Presque 50 ans de carrière, une flopée de tubes devenus classiques, une artiste atypique, impulsive, passionnée, Véronique Sanson a traversé les époques, les épreuves mais en est toujours ressortie plus vivante et plus forte. À l’aube de la sortie de son album Duos Volatils, attardons-nous sur cette artiste majeure de la chanson française, véritable légende vivante.
Un son très novateur à l’aube des années 70
Dès le départ, l’extrême musicalité de ses compositions est mise en exergue. Influencée par les productions anglo-saxonnes, elle décape la variété en créant un son inédit alliant la pop anglo-saxonne et la tradition de la chanson française. La Dame aime la musique classique qu’elle a apprise très tôt mais elle aime aussi et surtout fortement la pop anglo-saxonne qu’elle a découverte lors d’un séjour dans un pensionnat anglais avec les Beatles.
Sa collaboration avec Michel Berger, son ami d’enfance sur les albums « Amoureuse » et « De l’autre côté de mon rêve » ne tient pas du hasard. Ils ont la même vision de la musique. Sa rencontre avec Stephen Stills des Crosby, Stills, Nash and Young va contribuer à décupler sa créativité et creuser ce sillon musical. À ses côtés, pendant 10 ans, elle approfondit l’orchestration de ses chansons et elle travaille avec des pointures de la musique américaine. Elle est la première française à aller travailler et enregistrer aux Etats-Unis.
Tout au long de sa carrière, la chanson française de Sanson se teinte de pop, rock, blues, jazz, rythmes brésiliens, salsa… Bref, il y a musicalement dans la chanson française, un avant et un après Sanson.
Ce petit vibrato qui a rendu sa voix si distinguable
Ce qui la différencie des autres, c’est aussi sa voix. Véronique Sanson, c’est une voix, une voix que l’on reconnaît instantanément. Ce vibrato, elle ne l’a pas découvert tout de suite. Ce n’est qu’à force de passer des heures et des heures au piano à écrire, composer ses chansons après ses premiers échecs qu’elle se découvre cette voix qui la rendra si distinguable. Elle aimait ce vibrato que réalisait Dionne Warwick et voulait faire de même, révélait-elle dans l’émission Alcaline. Elle ne l’a pas forcément ardemment travaillée mais elle pense qu’à force de l’avoir voulu tellement fort, celui-ci est apparu mais pas comme elle le souhaitait. Ironie du sort donc, Sanson, elle-même, n’aime pas trop écouter ses premiers albums, surtout le premier car elle trouve sa voix insupportable. C’est vrai que ce vibrato, on l’aime ou on ne l’aime pas. Cette voix si particulière, c’est pourtant ce qui la différencie des autres et la rend immédiatement reconnaissable.
Une plume extrêmement moderne
Il n’y a pas que sa musique qui s’est démarquée immédiatement dans le paysage musical français. On souligne, dès le départ, avec force, la modernité et la qualité de ses textes.
Au début des années 70, elles ne sont pas nombreuses à être à la fois, auteure, compositrice et interprète. Il n’y a que Barbara, Anne Sylvestre à s’être vraiment fait un nom; le monde de la musique étant encore très largement masculin.
Le titre du premier album de Sanson n’est pas anodin, « Amoureuse ». Il ne s’agit que de ça tout au long de la carrière de Sanson, d’amour. La plume est à la fois délicate mais peut se faire fiévreuse, éclatante. Elle raconte le clair et l’obscur de cette drôle de vie qu’est la sienne et dépoussière la chanson d’amour. Ce sentiment est alors écrit et chanté par une femme pour un homme. Les rôles s’inversent. Et ça aussi, c’est assez nouveau, d’autant que Sanson ne met pas de filtre. Comme l’écrit si brillamment et justement Sophie Quenot-Quetier dans l’introduction de la biographie de Véronique*, les textes sont « d’une rare sensibilité, passant de la violence à la douceur, de la confidence à la déclaration, de la joie à la colère avec le même talent ».
Un sens du spectacle
Son expérience américaine lui apprend aussi à avoir le sens du show. Alors qu’elle était terrifiée à l’idée de monter sur scène au début des années 70 à cause d’une mauvaise expérience passée, c’est pourtant sur scène que Sanson se construit aussi une réputation. Ses shows sont à l’image de la femme incandescente et énergique qu’elle est. Elle ne fait qu’un avec son piano. Elle ne fait qu’un avec son public. Elle ne fait qu’un avec ses chansons. Elle laisse littéralement exploser son talent comme les plus grands (Piaf, Brel, Barbara, …). Sur scène, on s’aperçoit à quel point son répertoire est d’un niveau exceptionnel, en termes d’orchestration et d’une richesse musicale. Il n’y a qu’à écouter le concert enregistré avec l’orchestre symphonique Fisyo (82 musiciens) pour s’en rendre compte. Pop ou classique, l’œuvre de Sanson sur scène prend toute sa dimension. Et puis sur scène, Sanson est généreuse. Elle aime le partage avec les autres, ce qu’elle a fait à de nombreuses reprises comme avec Souchon en 1996 (« Chacun mon tour ») pour toute une tournée ou lors de la soirée « La fête à Sanson » aux Francofolies de La Rochelle en 1995, un moment de grâce archivé sur cd et dvd, « Comme ils l’imaginent ».
Un répertoire rempli de classiques de la chanson française
Pas étonnant que Sanson soit donc devenue une pop star comme l’Hexagone en a peu vu du côté des artistes féminines. La force de Sanson est de toujours avoir eu la foi, en elle et sa musique et ce malgré des débuts chaotiques. Elle sait que c’est le métier qu’elle veut faire et pour lequel elle est faite. Tout est prétexte à la musique dans sa vie. Et elle a bien eu raison d’insister. En 15 albums et plus de 45 années de carrière, Véronique Sanson s’est imposée comme une artiste majeure. Chacun de ses albums renferment des tubes et surtout des classiques de la chanson française. Amoureuse, Bahia, Besoin de personne, Une nuit sur son épaule, Chanson sur ma drôle de vie, Comme je l’imagine, Alia Souza, On m’attends là-bas, Vancouver, Bernard’s song, Féminin, Ma révérence, Mi maître, mi-esclave, , Je serai là, Laisse la vivre, Allah, Rien que de l’eau, Je me suis tellement manquée, Annecy, La douceur du danger, J’aime un homme, Qu’on me pardonne, Je veux être un homme, La nuit se fait attendre, Et je l’appelle encore… Etc. Tous ces titres ayant égrainés la carrière de Sanson sont non seulement des tubes mais des références. La chanson « une nuit sur mon épaule » se paye même le luxe de se retrouver samplée par Jay-Z sur le titre « History », un titre en hommage à l’élection de Barack Obama.
En regardant les titres de ses albums, je m’aperçois d’une chose. Qu’elle soit à Vancouver ou Hollywood ou de l’autre côté de son rêve, Sanson est indestructible, amoureuse. La distance qui la relie à ses débuts a été longue, chaotique, a vu passé plusieurs lunes mais ce papillon qui n’a eu de cesse de chanter à son éternelle étoile (Michel Berger son alter égo) est dingue par moment mais surtout digne des plus grands superlatifs. Elle qui chantait voilà bien longtemps ma révérence, et bien on a envie que cette révérence ne soit jamais tirée. Ces duos volatils pourraient bien être une manière d’exprimer avec ses amis artistes (Vianney, Lavilliers, Armanet, Cherhal, Souchon, Thiéfaine, Maé, Zaz, Dup, Bruel, Mitchell, Jonasz, Doré, Tryo), qu’elle est, d’une part, encore bien vivante, prête à continuer cette magnifique histoire d’amour qui l’unit au public français et que ce piano, d’autre part, n’est pas prêt de ne plus voir les mains magiques de cette Grande Dame l’effleurer encore pour en laisser s’échapper à nouveau de grandes chansons et de grands classiques.
*Site officiel de Véronique Sanson