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Elsa, l’amour éternel de Simonetta Greggio

30 août 2018
Par Le Cercle Littéraire
Elsa, l'amour éternel de Simonetta Greggio
©dr

LE CERCLE LITTÉRAIRE – Le coup de cœur d’Hervé V. (Brienne-le-Château). Elsa Morante, la prodigieuse est le sous-titre révélateur du dernier roman de Simonetta Greggio, consacré à cet écrivain, comme toutes les deux aiment être définies et non des écrivaines. Cette adoration pour cette femme à la vie sulfureuse dans une Italie de la dolce Vita accouche d’un roman témoignage Elsa mon amour, ce petit bébé aux frontières imaginaires, au cœur biographique, à l’âme sensuelle.

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Elsa mon amour

Le coup de cœur d’Hervé V. (Brienne-le-Château)

Petite présentation de Simonetta Greggio

Née le 21 avril 1961 à Padoue en Italie, Simonetta Greggio est une romancière francophone, débutant comme journaliste dans des revues françaises. Son premier roman est édité en 2005 chez Stock sous le titre La Douceur des hommes, suivent d’autres textes toujours aux éditions Stock comme Dolce Vita 1959-1979.  Simonetta Greggio fut finaliste du prix Renaudot et du prix Interallié, en 2010, elle a écrit au total plus de 12 romans.

Elsa mon amour ressemble à une porte ouverte vers Elsa Morante à différents moment de sa vie, comme si nous étions invités à vivre ses émois avec elle, spectateur de ses états d’âmes et de sa vie qui de scènes en scènes, devient le théâtre de sa propre existence. Un de mes libraires lors de ma rencontre avec ce roman biographique, me disait que c’était une biographie à l’américaine, prendre un événement pour l’approfondir, comme si nous étions ce décor pour la vivre encore et encore, et devenions en quelque sorte le regard du passé pour ce présent de lecture.

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Découverte d’Elsa Morante

De prime à bord je ne connaissais pas du tout cet écrivain Elsa Morante, juste son époux Alberto Moravia, puis aussi Malaparte, mais depuis je suis allé chez mon libraire favori pour acheter La Storia pour me plonger dans cette œuvre majeure de Morante.

Il y a toujours une fascination lorsque l’auteur d’une biographie prend la voix de l’artiste qu’il met en scène, il y a toujours une double voix qui résonne dans ma tête comme un schizophrène, celle de l’auteur entremêlé avec celle du héros, un duo d’un son unique, celui de la prose du roman, ce refrain fredonné par l’auteur de la biographie. Elsa Morante se matérialise soudain comme une héroïne vivante du roman, elle nait devant nous, pour nous faire revivre sa vie.

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Biographie du « je » et du « elle »

La mélancolie de la pluie berce beaucoup cette biographie, comme les larmes de notre héroïne. Sa jeune vie embrasse celui de sa marraine la prenant sous son aile, avec un papa fuyant et ce don incroyable pour l’écriture, dès son plus jeune âge.

Chaque petit chapitre sème une petite graine de la vie de cette femme, avec un titre simple, J’étais jeune, Il pleut (titre récurrent), L’enfant, J’étais une fois, ou bien, Mes seins, Ma virginité, Ma marraine, Malaparte, But i loved you, damned !, Un ange veille sur ma nuit, Le jour de mon mariage, Amour conjugal, La guerre, Le Mal, Il ne pleut pas… Et son dernier paragraphie au titre révélateur Elle est moi Mais je ne suis pas elle Et elle n’est pas moi, conclut à merveille ce roman. Tous ces titres sont comme une petite chanson intime du cœur d’Elsa, avec cette pluie qui sans cesse tournoie son âme, sa vie ses amours.

Elsa Morante flotte comme un soupir dans ces mots empruntés par Simonetta Greggio. Avec sa prose la vie d’Elsa jaillit telle une étincelle de son esprit, de son âme. Ce style direct du « je », fait revivre cette  grande dame de la littérature dans une roman plus personnel avec en substance ses avis sur le monde qui l’entoure, ses amours, ses amis, ses émotions. Quel plaisir de pouvoir découvrir des personnes sous l’œil acide et critique d’Elsa, sous la plume de Simonetta Greggio, comme Malaparte, Pasolini, son mari Alberto Moravia, Visconti ! Je lis avec beaucoup de plaisir les anecdotes choisies par Simonetta Greggio comme des petits tableaux de vie s’animant devant moi, certaines huiles peintes de mots d’Elsa elle-même, glanés ci et là par notre écrivain tintent en moi comme le son d’une cloche au début d’une messe. Ces bruit restent en moi, ce son pénètre ma personne, je les ressens au fond de ma chair pour les savourer et me fondre dans cette époque et ce milieu inconnu.

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Voici pêle-mêle quelques-unes de ces anecdotes

J’aime la dualité de cette femme, s’inventant sa première fois avec un homme mature pour enjoliver son fantasme de jeune fille, un mensonge croustillant et le jouet qu’elle deviendra sous les mains de Visconti, cet homme homosexuel, de cette liaison perverse, la vie près de cet homme était pour elle, « andonte allegro », lui offrant son chat Arturo.

« Tomber amoureuse d’un homosexuel permet beaucoup de choses. DE rêver. D’implorer, de souffrir-et de ne pas tromper son conjoint. »

Son premier roman Mensonge et sortilège est le fruit des ténèbres, elle voulait une épopée, une tragédie, c’est en fait pour elle un opéra. Elle parlera de son bacille des ruines 20 ans plus tard dans son roman éponyme La Storia.

De Naples, Elsa Morante dira « Il faut avoir lu La Peau de Malaparte pour comprendre ce que c’était la ville. » Au sujet de cet homme Malaparte aura une complicité trouble avec son mari. La complexité est diffuse dans cet être, comme ses écrits, j’ai à ma grande surprise acheté des romans de cet auteur et lu Le soleil est aveugle pour continuer l’histoire de ce roman, découvrir cette prose baroque surtout et nourrir mon appétit de lecture croissante, une véracité de plaisir.

Je finirais par le passage du film Le Mépris avec Brigitte Bardot, Michel Piccoli, mis en scène par Jean-Luc Godard, d’après le roman d’Alberto Moravia, une petite éclaircie de l’éclat de ce film « ennuyeux et admirable » où Elsa reconnait dans ces mots les disputes passées avec son mari, comme écho profond et lourd traversant le temps pour faire perdurer l’amour maladroit entre ces deux amants mariés, puis séparés sans divorcer.

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Ce roman fut pour moi initiatique, il m’a ouvert un univers peu connu celui de la littérature italienne de cette époque, de cette vie italienne, avec ce septième art comme refuge. Pouvoir apprendre et aimer un monde nouveau, c’est de ce roman cette force, cet atout : la découverte. Simonetta Greggio s’identifie parfaitement à cette femme qu’elle vénère depuis son enfance, c’est sa muse, son idéal, un miroir d’identité, ce roman est une déclaration d’amour pour cette grande dame de la littérature italienne et je terminerai  par cette phrase de Simone Weil.

« Notre vie réelle est plus qu’aux trois quarts composée d’imagination et de fiction ».

Paru le 22 août 2018 – 240 pages 

Article rédigé par
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