LE CERCLE LITTÉRAIRE – Le coup de cœur de Anny M. (Marseille). Les textes de Muriel Barbery sont suffisamment rares et admirablement écrits, j’en veux pour preuve L’Elégance du hérisson ou Une Gourmandise, pour s’en délecter avec ravissement. Ce récit flamboyant et onirique, qui ne trahit pas notre légitime attente, met en scène des personnages fabuleux dans un décor délicatement inspiré de l’expérience asiatique de l’auteure où « les fleurs donnent le sentiment de l’éternité »…
Un étrange pays
Le coup de cœur d’Anny M. (Marseille)
Il suffit de passer le pont…
Ce roman d’aventures, aux subtils messages philosophiques, nous fait partager un voyage chimérique en pleine guerre de 1932 à 1938, en compagnie des elfes Petrus, le bien nommé (amateur de grands crus), Marcus et Paulus. Ils guideront Alejandro de Yepes « dont l’élégance élevait et réconfortait » et Jesὐs Rocamora, deux jeunes officiers de l’armée espagnole, à travers cet étrange pays des brumes dont l’accès n’est possible qu’en passant un pont invisible aux humains, en ayant auparavant bu du thé gris aux vertus particulières… En route, donc, pour un périple extravagant autant que merveilleux où Petrus sera le lien entre les deux mondes, « celui des elfes où tout est magnifique mais statique et celui imparfait et attachant des humains ». Le paradoxe d’un univers où les elfes vivant dans l’enchantement immédiat et aimant la poésie auront besoin des humains pour y ajouter la fantaisie et l’imagination ! En effet, « peut-on imaginer une vie qui ne connaisse ni fables, ni romans, ni histoire ? »…
L’alliance
Toutefois, ce monde harmonieux n’est pas épargné par la rivalité et l’ultime bataille qui s’annonce sera décisive pour son avenir. Tandis que « le temps se froisse comme un papier de soie », l’alliance sera-t-elle suffisante pour vaincre, quand partout la conquête du pouvoir est la plus forte ? La prophétie avisant « la renaissance des brumes par deux enfants de novembre et de neige… » se réalisera-t-elle ? Est-il vrai que « plus notre monde vieillit plus il requiert de poésie » ? Est-il juste de penser que « la gaité est la forme la plus aimable du courage » ?
Savoir oser passer le pont… Cet éloge de la sérénité, du beau, de la sagesse et de « l’imaginaire qui sert à vivre », sous la plume experte de Muriel Barbery, où se côtoient l’extase et le tragique, vous enchantera à n’en pas douter.
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Paru le 10 janvier 2019 – 400 pages
