Le bouillonnant génie des lettres américaines a mis près de trois ans pour concevoir 4 3 2 1, son nouveau roman. Une durée de rédaction entièrement justifiée, tant ce dix-neuvième roman voit l’auteur de Mr. Vertigo et de la Trilogie New-Yorkaise travailler une structure aussi complexe qu’ambitieuse. Chronique d’un nouveau chef-d’œuvre signé Paul Auster.
Polyphonie
S’il a pu passer avec aisance du roman existentiel façon Moon Palace au récit mythologique à la Mr. Vertigo, Paul Auster n’en suit pas moins une logique interne extrêmement précise, fondatrice d’une œuvre éminemment personnelle. Avec 4 3 2 1, l’auteur new-yorkais a décidé de chambouler les structures du roman traditionnel, tout en gardant sa propre marque de fabrique. Il y livre en effet quatre variations de la vie d’un même personnage, « Archie » Isaac Ferguson, suivant l’avènement ou non de tel ou tel événement dans sa jeunesse. On suit donc quatre destins, façonnés à partir d’un seul canevas, dans une succession de chapitres qui permet à l’auteur de juxtaposer les différents développements de ce personnage.
Une structure qui en impose
Comme les auteurs d’uchronie (ces romans où l’Histoire telle que nous la connaissons est modifiée par un seul événement différent du cours réel des choses), Paul Auster a choisi plusieurs moments pivots afin de bien montrer comment les quatre existences possibles auraient pu basculer. Outre ce « jeu des 7 erreurs » littéraires qui fait avancer le récit d’un pôle à l’autre, ce sont bien entendu les invariants et la façon dont le héros va se positionner par rapport à eux qui font le sel de ce livre. Car dans chaque situation telle qu’aurait pu les vivre Archie apparaît Amy Schneidermann. Amie, petite amie ou voisine… Et la jeune femme de devenir l’un des personnages les plus importants de cette partition soignée.
Dans une approche résolument post-moderne, et en intégrant une certaine ambiance des sixties, l’écrivain parvient à nous faire comprendre comment le hasard nous guide bien plus que l’on voudrait le croire. Dans 4 3 2 1, l’effet papillon bat son plein, et le récit est suffisamment étendu pour que chaque variation trouve des résonances très lointaines. À la façon d’un Jaco Van Doarmel pour Mr. Nobody, Auster réalise donc son pari formel de bien belle manière, sans que cette approche radicale ne gâche le plaisir de découvrir la/les vie(s) d’Archie. Car l’écrivain américain, en plus de toucher à la métaphysique, n’oublie jamais d’incarner ses personnages, année après année, chef-d’œuvre après chef-d’œuvre.
—
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Gérard Meudal
Parution le 3 janvier 2018 – 1 024 pages