LE CERCLE LITTÉRAIRE – Le coup de cœur de Françoise C. (Courbevoie). Le 26 avril 1983, une série d’explosions détruisait un des réacteurs de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Svetlana Alexievitch fait de La Supplication un témoignage choral des survivants de Biélorussie, martyrs de Tchernobyl : des voix dissonantes mais qui ont en commun l’incompréhension de cette apocalypse vécue qui perdure.
La Supplication
Le coup de cœur de Françoise C. (Courbevoie)
Le 26 avril 1983, une série d’explosions détruisait un des réacteurs de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Svetlana Alexievitch fait de La Supplication un témoignage choral des survivants de Biélorussie, martyrs de Tchernobyl : des voix dissonantes mais qui ont en commun l’incompréhension de cette apocalypse vécue qui perdure.
Une vérité étouffée
Pour certains habitants des zones contaminées, l’immatérialité de la radiation entraine l’incrédulité de l’irradiation. Par ailleurs, pour de nombreux Soviétiques, l’état tout-puissant reste la priorité absolue et la vie humaine secondaire. De même l’héroïsme, l’idéal patriotique (« Nous vaincrons Tchernobyl ») ont rendu impossible toute rationalité, toute pédagogie et toute mesure de protection efficaces et crédibles. Quelques témoignages s’élèvent contre l’incurie des autorités, mais ce sont des voix sans grande portée, d’après ces « rebelles ».
En conséquence, les habitants des zones contaminées sont livrés à eux-mêmes, à leurs angoisses, aux mutants que sont les maris, les enfants. Il ne leur reste que « la sombre racine du cri » (Garcia Lorca), la fatalité de l’âme slave et au-delà, la toute-puissance des sentiments, l’amour fou, l’amour maternel, le désespoir face à des enfants sans espoir, la beauté d’une nature qu’on refuse de voir disparaître.
Après l’apocalypse ?
Au-delà, aucun sens n’est donné à l’après-Tchernobyl, l’ancien monde n’existe plus et aucune voix pour évoquer, à partir de ces évènements, une conception du monde qui rassemble, éclaire et permet de répondre au fatalisme désenchanté de ces Biélorusses qui évoquent un monde sans futur, sans avenir, sans idéal. Un monde où le Je « je vais mourir » remplace le Nous.
La Supplication donne la parole à tous ces anonymes qui ont touché à l’inconnu et qui dévoilent ce qu’ils ont ressenti, appris sur eux-mêmes. Il s’agit, en quelques sorte, de leurs prières faites avec insistance et humilité (définition de supplication) pour combler le vide existentiel de cet après Tchernobyl.
Un livre bouleversant qui crie une vérité désespérée.
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Traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain
Parution le 5 octobre 2016 – 249 pages
La Supplication, Svetlana Alexievitch (J’ai Lu) sur Fnac.com