la série complète ! 

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Paru 4 avril 2019 – 258 pages 

Traduction Florence Rigollet

Article rédigé par
Sébastien Thomas-Calleja
Sébastien Thomas-Calleja
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